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Rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Auxerre, le 25 août 2025, le jugement tranche un litige né d’un contrôle en matière de cotisations agricoles. L’organisme de recouvrement avait engagé un contrôle sur place puis sur pièces, portant sur la période d’octobre 2019 à août 2022, à l’issue duquel une lettre d’observations du 27 novembre 2023 avait envisagé un redressement substantiel suivi d’une mise en demeure du 4 mars 2024. Le cotisant a saisi la juridiction après le silence de la commission de recours amiable, en invoquant plusieurs irrégularités formelles et la contestation du fond du redressement.
La procédure a donné lieu à un échange contradictoire sur la régularité de la lettre d’observations, sur le respect des droits de la défense et sur l’obtention de pièces bancaires. Le cotisant soutenait notamment l’erreur de destinataire, l’absence de la date de fin de contrôle, l’insuffisance des bases chiffrées et le défaut de certaines mentions obligatoires. L’organisme répondait que la lettre décrivait la période contrôlée, les éléments retenus et la base de calcul, et rappelait qu’aucun texte n’impose la communication du procès-verbal d’infraction. La question centrale portait finalement sur l’exigence textuelle de la mention de la date de fin de contrôle et la sanction attachée à son omission.
La juridiction rappelle les articles R. 243-59 du code de la sécurité sociale et R. 724-9 du code rural et de la pêche maritime, qui imposent que la lettre d’observations mentionne, notamment, « la date de la fin du contrôle ». Après avoir écarté le grief tiré de l’erreur matérielle d’orthographe du destinataire, elle juge que l’omission de la date de fin de contrôle constitue une irrégularité substantielle entraînant la nullité de la procédure et, par voie de conséquence, du redressement. La motivation retient que « Force est de constater que la lettre d’observations critiquée ne mentionne nullement la date de fin de contrôle ». La décision annule la lettre d’observations et la mise en demeure, et condamne l’organisme aux dépens ainsi qu’au titre de l’article 700.
I. L’exigence textuelle de la date de fin de contrôle et sa fonction
A. Le cadre normatif du contrôle et la place de la lettre d’observations
Les textes applicables fixent avec précision le contenu minimal de la lettre d’observations, véritable pivot du contradictoire. L’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale exige un document daté et signé, indiquant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et, « le cas échéant, la date de la fin du contrôle ». Pour les régimes agricoles, l’article R. 724-9 du code rural renforce l’exigence, en imposant la mention de cette date et l’indication du mode de calcul des redressements, avant l’écoulement d’un délai de réponse de trente jours.
La fonction de cette mention tient à la délimitation temporelle des opérations et à l’ouverture effective de la phase contradictoire. Elle garantit au cotisant la lisibilité du calendrier et l’exercice utile des droits de la défense, notamment pour solliciter des pièces, formuler des observations et, le cas échéant, contester des extrapolations d’assiette. La juridiction lie expressément cette exigence au respect du contradictoire, en relevant que « La mention à la lettre d’observations de la date de fin de contrôle, information concourant à garantir le respect du contradictoire et le plein exercice des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la procédure ».
B. L’application aux faits: rejet du grief mineur, sanction du vice substantiel
Le moyen tiré de l’erreur de destinataire est écarté comme inopérant, faute de grief, la distribution étant démontrée. La juridiction relève que « Il ressort des pièces et il n’est pas contesté que la lettre d’observations en cause a été dûment distribuée à la cotisante le 30 novembre 2023 », de sorte que « Ce moyen sera donc rejeté ». L’analyse est classique: une erreur matérielle sans incidence sur l’information du cotisant n’altère pas la régularité de l’acte.
En revanche, l’omission de la date de fin de contrôle n’est pas neutralisée par l’argument consistant à déduire cette date de la date figurant sur la lettre. Le juge refuse l’assimilation implicite, rappelant que l’exigence est textuelle et non présumée. La motivation souligne que la concomitance éventuelle doit être exprimée, faute de quoi la garantie substantielle fait défaut. Le raisonnement s’achève logiquement par la sanction d’annulation, qui rejaillit sur la mise en demeure et l’obligation de payer, la juridiction affirmant que « Une telle nullité prive en conséquence de fondement l’obligation au paiement des sommes visées à la lettre d’observations […] puis objet de la mise en demeure ».
II. La valeur et la portée de la solution retenue
A. Une solution conforme au texte, protectrice du contradictoire
La décision retient une lecture littérale et finaliste des textes, au service d’une garantie procédurale déterminante. L’exigence de la date de fin de contrôle n’est pas décorative: elle borne l’investigation, fixe l’instant de clôture et informe sur le point de départ utile de la réponse. La qualification de « formalité substantielle » est justement mobilisée, car l’information manquante compromet l’effectivité de la défense et la critique des méthodes de reconstitution.
L’absence d’exigence de grief, ici, se comprend par la nature même de la garantie. Lorsque l’omission porte sur un élément qui conditionne le contradictoire, la sanction d’annulation, sans preuve préalable d’un préjudice concret, répond à une logique préventive. Le juge refuse une approche prétorienne de simple « régularisation » par interprétation, privilégiant la sécurité juridique et la clarté du débat contradictoire.
B. Des conséquences pratiques marquées pour la pratique du contrôle
La portée de la solution est immédiate pour les organismes de recouvrement soumis au code rural. Elle impose une vigilance rédactionnelle accrue, avec insertion expresse de la date de fin de contrôle, même lorsqu’elle coïncide avec la date de la lettre. À défaut, l’ensemble de la procédure encourt l’annulation, y compris la mise en demeure et les pénalités subséquentes.
Pour les cotisants, l’arrêt conforte une ligne de défense fondée sur les mentions obligatoires, à condition d’éviter la pure chicane procédurale. L’argument doit se rattacher à la sauvegarde du contradictoire et à la capacité de répondre utilement. En pratique, l’exigence textuelle favorise la prévisibilité et l’équilibre du contrôle, en fixant un jalon temporel clair, que le juge rattache à la substance même des droits de la défense par la formule précitée. L’annulation, ici, apparaît proportionnée à l’atteinte, car l’omission sape une garantie structurante du débat.
En définitive, la solution s’inscrit dans une conception rigoureuse mais cohérente du contrôle social agricole. Elle confirme que la lettre d’observations n’est pas un simple véhicule d’assiette, mais l’acte garant de la contradiction, dont les mentions requises ne souffrent ni l’implicite ni l’approximation.