Tribunal judiciaire de Bobigny, le 16 juin 2025, n°25/06016

Le tribunal judiciaire de Bobigny a rendu, le 16 juin 2025, un jugement de rectification d’erreur matérielle relatif à une instance de construction. L’affaire oppose un syndicat de copropriétaires à divers intervenants à l’acte de bâtir et à leurs assureurs, au sujet de désordres. Les juges avaient retenu l’engagement de la responsabilité décennale de plusieurs intervenants, mais exclu celle du bureau de contrôle, dont les missions se limitaient à la solidité et à l’acoustique des bâtiments d’habitation, domaines étrangers aux désordres. Pourtant, le dispositif avait ultérieurement inclus ce dernier et son assureur dans une condamnation à garantie, en contradiction avec les motifs.

Sur requête du bureau de contrôle et de son assureur, la juridiction a été saisie d’une demande de rectification. Les autres parties ont été interrogées, sans réponse, et l’affaire a été tranchée sans audience. Les requérants sollicitaient la suppression, dans le dispositif, de la condamnation à garantie les visant, au motif d’une erreur purement matérielle. Le litige concentre deux thèses. Les requérants soutiennent la rectifiabilité immédiate d’un ajout inconciliable avec la motivation. Les défendeurs n’ont pas pris position dans le cadre de la procédure de l’article 462 du code de procédure civile.

La question de droit tient à la possibilité, pour la juridiction qui a statué, de corriger, sur le fondement de l’article 462 du code de procédure civile, une contradiction manifeste entre les motifs exonératoires et un dispositif condamnant néanmoins une partie à garantir. Le texte permet cette correction, à la condition de ne pas altérer les droits et obligations reconnus, de sorte qu’une simple mise en cohérence est recevable.

Les juges retiennent la qualification d’erreur matérielle et procèdent à la rectification du dispositif, en en retranchant la référence au bureau de contrôle et à son assureur. Ils s’appuient sur l’économie des articles 481 et 462 du code de procédure civile, rappellent le régime procédural applicable, puis affirment la limite fonctionnelle de l’office rectificatif. Le plan s’articule autour de l’étendue du pouvoir de rectification et de son application aux responsabilités de construction.

I. Le pouvoir de rectification de l’erreur matérielle

A. Fondement et office du juge

Le jugement rappelle d’abord l’effet dessaisissant de la décision, tempéré par les textes spéciaux. Il énonce que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche. Il peut toutefois l’interpréter ou le rectifier sous les distinctions établies aux articles 461 à 464 ». La rectification, distincte de la rétractation, rétablit la cohérence formelle de la décision sans en rouvrir le fond.

La juridiction cite l’article 462 du code de procédure civile et en reproduit la substance. Elle souligne que « les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ». L’office du juge consiste alors à confronter le dossier et la décision pour identifier l’incohérence objective.

Le cadre procédural est également fixé avec précision. Le texte est cité ainsi : « Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d’office. Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Toutefois, lorsqu’il est saisi par requête, il statue sans audience, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties ». La décision confirme le bien-fondé d’une rectification sans débats, les parties ayant été appelées.

B. Limites du pouvoir de rectification

La juridiction insiste sur la frontière entre correction formelle et réexamen du fond. Elle précise que « la rectification d’une erreur ou omission matérielle par la juridiction qui a rendu la décision ne peut avoir pour objet ou effet de modifier les droits et obligations reconnus aux parties par la décision initiale ». Cette réserve interdit toute remise en cause de la solution substantielle.

Elle circonscrit aussi les exigences d’organisation judiciaire. Le jugement indique qu’« il n’est nullement exigé que la juridiction qui statue soit réunie dans la même composition que lorsque la décision à rectifier a été prise ; seule importe qu’il y ait identité de juridiction ». L’exigence porte sur l’organe juridictionnel compétent, non sur la formation personnelle des magistrats.

Au regard de ces bornes, l’office rectificatif vise la suppression des contradictions matérielles, notamment celles nées d’une discordance entre la motivation et le dispositif. Il s’agit de rétablir l’intelligibilité de la décision, sans accorder ni retirer un droit substantiel non reconnu par le jugement initial.

II. L’application aux responsabilités de la construction

A. La contradiction motifs-dispositif et sa correction

Les motifs avaient écarté la responsabilité du bureau de contrôle, en raison de missions limitées à des domaines sans lien avec les désordres. Le dispositif a toutefois mentionné une condamnation à garantir, qui incluait le même intervenant et son assureur. La discordance est objective et immédiatement saisissable à la lecture concordante des pages motivées et de la page de condamnation.

Cette divergence procède d’une erreur de plume dans la reprise des intervenants tenus à garantie. Elle n’altère pas l’économie du raisonnement ni la répartition des responsabilités telle qu’énoncée. La qualification d’erreur matérielle s’impose, car l’intention juridictionnelle exprimée dans les motifs excluait l’intervenant écarté.

La rectification ordonnée consiste à retirer la référence litigieuse du dispositif, afin d’aligner le commandement exécutoire sur le raisonnement retenu. Une telle suppression ne modifie pas les droits reconnus. Elle restaure la portée exacte de la décision, telle qu’elle résultait des motifs.

B. Portée pratique et sécurité procédurale

L’espèce illustre l’utilité de l’article 462 du code de procédure civile pour garantir la sécurité juridique des décisions techniques en matière de construction. La procédure sur requête permet une correction rapide des discordances, sans audience, lorsque les éléments du dossier suffisent et que la contradiction ne requiert pas d’appréciations nouvelles.

L’office rectificatif protège les parties contre l’extension mécanique d’une condamnation, née d’une liste mal reproduite dans le dispositif. La solution prévient une mobilisation inappropriée de garanties d’assurance, contraire au périmètre des missions et au champ des désordres reconnus. Elle préserve l’exécution de la décision dans les limites de la responsabilité effectivement retenue.

La décision rappelle, enfin, que la cohérence entre motifs et dispositif conditionne l’exécutabilité et la lisibilité de la décision. Le recours à la rectification, possible « même [pour un jugement] passé en force de chose jugée », maintient l’équilibre entre autorité de la chose jugée et exactitude formelle, au bénéfice de la clarté et de l’efficacité du jugement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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