Tribunal judiciaire de Angers, le 19 juin 2025, n°25/00213

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Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire d’Angers le 19 juin 2025. Le litige s’inscrit dans la suite de la livraison des parties communes d’un programme vendu en l’état futur d’achèvement, au cours de laquelle des désordres d’enduits ont été réservés. Un constat ultérieur a confirmé la persistance des défauts. Une expertise a été ordonnée le 27 mars 2025, puis l’entreprise de ravalement a saisi le juge des référés afin d’étendre ces opérations au fabricant des produits d’enduit.

Les faits utiles tiennent à l’intervention de plusieurs acteurs à l’acte de construire, à la réception avec réserves et à la difficulté circonscrite aux façades. Sur la procédure, le syndicat des copropriétaires a d’abord obtenu une mesure d’instruction in futurum sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Ensuite, l’entreprise de ravalement a assigné le fabricant pour extension de l’expertise en cours, tandis que le maître d’ouvrage est intervenu volontairement. Les défenderesses ont conclu avec protestations et réserves.

La question posée au juge des référés était double. D’abord, déterminer si l’extension des opérations d’expertise à un tiers non encore attrait, en l’espèce le fabricant, répondait aux conditions de l’article 145. Ensuite, statuer sur les dépens d’une instance conservatoire close par une ordonnance d’instruction. La solution retient l’existence d’un motif légitime, déclare les opérations communes et opposables aux intervenants nouveaux, et met les dépens à la charge du demandeur à l’extension. « En application de l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner les mesures d’instruction légalement admissibles s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige. » L’analyse portera, d’abord, sur le cadre et l’application du contrôle de l’article 145, puis, ensuite, sur la portée procédurale de l’ordonnance.

I. Les conditions de l’extension au regard de l’article 145

A. Le motif légitime et le critère d’utilité probatoire

Le juge rappelle la grille classique de l’article 145, en soulignant sa finalité probatoire et son caractère préventif. La formule centrale précise la densité de l’exigence d’utilité: « Il s’évince de cet article que la partie qui demande que des opérations d’expertise soient étendues à des tiers doit justifier que cette mesure lui permettra de soutenir dans le cadre d’un procès ultérieur des prétentions qui ne soient pas manifestement vouées à l’échec. » L’appréciation du motif légitime s’opère ex ante, à l’aune d’un faisceau d’indices sérieux sans préjuger du fond.

Appliquant ce cadre, le juge constate que l’hypothèse d’un défaut imputable aux produits d’enduit commercialisés justifie l’extension. La connexité technique entre le désordre et la chaîne de fourniture rend l’intervention du fabricant utile à l’instruction, afin d’examiner formulation, mise en œuvre et adéquation aux supports. La décision se conforme à une ligne constante selon laquelle l’expertise in futurum peut embrasser tout intervenant potentiellement responsable, pourvu que la demande ne tende pas à un examen au fond anticipé.

B. La communauté des opérations et la garantie du contradictoire

L’ordonnance consacre l’effet principal de l’extension en ces termes: « Disons que ces opérations leur seront communes et opposables. » L’objectif est double. Il s’agit, d’une part, d’éviter la répétition des investigations et de sécuriser la force probante du rapport. Il vise, d’autre part, à assurer l’exercice effectif des droits de défense des nouveaux participants.

Cette garantie est explicitement articulée au texte. Le juge rappelle, par renvoi, que « l’intervenant est mis en mesure de présenter ses observations sur les opérations auxquelles il a déjà été procédé ». Le respect du contradictoire gouverne la reprise utile des diligences, la communication des pièces, les convocations et, le cas échéant, la réitération ciblée de tests. Le renvoi au magistrat chargé du contrôle de l’expertise pour toute difficulté assure une régulation procédurale continue, prévenant les dérives dilatoires tout en protégeant la loyauté de la preuve.

II. La portée procédurale de l’ordonnance

A. L’office du juge des référés et la décision sur les dépens

Saisi en matière de mesures d’instruction, le juge clôt l’instance par une décision qui l’en dessaisit. Il rappelle la règle incidente de l’article 491 du code de procédure civile: « Au vu de l’article 491 du code de procédure civile, le juge des référés doit statuer sur les dépens dès lors qu’il est dessaisi par la décision qu’il rend. Il ne peut ni les réserver, ni dire qu’ils suivront le sort d’une instance au fond qui demeure éventuelle à ce stade. » La charge des dépens est mise à la charge du demandeur à l’extension, solution classique en matière conservatoire.

Cette répartition, neutre quant au fond, reflète la logique d’initiative et l’économie de la preuve. Elle n’anticipe ni responsabilité ni garantie. Elle incite, cependant, à calibrer les demandes d’extension à l’aune de leur utilité démontrée, dès lors que l’économie du procès commande une instruction ciblée et contradictoire.

B. Les incidences pratiques sur la conduite de l’expertise

L’ordonnance aménage le calendrier pour absorber l’arrivée des nouveaux intervenants et les diligences complémentaires. Elle prévoit ainsi: « Accordons à l’expert pour le dépôt de son rapport au service du contrôle des expertises un délai supplémentaire de SIX MOIS à compter de la notification de la présente ordonnance. » Ce délai consolidé prévient le risque d’un rapport prématuré, tout en circonscrivant la prolongation pour éviter une dérive excessive.

La régulation des opérations est, enfin, nettement structurée: « le magistrat chargé du contrôle des mesures d’instruction est compétent pour statuer sur toute difficulté relative aux opérations d’expertise ». Ce rappel conforte la sécurité juridique des opérations rendues communes et opposables. Il autorise des ajustements procéduraux proportionnés, notamment sur la reprise d’investigations ou la ventilation des coûts d’expertise, sans déplacer le débat vers le fond. L’ensemble compose une solution mesurée, conforme au droit positif, qui favorise une instruction complète et loyalement contradictoire au service d’un futur procès.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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