Tribunal judiciaire de Bobigny, le 16 juin 2025, n°25/02105

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Rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny le 16 juin 2025, l’arrêt tranche une demande de réintégration formée après exécution d’une mesure d’expulsion. Le requérant, destinataire d’une ordonnance de référé du 5 décembre 2016, s’était vu signifier le titre exécutoire en avril 2017 puis un commandement de quitter les lieux en décembre 2017. L’expulsion est intervenue le 30 avril 2025.

La saisine initiale visait l’octroi de délais sur le fondement des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution. À l’audience, la demande a évolué en réintégration, le requérant invoquant un courriel d’un interlocuteur social présenté comme un engagement de non-expulsion. L’intimé s’y est opposé et a soutenu l’absence d’objet des délais postérieurement à l’expulsion.

La juridiction rappelle le cadre légal de l’expulsion, vérifie la régularité des opérations et apprécie la portée de l’échange électronique. Elle retient que l’écrit litigieux ne constitue pas un titre ou un accord abouti, écarte toute irrégularité et rejette la réintégration. La demande d’indemnité procédurale est également rejetée, les dépens demeurant à la charge du requérant.

La question posée est celle de l’office du juge de l’exécution après expulsion régulièrement menée, et des conditions permettant d’ordonner la réintégration. La solution tient en une affirmation de la centralité du contrôle de régularité, à l’exclusion d’engagements informels non finalisés.

I. Le fondement et la cohérence de la solution

A. L’office du juge après exécution et le contrôle de régularité

La décision s’inscrit d’abord dans l’économie du code des procédures civiles d’exécution, qui encadre strictement les évictions et la mainlevée postérieure. La juridiction cite le texte cardinal et ancre son contrôle dans les conditions de validité de l’opération: « L’article L.411-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice […] et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux. » L’ordonnance de 2016 a été signifiée, le commandement préalable a été délivré, et l’expulsion a été opérée en présence de l’occupant, comme l’atteste le procès-verbal.

Une fois l’expulsion accomplie, l’office du juge se resserre autour de la seule vérification d’une irrégularité de l’exécution, seule propre à justifier une réintégration. La juridiction le formule sans détour, retenant que « en l’absence d’éléments établissant le caractère irrégulier de l’expulsion intervenue le 30 avril 2025, la demande de réintégration n’est pas fondée et sera rejetée. » Cette motivation, brève et précise, rappelle qu’un débat sur des délais de grâce ne survit pas à l’exécution, et que la restitution des lieux suppose un vice propre de la mesure.

B. La qualification d’un accord informel et l’exigence de titre d’occupation

Le contentieux tenait ensuite à la portée d’un courriel, présenté comme l’expression d’un engagement de non-expulsion. La juridiction en livre une lecture restrictive, pertinente au regard des exigences probatoires. Elle retient que « il résulte de la lecture de ce courriel qu’il constitue une proposition d’accord faite au requérant dans le but d’arriver à un accord à l’amiable. Cet accord n’a cependant jamais été finalisé et n’est pas constitutif d’un titre d’occupation du logement litigieux. » L’analyse distingue, avec justesse, une démarche amiable en cours d’instruction d’un engagement ferme et opposable.

Cette qualification s’accorde avec le principe de légalité de l’exécution forcée et la nécessité d’un fondement clair de l’occupation. À défaut de titre, un échange informel ne suspend ni l’exécution ni ses effets. La solution évite de faire naître un régime probatoire incertain fondé sur des intentions transactionnelles non abouties, qui déstabiliserait la sécurité de l’exécution.

II. La valeur et la portée de la décision

A. Une motivation fidèle au droit positif et mesurée dans ses considérations

La décision se concentre sur l’essentiel, sans se laisser distraire par des éléments périphériques. Les mentions relatives à l’aggravation de la dette locative et à l’absence de démarches de relogement sont situées « au surplus » et ne conditionnent pas le refus de réintégration, réservé à l’absence d’irrégularité. Cette hiérarchie des motifs est conforme à l’office du juge après expulsion, et préserve la distinction entre le régime des délais de grâce et celui, distinct, de la restitution des lieux.

La valeur de la décision tient ainsi à sa fidélité aux textes et à une exigence probatoire nette. La juridiction rappelle la force normative des titres exécutoires et du commandement préalable, en cantonnant la réintégration aux hypothèses de défaillance procédurale avérée. La retenue affichée à l’égard d’un projet d’accord inachevé évite de fragiliser l’autorité des décisions et l’effectivité des mesures.

B. Incidences pratiques et lignes directrices pour le contentieux de l’expulsion

La portée pratique est claire pour les praticiens: après exécution, la demande doit se borner à établir un vice affectant la décision, le commandement ou les opérations. À défaut, la réintégration est exclue, quand bien même existeraient des pourparlers ou des promesses non actées. La solution invite les parties à formaliser tout accord suspensif de l’expulsion par écrit signé et suffisamment déterminé, idéalement homologué, afin d’éviter l’équivoque et l’inexécution.

Elle trace également une frontière nette entre le temps du sursis et des délais, régi par les articles L.412-3 et L.412-4, et le temps du contrôle post-exécution, dominé par la régularité de la mesure. Ce balisage sécurise la conduite des procédures, circonscrit l’aléa contentieux et valorise la preuve documentaire adéquate. Il confirme qu’une réintégration ne saurait pallier l’absence de titre ni suppléer un accord demeuré au stade de la proposition.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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