Tribunal judiciaire de Bergerac, le 19 juin 2025, n°25/00077

Rendu par le Tribunal judiciaire de Bergerac le 19 juin 2025, ce jugement autorise un indivisaire à vendre seul un terrain indivis. Les copropriétaires avaient acquis le bien en vue d’une construction interrompue, financée par un prêt, tandis que des pénalités contractuelles s’accumulaient. Assigné le 24 avril 2025, le défendeur n’a pas comparu; le jugement est réputé contradictoire selon la procédure accélérée au fond. La demanderesse sollicitait d’être autorisée à signer seule mandat, promesse et acte authentique pour un prix net minimal de 35 000 euros. Elle invoquait l’inertie du coïndivisaire, l’irrégularité des versements sur le compte joint et le risque d’une aggravation durable des charges. La question posée tenait aux conditions d’une autorisation judiciaire de vendre seule au regard des articles 815-5 et 815-6 du code civil. Le tribunal retient l’intérêt commun et l’urgence, fixe un plancher de prix et rappelle l’opposabilité de l’acte ainsi autorisé au coïndivisaire.

I – Le fondement et le sens de la décision

A – Les textes applicables et l’office du juge

Le juge président rappelle d’abord la compétence procédurale conférée par le code de procédure civile pour ce type de demandes. « Aux termes de l’article 1380 du code de procédure civile, les demandes formées notamment en application de l’article 815-6 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond. » La décision mobilise ensuite la règle matérielle propre à l’indivision, en rappelant que « Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte […] si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun ». L’article 815-6 vient compléter l’office du président, lequel « peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun ». Ces bases textuelles fixent un double critère, danger pour l’intérêt commun et urgence, dont la preuve commande l’octroi de l’autorisation sollicitée.

B – La caractérisation du péril et de l’urgence

Le tribunal retient des éléments concrets tirés des pièces produites, notamment un décompte de pénalités et des relances bancaires, pour établir la menace immédiate. « Il y a donc urgence à régler cette situation, qui est clairement contraire à l’intérêt commun dans la mesure où elle risque d’aboutir à une vente forcée du bien, dans des conditions de prix potentiellement défavorables. » L’abstention persistante du coïndivisaire, son absence de réponse aux courriers et sa non-comparution démontrent l’impossibilité d’une gestion concertée de l’indivision. Le juge en déduit, sans excès, la nécessité d’une autorisation de vendre seule, limitée par un prix plancher et l’opposabilité légale de l’acte. Ainsi, le motif central tient en ce que « Les circonstances décrites justifient donc qu’il soit fait droit à la demande ».

II – Valeur et portée de la solution

A – Une application conforme et proportionnée des textes

La solution respecte la logique du régime de l’indivision, qui concilie sauvegarde de l’intérêt commun et préservation des droits de chaque indivisaire. Le péril est caractérisé par l’endettement croissant et le risque de réalisation forcée; l’urgence procède des échéances et pénalités déjà exigibles. Le prix plancher fixé encadre utilement l’exercice du pouvoir, tandis que l’opposabilité protège le coïndivisaire absent contre toute contestation ultérieure de l’acte. L’activation de l’exécution provisoire, non incompatible avec la nature du litige, renforce l’effectivité de la mesure et évite une aggravation financière.

B – Conséquences pratiques et limites

L’autorisation de vendre seule constitue un remède ciblé à la paralysie, sans priver le coïndivisaire de son droit au prix et au partage. Elle suppose toutefois une démonstration précise des éléments factuels d’urgence et de péril, étayée par des pièces probantes et des démarches préalables demeurées vaines. À défaut, le juge peut préférer des mesures de gestion provisoire de l’indivision, moins intrusives, sur le fondement de l’article 815-6. Ici, la mesure retenue apparaît proportionnée aux risques identifiés et à l’absence d’alternative réaliste, compte tenu de l’inertie durable constatée.

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