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L’ordonnance rendue le 17 juin 2025 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny illustre le contrôle juridictionnel obligatoire des mesures d’hospitalisation psychiatrique sans consentement. Cette décision s’inscrit dans le cadre du régime des soins psychiatriques à la demande d’un tiers, régi par les articles L. 3211-1 et suivants du code de la santé publique.
Les faits de l’espèce concernent un homme admis en soins psychiatriques le 6 juin 2025 au sein d’un établissement public de santé mentale. Le certificat médical initial relevait un « ralentissement psychomoteur, contact médiocre, faciès fatigué, discours incohérent, centré sur refus d’hospitalisation, désorganisation psychique et persévération, irritabilité de l’humeur », ainsi que des idées suicidaires déclarées. L’évolution de son état a mis en évidence une « symptomatologie mixte avec délire de persécution et messianique » chez un patient bipolaire en rupture de traitement.
Le 11 juin 2025, la directrice de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète, conformément au délai de douze jours prévu par l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. Le ministère public a communiqué des observations écrites le 16 juin 2025. L’audience s’est tenue le 17 juin 2025 en présence de l’intéressé, assisté d’un avocat commis d’office.
Le conseil du patient a présenté des observations à l’audience. L’intéressé a lui-même déclaré ne pas supporter l’enfermement tout en acceptant le traitement proposé. Il a expliqué son hospitalisation comme consécutive à une tentative de suicide.
La question posée au juge des libertés et de la détention était de déterminer si les conditions légales de l’hospitalisation complète demeuraient réunies et si cette mesure privative de liberté restait nécessaire, adaptée et proportionnée à l’état mental du patient.
Le juge a autorisé la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète. Il a constaté que l’intéressé présentait des troubles mentaux rendant impossible son consentement et que son état mental imposait des soins assortis d’une surveillance médicale constante.
Cette décision permet d’examiner la dualité du contrôle juridictionnel en matière d’hospitalisation psychiatrique. Le juge des libertés et de la détention vérifie tant la régularité formelle de la procédure que la nécessité médicale du maintien de la mesure (I). Ce contrôle s’accompagne d’une exigence de proportionnalité qui garantit l’équilibre entre protection de la santé et respect des libertés individuelles (II).
I. Le contrôle juridictionnel de la légalité de l’hospitalisation sans consentement
Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle systématique sur les mesures d’hospitalisation psychiatrique, vérifiant la conformité de la procédure aux exigences légales (A) comme l’existence des conditions médicales substantielles (B).
A. La vérification de la régularité procédurale de la saisine
L’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique impose au directeur de l’établissement de saisir le juge des libertés et de la détention avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission. Cette exigence procédurale résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 qui a imposé l’intervention systématique du juge judiciaire.
En l’espèce, l’admission a été prononcée le 6 juin 2025 et la saisine du juge est intervenue le 11 juin 2025. Le délai légal a été respecté. L’audience s’est tenue le 17 juin 2025, soit le onzième jour suivant l’admission, permettant au juge de statuer dans le délai imparti.
La régularité formelle comprend également la présence du patient à l’audience et son assistance par un avocat. L’ordonnance mentionne que l’intéressé était présent et assisté d’un conseil commis d’office. Le ministère public a fait connaître son avis par écrit, conformément à l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique.
Ces garanties procédurales constituent le socle du contrôle juridictionnel. Elles assurent le respect du contradictoire et permettent au patient de contester utilement la mesure dont il fait l’objet.
B. L’appréciation des conditions médicales de l’hospitalisation
L’article L. 3212-1 du code de la santé publique subordonne l’hospitalisation à la demande d’un tiers à deux conditions cumulatives. Les troubles mentaux doivent rendre impossible le consentement du patient. Son état mental doit imposer des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante.
Le juge s’appuie sur les certificats médicaux versés au dossier pour apprécier ces conditions. En l’espèce, le certificat initial faisait état d’un « discours incohérent » et d’une « désorganisation psychique ». L’avis motivé du 13 juin 2025 relevait un « discours diffluent et incohérent par moment » ainsi que des « idées délirantes persécutives peu critiquées ».
Ces éléments médicaux établissent l’impossibilité du consentement. Un patient présentant un délire de persécution et une absence de critique de ses troubles ne peut valablement consentir à des soins psychiatriques. La Cour de cassation juge de manière constante que l’appréciation de cette condition relève du pouvoir souverain des juges du fond, sous réserve d’une motivation suffisante (Cass. 1re civ., 5 février 2014, n° 12-29.833).
La nécessité d’une surveillance médicale constante résulte de la gravité de la symptomatologie. Les idées suicidaires mentionnées dans plusieurs certificats et la rupture de traitement justifient une hospitalisation complète plutôt qu’une prise en charge ambulatoire.
II. L’exigence de proportionnalité dans le maintien de la privation de liberté
Le contrôle juridictionnel ne se limite pas à la vérification des conditions légales. Le juge doit s’assurer que la mesure demeure proportionnée à l’état du patient (A) et prendre en considération les observations formulées lors de l’audience (B).
A. L’appréciation de l’adaptation de la mesure à l’état mental
L’article L. 3211-3 du code de la santé publique impose au juge de vérifier que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles sont « adaptées, nécessaires et proportionnées » à l’état mental du patient. Cette exigence transcrit en droit interne les principes posés par la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement de l’article 5 de la Convention.
Le juge doit procéder à un triple contrôle. La mesure doit être adaptée aux troubles présentés. Elle doit être nécessaire à la prise en charge thérapeutique. Elle doit être proportionnée, c’est-à-dire ne pas excéder ce qu’exige l’état de santé.
En l’espèce, l’ordonnance retient que « l’hospitalisation sous cette forme s’avér[e] proportionnée à son état mental ». Cette formulation reprend les termes de l’article L. 3211-3. Le juge considère implicitement que des soins ambulatoires seraient insuffisants compte tenu de la gravité des troubles.
La rupture de traitement et de suivi antérieure à l’hospitalisation constitue un élément déterminant. Elle suggère qu’une prise en charge sans hospitalisation complète présenterait un risque d’échec thérapeutique. La Cour de cassation admet que les antécédents de non-observance puissent justifier le maintien de l’hospitalisation (Cass. 1re civ., 11 juillet 2018, n° 18-13.894).
B. La prise en compte des observations du patient à l’audience
Le juge des libertés et de la détention doit entendre le patient lorsque son état le permet. L’audience constitue un moment essentiel du contrôle juridictionnel. Elle permet au patient d’exprimer sa position et au juge d’apprécier directement son état.
L’ordonnance relate les déclarations de l’intéressé qui « explique à l’audience ne pas supporter l’enfermement mais le traitement, ajoute avoir été hospitalisé à la suite d’une tentative de suicide liée à sa paranoïa ». Le patient reconnaît ainsi la réalité de ses troubles tout en contestant la forme de la prise en charge.
Cette reconnaissance partielle ne suffit pas à établir un consentement éclairé aux soins. Le juge relève que les troubles mentaux « rendent impossible son consentement ». L’acceptation du traitement médicamenteux ne vaut pas acceptation de l’hospitalisation. La jurisprudence distingue clairement ces deux éléments.
Le patient déclare également accepter le traitement par ABILIFY. Cette adhésion au traitement médicamenteux pourrait, à terme, permettre une évolution vers une prise en charge ambulatoire. L’hospitalisation complète n’est pas une mesure définitive. Le programme de soins peut être modifié par le psychiatre lorsque l’état du patient le permet, sous réserve d’un nouveau contrôle juridictionnel en cas de réhospitalisation.
L’ordonnance illustre ainsi la conciliation opérée par le juge entre deux impératifs. D’une part, la protection de la santé du patient et la nécessité de lui assurer des soins appropriés. D’autre part, le respect de la liberté individuelle qui impose de limiter les contraintes au strict nécessaire. Cette conciliation fait du juge des libertés et de la détention le garant effectif des droits fondamentaux des personnes hospitalisées sans leur consentement.