Tribunal judiciaire de Arras, le 19 juin 2025, n°23/00637

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Rendu par le tribunal judiciaire d’Arras, 1ère chambre, le 19 juin 2025, ce jugement tranche un litige né de trois baux conclus pour l’exploitation d’un fonds dans un même immeuble. Après adjudication du bien en 2019, le propriétaire a délivré, le 21 mars 2023, trois commandements de payer visant les clauses résolutoires. Le preneur a saisi la juridiction pour obtenir l’annulation de ces actes, la restitution des taxes foncières acquittées entre 2020 et 2022, ainsi que la délivrance de quittances. Le défendeur a opposé une fin de non-recevoir pour prescription de la requalification, sollicité l’application du statut des baux commerciaux, et réclamé notamment la taxe foncière 2024. La question posée tenait, d’abord, à la compétence pour statuer sur la fin de non-recevoir, puis à la qualification des baux, et, partant, à la charge des taxes foncières et à la validité des commandements. La juridiction écarte d’abord la fin de non-recevoir, retient l’application du statut des baux commerciaux, annule deux commandements et cantonne le troisième, et ordonne la restitution des taxes foncières acquittées sans clause expresse.

I. Compétence procédurale et détermination du régime applicable

A. La fin de non-recevoir et l’office du juge de la mise en état
La juridiction commence par rappeler le cadre procédural pertinent et l’office du juge de la mise en état. Elle cite expressément que « les fins de non-recevoir relèvent de la compétence exclusive du juge de la mise en état à compter de sa désignation et jusqu’à son dessaisissement ». Constatant que l’exception de prescription n’a pas été soulevée devant ce magistrat, elle la déclare irrecevable sans aborder le fond. La solution, rigoureuse, garantit l’ordonnancement procédural, et confirme que l’invocation d’une prescription biennale de requalification suppose une saisine régulière de ce juge.

L’intérêt de cette solution tient à la discipline contentieuse imposée aux parties, qui ne sauraient contourner le canal procédural par des écritures tardives au fond. Elle invite, de surcroît, à une vigilance accrue dans la conduite de l’instance, la sanction étant immédiate et radicale. Cette rigueur évite des débats incidentels tardifs et protège l’économie du procès, sans priver les plaideurs d’une discussion utile lorsqu’elle est présentée devant la juridiction compétente.

B. La qualification des baux et l’entrée dans le statut commercial
Sur le terrain du fond, la juridiction identifie la destination des locaux et la durée d’occupation. Elle retient que « même si l’entrée dans les lieux a pu donner lieu à la conclusion d’un bail dit précaire dérogeant au statut des baux commerciaux, plus de trois années se sont écoulées depuis la conclusion des baux successifs si bien que tous constituent aujourd’hui des baux commerciaux ». S’ensuit la conclusion logique selon laquelle « il convient de retenir que les baux objets du litige sont soumis aux dispositions spécifiques à ce type de contrat ».

La motivation est claire et méthodique. Elle articule le critère matériel tenant à l’exploitation d’un fonds et la règle temporelle de l’article L. 145-5, valorisant la stabilité statutaire après l’échéance triennale. La précision emporte d’importantes conséquences, notamment l’écartement de la prescription de la loi du 6 juillet 1989, et le recentrage sur le droit commun quinquennal de l’action en paiement des loyers commerciaux, ainsi que sur le régime légal de répartition des charges.

II. Effets sur les obligations pécuniaires et les sûretés contractuelles

A. Le contrôle des commandements et l’imputation des paiements
Le juge applique les règles d’imputation des paiements et confronte les décomptes versés. Pour le premier bail, il constate, après réaffectations, l’absence de reliquat exigible et énonce que « au final, aucune des sommes réclamées dans le commandement de payer visant le bail de septembre 1993 n’apparaît due. Cet acte dénué de fondement juridique doit être annulé ». Le second commandement subit la même issue, en raison d’imputations et d’une confusion d’échéances relevée dans le décompte.

Pour le troisième bail, la juridiction opère un cantonnement précis, admettant des impayés limités pour 2019, et constate que « il en résulte que le commandement de payer du 21 mars 2023 relatif au bail du 1er décembre 2013 n’est pas dénué de tout fondement ». La démarche illustre un contrôle serré de la dette locative, excluant les doublons et les erreurs d’affectation. Elle affirme, sans excès, la proportionnalité des mesures conservatoires, en ne maintenant l’acte que dans la stricte mesure du solde justifié.

B. La charge de la taxe foncière et la restitution de l’indu
La juridiction se penche ensuite sur la répartition des charges fiscales dans des baux historiques. Analysant une clause générale relative aux « taxes municipales », elle relève que « la taxe foncière ne peut être assimilée à une taxe municipale au sens du contrat de bail ». Dès lors, faute de stipulation expresse, la charge de la taxe foncière ne bascule pas sur le preneur. La solution est confortée par l’exigence légale d’inventaire et d’état récapitulatif annuel des charges, propre au bail commercial.

La conséquence est double. D’une part, les paiements opérés au titre des années 2020 à 2022 ont été faits sans dette corrélative et appellent restitution. D’autre part, une demande relative à l’année 2024 se heurte à l’absence de clause translatif de charge. Enfin, sur la traçabilité des flux, la juridiction rappelle une exigence élémentaire de preuve et d’information, et souligne à propos des quittances que « il est constant que, quel que soit le type de bail, le bailleur est tenu de délivrer gratuitement au locataire, sur simple demande, une quittance de loyer ». La cohérence d’ensemble se retrouve encore dans le rejet de l’allégation d’abus, la juridiction retenant sobrement que « l’exercice d’une action en justice constitue en son principe un droit » qui ne dégénère pas ici en faute.

La portée de la décision dépasse l’espèce par la rigueur de son contrôle des clauses anciennes et l’affirmation de l’exigence d’inventaires précis. Elle éclaire la pratique sur l’interprétation restrictive des formules générales de charges, en particulier pour la taxe foncière, et sur la neutralisation des commandements grevés d’erreurs d’imputation. L’ensemble favorise une saine réallocation des obligations, sans affaiblir la sécurité contractuelle dès lors que l’écrit est précis et que la preuve est tenue.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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