Tribunal judiciaire de Bergerac, le 13 juin 2025, n°24/00644

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Le tribunal judiciaire de Bergerac, ordonnance du juge de la mise en état du 13 juin 2025, tranche un incident de compétence et d’administration de la procédure né d’un sinistre survenu à la suite d’intenses précipitations. Un glissement de terrain a affecté un immeuble d’habitation situé en contrebas d’une voie départementale, puis a conduit l’assurée à mobiliser la garantie « catastrophe naturelle » auprès de son assureur et à rechercher la responsabilité d’une collectivité territoriale en raison d’un défaut d’entretien allégué. Après expertise amiable puis judiciaire, la demanderesse a assigné l’assureur et la personne publique, tandis que des propriétaires voisins sont intervenus volontairement. Devant le juge de la mise en état, la collectivité a soulevé une exception d’incompétence ratione materiae au profit du juge administratif, l’assurée sollicitant, pour sa part, la disjonction de l’instance afin de faire avancer le volet assurantiel. La question était double et étroitement liée aux règles de répartition des contentieux : la réparation d’un dommage imputé à un ouvrage public relève-t-elle exclusivement du juge administratif, et la disjonction s’impose-t-elle pour coordonner utilement les débats restants. Le juge répond affirmativement, en rappelant que « Le juge judiciaire n’est pas compétent pour connaître d’une demande tendant à la réparation de dommages causés aux tiers par un ouvrage public », puis en ordonnant la disjonction des instances pour isoler la garantie d’assurance.

I. La compétence administrative en présence d’un dommage de travaux publics

A. La qualification mobilisée et ses conséquences contentieuses
Le cœur du litige tient à l’imputation des désordres au fonctionnement d’un ouvrage de voirie et de collecte des eaux pluviales. Le juge constate que ces aménagements relèvent du domaine public et participent, comme accessoires indissociables, à un ouvrage public. Cette qualification entraîne l’attribution de compétence au juge administratif, conformément à l’énoncé selon lequel « Lorsque le dommage invoqué est un dommage de travaux publics (…) [il relève] de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu où le fait générateur du dommage s’est produit ». La solution s’inscrit dans une ligne stable : la responsabilité extracontractuelle d’une personne publique du fait d’un ouvrage public relève du contentieux administratif, quelle que soit la formulation des prétentions.

B. Le renvoi à mieux se pourvoir et la portée procédurale de l’article 81 du code de procédure civile
Le juge de la mise en état, compétent pour connaître de l’exception, applique strictement l’article 81 du code de procédure civile en rappelant que « lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction (…) administrative, (…) il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir ». Il ne désigne donc pas le tribunal administratif saisi par renvoi, la règle spéciale écartant la désignation imposée dans les autres cas d’incompétence. La portée pratique est nette : la demanderesse doit ressaisir la juridiction administrative pour les prétentions en responsabilité publique, tandis que le juge judiciaire se dessaisit partiellement sans préjuger de la causalité ni du quantum.

II. La disjonction comme instrument de bonne administration de la justice

A. Le critère d’opportunité et l’autonomie des liens juridiques en présence
La demande de disjonction vise à dissocier le contentieux assurantiel du débat de responsabilité publique. Le juge retient que « Il conviendra d’apprécier la responsabilité de chaque défenderesse (…) en fonction du droit applicable. Dans ces conditions, la disjonction des instances apparaît opportune ». La clef réside dans l’autonomie des rapports : d’un côté, un contrat d’assurance régi par le régime de la garantie « catastrophe naturelle » ; de l’autre, une action en responsabilité administrative fondée sur le fonctionnement d’un ouvrage public. La séparation favorise la clarté des règles applicables et permet, en pratique, d’éviter l’enlisement de l’instance contractuelle.

B. Appréciation critique de la solution retenue au regard du risque de fragmentation
La disjonction présente un avantage procédural évident : elle sécurise la progression du dossier assurantiel sans attendre l’issue du contentieux administratif. Toutefois, elle fait naître un risque de décisions dissonantes sur la cause et l’étendue des dommages, que seule une coordination temporelle maîtrisée peut réduire. Le juge privilégie ici l’efficacité, ce qui se justifie dans un contexte où les régimes juridiques diffèrent et où la garantie légale s’active indépendamment de la faute publique. Le choix écarte un éventuel sursis à statuer, mais il respecte l’économie des textes et ménage la possibilité d’ajustements ultérieurs si la solution administrative influe sur l’indemnisation.

Ainsi, l’ordonnance articule de manière rigoureuse le partage des compétences et l’outil de disjonction pour maintenir la lisibilité des régimes applicables. Elle rappelle, par un attendu de principe, que « Le juge judiciaire n’est pas compétent pour connaître d’une demande tendant à la réparation de dommages causés aux tiers par un ouvrage public », tout en préservant l’avancement utile du contentieux contractuel. L’équilibre retenu valorise la spécialisation juridictionnelle et limite les frottements entre ordres de juridiction, sans sacrifier la dynamique d’indemnisation attendue par l’assuré.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture