Tribunal judiciaire de Bobigny, le 17 juin 2025, n°25/02858

Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a, le 17 juin 2025, statué sur une demande de sursis à expulsion. Cette demande intervenait après un jugement du 6 novembre 2024 ayant ordonné l’expulsion, sa signification le 20 décembre 2024, puis un commandement du 14 février 2025.

La locataire occupe le logement avec deux enfants, âgés de vingt et seize ans, et a saisi la commission de surendettement en mars 2025. Elle justifie de démarches de relogement et a versé des sommes substantielles, dont 2 500 euros en février et 3 500 euros le 10 juin 2025.

Le bailleur s’opposait aux délais, invoquant des impayés anciens, puis a admis ne plus s’y opposer après un virement de 3 500 euros, sous condition d’une majoration mensuelle. Le bailleur sollicitait en outre une majoration de l’indemnité d’occupation de 200 euros et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La question portait sur l’octroi et la durée des délais de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, au regard des diligences et du juste équilibre. Le juge a accordé douze mois de sursis, subordonnés au paiement régulier de l’indemnité d’occupation, a refusé la majoration sollicitée et a écarté la demande fondée sur l’article 700. L’arrêt expose d’abord le cadre légal et son maniement, avant d’éclairer la mise en balance concrète des intérêts en présence.

I. Le régime des délais d’expulsion et son maniement par le juge de l’exécution

A. Le cadre normatif rappelé et la méthode de décision

Le juge s’inscrit dans le cadre clair tracé par les textes, qu’il cite de manière précise. Il rappelle d’abord le pouvoir d’accorder des délais lorsque le relogement ne peut s’opérer dans des conditions normales. Il énonce ainsi: « Aux termes du premier alinéa de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. » L’articulation avec la réforme de 2023, excluant l’occupation illicite par voie de fait, est également rappelée.

Il précise ensuite le bornage temporel du sursis et la logique d’appréciation. Le jugement mentionne: « Conformément à l’article L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction en vigueur à compter du 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. » Il en déduit une limite impérative, qu’il résume ainsi: « Enfin, le juge de l’exécution ne peut, en vertu des textes précités, accorder qu’un délai maximal de 12 mois. » L’autorité judiciaire retient alors les trois axes d’examen classiquement dégagés par l’article L. 412-4, à savoir la volonté d’exécution, les situations respectives et les diligences de relogement, au regard du droit à un logement décent.

B. L’appréciation concrète des critères: volonté, situations et diligences

L’appréciation de la volonté d’exécution se fonde sur des paiements significatifs et récents, conduisant à une diminution sensible de la dette. Le juge relève le versement de sommes importantes en février et juin, ainsi que la baisse de l’arriéré par rapport au jugement d’expulsion. La reprise de paiements caractérise une amélioration objective, sans effacer la fragilité antérieure, mais attestant des efforts accomplis.

La situation personnelle de l’occupante et ses charges familiales sont prises en considération, comme l’exige le texte. Le juge rappelle la nécessité d’un équilibre entre le droit de propriété et la protection du domicile familial. Il écrit: « S’il est indéniable que les propriétaires disposent d’un droit légitime sur leur bien immobilier, il convient cependant de trouver un équilibre entre les intérêts des parties en présence. » Il précise encore: « Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l’occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes. » Enfin, les diligences de relogement sont établies par une demande de logement social, de sorte que la durée accordée permet de mener utilement ces démarches. Le refus de majorer l’indemnité d’occupation tient à la situation économique constatée, sans préjudice du paiement courant exigé comme condition du maintien du sursis. La transition avec l’évaluation critique se fait donc naturellement, autour de la proportionnalité et de la sécurité des flux d’occupation pendant le délai.

II. Valeur et portée de la décision

A. Le contrôle de proportionnalité au cœur du sursis d’expulsion

La motivation articule avec rigueur la finalité de l’article L. 412-3 et le contrôle de proportionnalité. L’extrait suivant en est l’expression méthodologique: « Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l’occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes. » Le juge ancre l’analyse dans des éléments concrets et récents, afin d’éviter un raisonnement abstrait déconnecté des capacités réelles de l’occupant à apurer ou reloger.

La valeur de la décision tient à cet usage mesuré des critères, loin d’une logique automatique. La référence au « juste équilibre » instaure un standard opératoire, propre à concilier la prévisibilité pour le bailleur et la protection effective de l’occupant. Elle s’accorde avec l’idée, déjà affirmée, que la marge d’appréciation s’exerce dans un cadre étroit, puisque « le juge de l’exécution ne peut, en vertu des textes précités, accorder qu’un délai maximal de 12 mois. » Cette limite structure l’office du juge et fixe un horizon temporel clair aux parties.

B. Conséquences pratiques: articulation avec le surendettement, l’indemnité et l’exécution

La portée pratique est nette sur trois terrains. D’abord, l’articulation avec le surendettement justifie un délai plein, calibré pour laisser place aux mesures éventuelles de traitement. La conditionnalité attachée au paiement courant de l’indemnité d’occupation préserve l’équilibre contractuel, tout en évitant une majoration inadaptée au regard de la solvabilité actuelle. Le juge tranche en équité sur les frais irrépétibles, en énonçant: « L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. »

Ensuite, la décision renforce la sécurité procédurale en matière d’exécution, en anticipant les difficultés liées au temps. L’autorité judiciaire affirme: « La nature du litige rend nécessaire de déclarer la présente décision exécutoire au seul vu de la minute, en application des dispositions de l’article R. 121-17 du code des procédures civiles d’exécution. » Ce choix limite les retards d’exécution du sursis et sécurise la période transitoire, sans priver le bailleur de la faculté de reprise en cas de défaut de paiement.

Enfin, la fixation à douze mois, sommet de l’échelle légale, a une valeur signalétique mesurée. Elle consacre un délai suffisant pour le relogement social, tout en rappelant la borne impérative, telle qu’énoncée: « Conformément à l’article L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution […] la durée des délais […] ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. » La portée de l’arrêt tient ainsi à la combinaison d’un contrôle serré des conditions et d’une application ferme des bornes, de manière à offrir une solution proportionnée, stable et lisible pour les acteurs.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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