Tribunal judiciaire de Auxerre, le 18 juin 2025, n°24/00057

Le Tribunal judiciaire d’Auxerre, 18 juin 2025, statuant comme juge des contentieux de la protection, se prononce sur un recours contre des mesures imposées de traitement du surendettement. Le débiteur avait saisi la commission le 11 octobre 2023. La demande a été déclarée recevable le 9 janvier 2024. L’endettement, unique, est fiscal et atteint 776 437,31 euros. La commission a imposé, le 2 avril 2024, un rééchelonnement sur soixante et un mois, à taux zéro, avec une mensualité de 2 057,61 euros et un effacement final. Le débiteur a contesté dans le mois, par courrier daté du 7 mai 2024 et expédié le 10 mai 2024, la mensualité et la prise en compte des ressources de son épouse, en sollicitant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. L’administration fiscale, créancier unique, n’a pas comparu. À l’audience du 16 avril 2025, le juge a examiné la recevabilité du recours puis la contestation au fond. La question juridique portait, d’abord, sur le décompte du délai de trente jours en présence de jours fériés consécutifs. Elle portait, ensuite, sur l’existence d’une capacité réelle de remboursement autorisant la confirmation de mesures imposées plutôt que l’ouverture d’un rétablissement personnel. Le tribunal déclare le recours recevable, refuse le rétablissement personnel et confirme les mesures imposées, en fixant la capacité mensuelle à 2 057,61 euros.

I. La recevabilité du recours en présence de jours fériés consécutifs

A. Le décompte prorogé du délai de trente jours
Le juge mobilise les articles 641 et 642 du Code de procédure civile et en précise l’application pratique. Il retient que « En l’espèce, suite à la notification de la décision au débiteur le 8 avril 2024, sa lettre de contestation a été adressée au secrétariat de la commission le 10 mai 2024, soit dans le délai des trente jours précité. » Il complète en rappelant que « En effet, ce calcul des 30 jours à partir du 9 avril 2024 mène normalement jusqu’au 8 mai 2024 mais ce délai doit être repoussé jusqu’au 10 mai 2024 à minuit, les 8 et 9 mai 2024 étant des jours fériés (armistice de la seconde guerre mondiale et jeudi de l’ascension) en 2024. » Le raisonnement articule la règle générale de computation et sa prorogation en cas de jours non ouvrables consécutifs. Il applique, sans rigidité, une méthode assurant l’accès effectif au juge dans le cadre protecteur du contentieux du surendettement.

Cette solution préserve la sécurité des recours et l’égalité d’accès à la procédure. En adoptant une lecture pragmatique des jours fériés successifs, le tribunal évite une forclusion artificielle, contraire à l’esprit des articles L.733-10 et R.733-6 du Code de la consommation. Elle s’accorde aussi avec la finalité sociale de la procédure, qui requiert une computation des délais lisible et prévisible. Le contrôle exercé est sobre et convaincant. Il confirme la vocation subsidiaire des règles du Code de procédure civile au service du droit au recours en matière de surendettement.

B. Une solution cohérente avec l’économie du contentieux du surendettement
La recevabilité s’apprécie au regard d’un délai bref, lequel impose une vigilance particulière du juge. En validant la contestation, le tribunal place la discussion au fond dans son cadre naturel, sans sanction prématurée. Le rappel circonstancié du calendrier, appuyé sur des jours fériés consécutifs, satisfait à l’exigence de motivation. La démarche ne crée pas d’exception contentieuse. Elle s’inscrit dans la logique d’un contrôle strict, mais finalisé, du délai d’un mois.

La portée de la solution est mesurée. Elle conforte la sécurité juridique des plaideurs sans encourager les contestations dilatoires. Elle évite, enfin, que la singularité du calendrier 2024 ne produise des effets disproportionnés. La recevabilité ainsi retenue ouvre la voie à l’examen de l’office du juge saisi de mesures imposées, cœur du litige.

