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L’hospitalisation sans consentement constitue l’une des atteintes les plus significatives aux libertés individuelles que le droit français autorise. Elle suppose un contrôle juridictionnel rigoureux, tant sur les conditions de fond que sur la régularité formelle de la procédure. Le tribunal judiciaire d’Angers, par une ordonnance du 20 juin 2025, illustre ce contrôle dans le cadre d’une admission pour péril imminent.
Une femme, née en 1982 et placée sous curatelle renforcée, avait été conduite aux urgences par les pompiers le 11 juin 2025. Elle présentait des troubles du comportement consécutifs à l’arrêt de son traitement psychiatrique depuis plusieurs semaines. Un médecin extérieur à l’établissement d’accueil a constaté un discours altéré, des idées délirantes de persécution à thématique érotomaniaque et mégalomaniaque, ainsi qu’un risque de mise en danger et d’hétéro-agressivité. Le directeur du centre hospitalier spécialisé a prononcé son admission en hospitalisation complète le 12 juin 2025, sur le fondement du péril imminent. Les parents de l’intéressée avaient refusé de formuler une demande de tiers. Le juge des libertés et de la détention a été saisi le 17 juin 2025 afin de statuer sur la poursuite de la mesure.
Lors de l’audience du 20 juin 2025, la patiente a comparu et évoqué ses traitements ainsi que son stress. Elle ne contestait pas l’hospitalisation elle-même mais les traitements administrés. Son conseil n’a formulé aucune observation sur la régularité de la procédure.
Le tribunal devait déterminer si les conditions légales de l’hospitalisation pour péril imminent étaient réunies et si la mesure pouvait être maintenue.
Le tribunal judiciaire d’Angers a autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète, constatant la régularité de la procédure et la persistance de troubles rendant impossible le consentement de la patiente.
Cette décision met en lumière le régime particulier de l’admission pour péril imminent, qui déroge aux conditions ordinaires de la demande de tiers (I). Elle révèle également l’étendue du contrôle juridictionnel exercé sur ces mesures privatives de liberté (II).
I. Le péril imminent, fondement d’une hospitalisation sans demande de tiers
Le législateur a prévu une procédure dérogatoire lorsqu’aucun tiers ne peut formuler la demande d’admission (A). Cette procédure impose néanmoins des garanties renforcées pour pallier l’absence de sollicitation familiale (B).
A. L’impossibilité d’obtenir une demande de tiers
L’article L. 3212-1 du code de la santé publique subordonne en principe l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un membre de la famille ou d’une personne justifiant de relations antérieures avec le malade. Le tribunal rappelle que le directeur peut toutefois prononcer l’admission « lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande » et qu’existe « un péril imminent pour la santé de la personne ».
En l’espèce, l’ordonnance relève que « la vaine recherche d’un tiers est justifiée au dossier ». Les parents de la patiente avaient expressément refusé de signer une demande. Ce refus caractérise l’impossibilité d’obtenir une demande au sens légal. Le péril imminent a été constaté par un médecin extérieur à l’établissement, qui a relevé des troubles graves rendant l’hospitalisation « manifestement nécessaire ».
La double condition posée par le texte se trouvait ainsi remplie. Le tribunal valide cette appréciation en soulignant que le certificat médical initial « caractérise bien la nécessité de soins urgents en hospitalisation complète ». L’absence de tiers ne fait pas obstacle à la protection de la personne lorsque sa santé l’exige impérieusement.
B. Les garanties procédurales spécifiques
Le législateur a compensé l’absence de demande de tiers par des exigences renforcées. L’article L. 3212-1 impose que les certificats des 24 heures et des 72 heures soient établis par deux psychiatres distincts. L’ordonnance vérifie scrupuleusement cette condition. Le certificat des 24 heures a été rédigé par un premier praticien le 12 juin, celui des 72 heures par un second le 13 juin.
Le tribunal constate également que l’information légale prévue par l’article L. 3211-3 a été délivrée à la patiente le 13 juin. La curatrice a été avisée de l’hospitalisation par courrier du 12 juin. Ces formalités garantissent que la personne hospitalisée et son entourage juridique connaissent leurs droits.
L’ensemble de ces vérifications témoigne de l’attention portée à la régularité formelle. Le juge ne se contente pas de constater l’existence des certificats. Il vérifie leur auteur, leur date et leur contenu. Cette rigueur procédurale constitue le pendant nécessaire d’une mesure prise sans le consentement d’un proche.
II. Le contrôle juridictionnel de la mesure privative de liberté
Le juge exerce un contrôle portant tant sur les conditions de fond de l’hospitalisation (A) que sur le caractère adapté et proportionné de la mesure (B).
A. La vérification des conditions légales de maintien
L’article L. 3212-1 exige la réunion de deux conditions cumulatives. Les troubles mentaux doivent rendre impossible le consentement de la personne. Son état doit imposer des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante.
Le tribunal s’appuie sur l’avis motivé du 17 juin pour caractériser ces éléments. Le psychiatre avait constaté « une désorganisation psychique importante, un vécu délirant polymorphe, une labilité émotionnelle ». La patiente était « partiellement anosognosique », ce qui la conduisait « à refuser certains traitements et à minimiser ses difficultés ».
Ces constatations médicales établissent l’impossibilité du consentement. Une personne qui ne reconnaît pas sa maladie ne peut valablement consentir aux soins. Le tribunal en déduit que la patiente « présente toujours des troubles rendant impossible son consentement et imposant des soins sous surveillance médicale constante ».
B. L’appréciation du caractère adapté et proportionné
Le juge ne se borne pas à vérifier la légalité formelle. Il apprécie si la mesure répond aux exigences de nécessité et de proportionnalité qu’impose toute privation de liberté. L’ordonnance conclut que « la mesure d’hospitalisation sous contrainte apparaît adaptée, nécessaire et proportionnée ».
Cette triple qualification révèle l’influence du droit européen sur le contrôle des hospitalisations psychiatriques. La mesure doit être adaptée à l’état du patient. Elle doit être nécessaire, c’est-à-dire qu’aucune alternative moins contraignante ne permettrait d’assurer les soins requis. Elle doit être proportionnée à la gravité des troubles constatés.
En l’espèce, le risque d’hétéro-agressivité et la gravité des idées délirantes justifiaient une surveillance constante. Le traitement était en cours d’adaptation. L’hospitalisation complète demeurait le cadre approprié pour stabiliser l’état de la patiente. Le tribunal autorise donc la poursuite de la mesure tout en rappelant la possibilité d’un appel dans les dix jours.