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Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d’Aurillac le 16 juin 2025 porte sur une demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage d’une indivision entre deux ex-époux. Une femme, représentée par avocat et bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, a saisi le juge aux affaires familiales aux fins de voir ordonner la liquidation de l’indivision existant avec son ancien conjoint. Ce dernier, qui exerce la profession de fromager, s’est trouvé sans représentation après le désistement de son avocate.
L’instance a été introduite par assignation inscrite au répertoire général sous le numéro 24/00646. Les débats se sont tenus à l’audience du 12 mai 2025 devant la vice-présidente du tribunal, statuant en qualité de juge aux affaires familiales. L’affaire a été mise en délibéré pour prononcé du jugement par mise à disposition au greffe.
La demanderesse sollicitait l’ouverture des opérations de liquidation-partage de l’indivision post-communautaire. Elle demandait la désignation d’un notaire pour procéder aux opérations. Le défendeur, dépourvu de représentation à l’audience, n’a pas fait valoir de moyens en défense.
La question posée au tribunal était de déterminer si les conditions d’ouverture d’un partage judiciaire de l’indivision entre anciens époux étaient réunies et selon quelles modalités ces opérations devaient être organisées.
Le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage. Il a commis un notaire pour y procéder et désigné le magistrat chargé du suivi des partages pour surveiller les opérations. Le jugement a été rendu réputé contradictoire en premier ressort et déclaré exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Cette décision illustre le mécanisme du partage judiciaire dans le cadre d’une indivision post-communautaire et révèle l’étendue des pouvoirs organisationnels du juge en la matière (I). Elle met également en lumière les garanties procédurales encadrant le déroulement des opérations liquidatives (II).
I. Le cadre juridique du partage judiciaire de l’indivision post-communautaire
A. Le droit imprescriptible au partage et ses conditions de mise en oeuvre
Le partage judiciaire constitue une prérogative fondamentale reconnue à tout indivisaire. L’article 815 du Code civil dispose que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Ce principe d’ordre public permet à chaque coïndivisaire de provoquer le partage à tout moment, sauf convention contraire limitée dans le temps.
En l’espèce, le tribunal a fait droit à la demande en ordonnant « l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision ». Le divorce antérieurement prononcé entre les parties a fait naître une indivision post-communautaire sur les biens communs. La demanderesse était donc recevable et fondée à solliciter qu’il soit mis fin à cette situation.
Le juge aux affaires familiales détient une compétence exclusive pour connaître du partage des intérêts patrimoniaux des époux en application de l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire. Cette attribution de compétence matérielle justifie que la vice-présidente du tribunal ait statué en cette qualité.
La décision rappelle implicitement les exigences de l’article 1360 du Code de procédure civile qui impose au demandeur au partage de préciser les intentions des parties quant à la répartition des biens. Le tribunal a satisfait à ces exigences formelles en organisant les modalités pratiques des opérations.
B. La désignation du notaire liquidateur et l’étendue de sa mission
Le tribunal a commis un notaire nommément désigné « pour procéder aux opérations de compte, liquidation et de partage de l’indivision ». Cette désignation s’inscrit dans le cadre de l’article 1364 du Code de procédure civile qui prévoit que le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage.
La mission confiée au notaire présente un caractère particulièrement étendu. Le jugement étend expressément cette mission « à la consultation des fichiers [8] et [9] ». Cette extension correspond aux fichiers FICOBA et FICOVIE qui recensent respectivement les comptes bancaires et les contrats d’assurance-vie. Le tribunal ordonne et requiert les responsables de ces fichiers de répondre aux demandes du notaire sur le fondement de l’article L. 143 du Livre des procédures fiscales.
Cette prérogative d’investigation conférée au notaire vise à garantir l’exhaustivité des opérations liquidatives. Elle permet d’identifier l’ensemble des actifs susceptibles de composer la masse partageable et d’éviter les dissimulations patrimoniales.
Le jugement rappelle également que « le notaire commis pourra s’adjoindre si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou à défaut désigné par le juge commis ». Cette faculté répond aux nécessités d’évaluation des biens complexes et garantit l’établissement d’un état liquidatif conforme à la réalité patrimoniale.
II. L’organisation procédurale des opérations de liquidation-partage
A. Les obligations des parties et les délais impartis au notaire
Le tribunal impose aux parties une obligation de collaboration active dès l’ouverture des opérations. Le jugement leur enjoint « d’apporter, dès le premier rendez-vous auprès du notaire », une liste exhaustive de documents. Cette injonction vise le livret de famille, le contrat de mariage éventuel, les actes de propriété des immeubles, les documents relatifs aux donations et successions, la liste des établissements bancaires, les contrats d’assurance-vie, les cartes grises des véhicules, les tableaux d’amortissement des prêts et toutes pièces justificatives des créances invoquées.
Cette exigence documentaire traduit une volonté d’efficacité procédurale. Elle permet au notaire de disposer immédiatement des éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission sans multiplication des convocations.
Le jugement rappelle que « le notaire désigné dispose d’un délai d’un an à compter de la présente décision pour dresser un état liquidatif ». Ce délai, prévu par l’article 1368 du Code de procédure civile, encadre temporellement les opérations. Le tribunal précise que « ce délai sera suspendu en cas de désignation d’un expert et jusqu’à la remise du rapport », ce qui préserve les droits du notaire confronté à des difficultés d’évaluation.
L’état liquidatif devra établir « les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir ». Cette triple fonction comptable, évaluative et attributive constitue le coeur de la mission notariale.
B. Le contrôle juridictionnel et la sanction des comportements dilatoires
La décision organise un contrôle juridictionnel permanent des opérations. Le tribunal désigne « le magistrat chargé du suivi des partages de ce tribunal pour surveiller les opérations ». Ce juge commis dispose de pouvoirs étendus pour garantir l’avancement des travaux.
Le jugement précise que « le notaire commis rendra compte au juge commis des difficultés rencontrées et pourra solliciter de celui-ci toute mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission ». Ces mesures comprennent les injonctions, astreintes, désignations d’expert ou désignation d’un représentant à la partie défaillante.
Cette dernière faculté revêt une importance particulière au regard des circonstances de l’espèce. Le défendeur se trouvait sans représentation à l’audience après le désistement de son avocate. Le tribunal rappelle qu’« en cas d’inertie d’un indivisaire, il appartient de solliciter la désignation d’un représentant à celui-ci conformément aux dispositions de l’article 841-1 du Code civil ». Ce mécanisme permet de surmonter les blocages résultant de l’abstention d’un copartageant.
Le jugement institue enfin une sanction procédurale contre les demandes tardives. Il rappelle que « sauf élément nouveau, les demandes ultérieurement soumises au juge du fond qui ne seraient pas fondées sur des points de désaccord mentionnés dans le rapport du juge commis encourront l’irrecevabilité en application de l’article 1374 du code de procédure civile ». Cette fin de non-recevoir incite les parties à formuler l’ensemble de leurs prétentions devant le notaire et évite la multiplication des contestations dilatoires.
La portée de cette décision demeure celle d’un jugement d’espèce organisant classiquement un partage judiciaire. Elle illustre néanmoins la rigueur avec laquelle les juridictions encadrent désormais ces opérations, tant par l’étendue des pouvoirs d’investigation conférés au notaire que par les sanctions procédurales menaçant les parties négligentes.