II. La capacité de remboursement et le refus du rétablissement personnel

A. La méthode de calcul et la prise en compte du conjoint non déposant
Le juge rappelle son office au titre des articles L.733-12 et L.733-13 du Code de la consommation, et la référence au barème de l’article R.731-1. Il précise l’exigence d’un examen concret des charges, conformément à l’article L.731-2. Il souligne ainsi que « Néanmoins, le juge comme la Commission doit toujours rechercher la capacité réelle de remboursement du débiteur eu égard aux charges particulières qui peuvent être les siennes. » La motivation aborde ensuite la question centrale des ressources du conjoint non déposant. Le tribunal énonce que « Il est constant que dans le cas du débiteur marié, pacsé ou vivant en concubinage mais déposant seul un dossier de surendettement, les revenus du conjoint, partenaire ou concubin non déposant ne sont pas ajoutés aux revenus pris en compte pour calculer la quotité saisissable, mais doivent être pris en considération afin d’apprécier la répartition proportionnelle aux revenus des charges dans le ménage. »

Cette formulation, désormais classique, distingue avec netteté la quotité saisissable et la contribution du ménage aux charges. Elle confirme que les revenus du conjoint non déposant ne majorent pas la base saisissable, mais fondent seulement une répartition équitable des dépenses communes. Le tribunal applique ensuite cette méthode à des éléments actualisés et documentés, en retenant une contribution majoritaire du débiteur aux charges. Il en ressort une capacité théorique supérieure à 2 000 euros, compatible avec le maintien d’un plan. L’approche concilie rigueur normative et prise en compte des réalités du foyer, en phase avec la jurisprudence de fond et l’objectif de soutenabilité des plans.

B. Le refus du rétablissement personnel et la confirmation du plan imposé
Le juge écarte la demande de rétablissement personnel, en l’absence d’une situation irrémédiablement compromise, compte tenu d’une capacité stable et significative. La motivation, structurée, insiste sur la cohérence entre capacité et outil procédural. Elle constate que « Force est de constater que le calcul actualisé des ressources et charges du débiteur, selon une méthode différente de celle adoptée par la commission, dégage une capacité de remboursement supérieure à celle initialement retenue par cette dernière. » Elle ajoute, pour éclairer la proportionnalité de la charge, que « Néanmoins, la mensualité de remboursement retenue par la Commission de 2 057,61€ est adaptée dans la mesure où elle permet de tenir compte de l’inflation pesant sur les charges et offre une marge de sécurité suffisante pour que le plan proposé permette un traitement définitif de la situation de surendettement du débiteur. » La solution retenue s’inscrit dans le périmètre des articles L.733-1 et L.733-3, la durée de soixante et un mois demeurant inférieure au plafond de principe.

La décision assume, enfin, la cohérence entre l’outil planifié et la finalité d’apurement, en soulignant que « Ainsi, en imposant un plan de rééchelonnement des créances sur la base de mensualités de 2 057,61 euros pendant une durée de 61 mois, avec un effacement partiel des dettes à l’issue, la Commission a justement évalué la capacité de remboursement du débiteur. » Le tribunal en tire la conséquence procédurale attendue : « Il convient de fixer les mesures de désendettement selon les modalités prévues par la Commission et rappelées au dispositif du présent jugement et de leur conférer force exécutoire. » La portée de la solution est double. Elle réaffirme le caractère subsidiaire du rétablissement personnel, réservé aux situations sans aucune perspective d’apurement. Elle valorise, surtout, un plan soutenable, modulé par un taux nul, un échéancier circonscrit et un effacement partiel final, de nature à restaurer l’équilibre financier dans un horizon raisonnable.

L’appréciation globale apparaît mesurée et convaincante. Le juge a tenu compte d’un précédent de la Cour d’appel de Versailles du 7 janvier 2022, qui fixait une capacité plus élevée, tout en actualisant les données économiques utiles. L’approche, à la fois méthodique et souple, sécurise les pratiques des commissions et des juges, en rappelant le primat d’une capacité réelle, appréciée à l’aune des charges effectives et de la répartition intrafamiliale. Elle offre, enfin, un cadre opératoire aux créanciers publics comme privés, articulant protection du débiteur et exigence d’apurement, sans dénaturer l’économie du droit du surendettement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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