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L’ordonnance de référé rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Avignon le 17 juin 2025 illustre le fonctionnement du mécanisme de recouvrement des créances locatives lorsque le locataire, après avoir quitté les lieux, laisse subsister une dette d’arriérés impayés. Un bailleur avait consenti un bail d’habitation le 16 janvier 2023 moyennant un loyer mensuel de 590 euros hors charges. Face à l’accumulation d’impayés, il fit délivrer un commandement de payer le 29 novembre 2024 visant une somme de 2 282,84 euros arrêtée au terme de novembre 2024. Par assignation du 4 mars 2025, le bailleur saisit le juge des référés aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion et obtenir condamnation au paiement d’une provision sur arriérés locatifs. À l’audience du 3 juin 2025, le demandeur indiqua que son locataire avait quitté les lieux le 7 avril 2025 et actualisa sa demande à hauteur de 4 745,14 euros. Le défendeur, cité à étude, ne comparut pas. La question posée au juge des référés était celle de savoir si, en présence d’une dette locative non contestée et d’un défaut de comparution du débiteur, une provision pouvait être accordée au créancier sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile. Le juge répondit par l’affirmative, condamnant le locataire au paiement de la provision sollicitée avec intérêts au taux légal ainsi qu’aux frais irrépétibles et dépens. Cette décision mérite examen tant au regard des conditions d’octroi de la provision en référé (I) que des conséquences attachées au défaut de comparution du défendeur (II).
I. Les conditions d’octroi de la provision en référé
Le juge des référés dispose du pouvoir d’accorder une provision au créancier lorsque l’obligation invoquée n’est pas sérieusement contestable. Cette prérogative suppose la démonstration d’une créance certaine (A) dont le caractère incontestable justifie l’allocation immédiate d’une somme provisionnelle (B).
A. L’exigence d’une créance certaine en matière locative
Le juge fonde sa décision sur l’article 835 du code de procédure civile aux termes duquel il « peut accorder une provision au créancier, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». Il combine ce texte avec l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 qui impose au locataire l’obligation « de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ». La créance locative trouve ainsi son assise dans le contrat de bail dont l’existence n’est pas discutée en l’espèce.
Le magistrat relève que le demandeur « a produit un dernier décompte arrêté au 07 avril 2025 faisant état d’une dette locative d’un montant définitif de 4 745,14 euros au jour du départ de son locataire ». Cette formulation révèle que la certitude de la créance résulte de la production d’éléments comptables précis. Le décompte constitue l’instrument probatoire par excellence en matière de recouvrement d’arriérés locatifs. Sa régularité n’ayant fait l’objet d’aucune contestation, le juge pouvait légitimement considérer que l’obligation du locataire était établie de manière suffisamment certaine pour justifier l’allocation d’une provision.
B. L’absence de contestation sérieuse comme critère déterminant
Le référé-provision repose sur l’absence de contestation sérieuse de l’obligation invoquée. En l’espèce, cette condition se trouvait d’autant plus aisément remplie que le défendeur n’avait pas comparu. Le juge souligne d’ailleurs qu’il « ressort de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le tribunal fait droit à la demande s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
Cette articulation entre les articles 472 et 835 du code de procédure civile mérite attention. L’absence de comparution ne dispense pas le juge d’apprécier le bien-fondé de la demande, mais elle prive la défense de toute possibilité d’élever une contestation susceptible de faire obstacle à l’allocation de la provision. Le caractère non sérieusement contestable de l’obligation s’apprécie objectivement au regard des pièces versées aux débats. Ici, le contrat de bail, le commandement de payer et le décompte actualisé suffisaient à établir l’existence et le quantum de la dette.
II. Les effets du défaut de comparution du défendeur
Le défaut de comparution du locataire emporte des conséquences procédurales significatives tant sur la qualification de la décision (A) que sur l’étendue des condamnations prononcées (B).
A. La qualification de l’ordonnance réputée contradictoire
Le juge précise que le défendeur « a été cité à étude » et qu’« en application de l’article 473 du code procédure civile, la présente ordonnance étant susceptible d’appel, elle sera réputée contradictoire et en dernier ressort ». Cette qualification revêt une importance pratique considérable. L’ordonnance réputée contradictoire prive le défaillant de la voie de l’opposition tout en lui réservant celle de l’appel.
La signification de l’assignation à étude, c’est-à-dire entre les mains de l’huissier faute de pouvoir atteindre le destinataire à son domicile, n’empêche pas la décision d’acquérir cette qualification. Le législateur a ainsi entendu concilier le respect des droits de la défense avec l’efficacité de la procédure de référé. Le défendeur, informé de la procédure par les diligences de l’huissier, conserve la faculté de contester la décision devant la cour d’appel s’il l’estime mal fondée.
B. L’étendue des condamnations en l’absence de défense
L’absence de comparution du locataire a conduit le juge à faire intégralement droit aux demandes du bailleur. Outre la provision de 4 745,14 euros, le défendeur est condamné au paiement de 700 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens « en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation et de sa dénonce ».
Cette solution illustre le risque contentieux que prend le défendeur en s’abstenant de comparaître. Le juge des référés, tout en conservant son pouvoir d’appréciation sur le bien-fondé des prétentions, se trouve privé d’éléments contradictoires susceptibles de nuancer ou de réduire les condamnations sollicitées. L’équité, expressément invoquée par le magistrat pour justifier l’allocation des frais irrépétibles, commande alors de réparer le préjudice subi par le demandeur contraint d’exposer des frais pour faire valoir ses droits face à un adversaire défaillant. Cette ordonnance rappelle que le défaut de comparution ne constitue nullement une stratégie de défense mais expose au contraire le défaillant à supporter l’intégralité des conséquences de la procédure engagée contre lui.