Tribunal judiciaire de Bobigny, le 19 juin 2025, n°25/05443

Par une ordonnance rendue le 19 juin 2025, le juge des libertés et de la détention de Bobigny (RG 25/05443) s’est prononcé sur la poursuite d’une hospitalisation complète dans le délai de douze jours prévu par l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. La contestation principale portait sur la régularité de la procédure d’admission, en raison de l’absence d’horodatage du certificat médical initial, et, subsidiairement, sur le bien‑fondé de la mesure au regard des conditions cumulatives de l’article L. 3212-1.

Les faits tiennent à une admission décidée par le directeur de l’établissement à la suite d’une période d’observation ayant donné lieu aux certificats des vingt‑quatre et soixante‑douze heures. Le ministère public a déposé des observations écrites, tandis que la défense a soulevé un moyen de nullité lié à l’impossibilité, selon elle, de contrôler les délais légaux. À l’audience, l’intéressé a exprimé son désaccord avec la poursuite des soins.

La question de droit était double. D’une part, l’absence d’horodatage du certificat initial emporte‑t‑elle la nullité de la procédure d’admission et des certificats subséquents ? D’autre part, au fond, les critères de l’article L. 3212-1 justifient‑ils la poursuite d’une hospitalisation complète sous contrainte à l’issue de la période initiale d’observation ? La juridiction répond négativement à la première interrogation et positivement à la seconde, en retenant notamment que « Aucune disposition légale n’impose d’horodater le certificat médical initial » et en concluant que « Le moyen de nullité sera donc rejeté. »

I – La régularité des formalités initiales

A – L’horodatage du certificat initial, une exigence non prévue par la loi

Le moyen de nullité soutenait que l’absence d’heure sur le certificat initial empêchait tout contrôle utile des délais des vingt‑quatre et soixante‑douze heures. La juridiction écarte l’argument en rappelant que la lettre de l’article L. 3211-2-2 ne prescrit pas l’horodatage de ce premier certificat. Elle motive ainsi sa décision par l’énoncé suivant : « Aucune disposition légale n’impose d’horodater le certificat médical initial, les certificats établis pendant la période de l’observation devant l’être dans les délais courants suivant l’admission. »

Cette approche s’inscrit dans une lecture finaliste des garanties temporelles, centrée sur les certificats des vingt‑quatre et soixante‑douze heures, seuls instruments permettant de vérifier concrètement le respect des jalons légaux. Elle distingue utilement l’acte déclencheur de l’admission, dont la régularité tient à sa date et à son contenu, des certificats de contrôle, dont la datation et l’horodatage conditionnent la validité.

B – Le contrôle des délais de vingt‑quatre et soixante‑douze heures, pivot des garanties

La décision constate que les certificats des vingt‑quatre et soixante‑douze heures sont « horodatés et établis dans les délais légaux ». Dès lors, l’absence d’horodatage du certificat initial ne prive pas le juge des éléments de vérification indispensables. La sanction de nullité n’a donc pas lieu d’être, faute d’atteinte démontrée aux droits du patient ou d’impossibilité d’exercer le contrôle juridictionnel.

Cette solution préserve l’économie du dispositif protecteur sans ériger en formalisme excessif une exigence que le texte ne prévoit pas. Elle rappelle que la nullité est l’ultime remède aux irrégularités substantielles et non l’issue automatique d’une imperfection documentaire. En cohérence, la juridiction conclut : « Le moyen de nullité sera donc rejeté. » La régularité étant assurée, l’examen se déplace vers le bien‑fondé de la mesure.

II – Le bien‑fondé de la poursuite de l’hospitalisation complète

A – Les conditions cumulatives de l’article L. 3212‑1, appréciées à partir des pièces médicales

La juridiction vérifie les deux conditions requises : impossibilité de consentir et nécessité de soins immédiats justifiant une surveillance médicale constante. Les certificats successifs décrivent des troubles dissociatifs, des idées délirantes de persécution et un discours désorganisé. La décision relève notamment : « Le certificat médical des 24 h mentionne qu’il s’agit d’un patient connu du secteur […] il présente un syndrome dissociatif, des sourires immotivés et des idées délirantes de persécution. » Puis elle ajoute que « L’avis motivé en date du 18 juin 2025 fait mention d’un rationalisme morbide, d’une dissociation psychique et un déni total des troubles. »

Ces éléments objectivent l’altération du discernement et la nécessité d’une prise en charge sous hospitalisation complète. À l’audience, la position exprimée confirme le déni des troubles : « A l’audience, il indique que l’hospitalisation se passe bien […] et pense qu’il n’a pas besoin d’être hospitalisé. » L’ensemble fonde la conclusion selon laquelle l’état impose des soins assortis d’une surveillance constante.

B – La portée du contrôle à douze jours : équilibre entre libertés et nécessité thérapeutique

Le cadre de l’article L. 3211-12-1 organise un contrôle juridictionnel précoce et substantiel, orienté vers la proportionnalité et la justification des soins sans consentement. Ici, la motivation articule les constats médicaux et la finalité protectrice du dispositif, en retenant que les critères légaux sont remplis et que la poursuite de l’hospitalisation s’impose pour garantir la sécurité et la continuité des soins.

La formulation demeure toutefois perfectible sur la qualification exacte du régime d’admission, parfois évoquée de manière ambivalente. Cette imprécision n’affecte pas l’analyse opérée au stade des douze jours, centrée sur l’état actuel et les garanties temporelles. L’ordonnance offre ainsi une application mesurée du droit positif, privilégiant la contrôle effectif des délais utiles et la vérification rigoureuse des deux critères cumulatifs, au service d’un équilibre entre la liberté d’aller et venir et la nécessité thérapeutique.

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Hassan KOHEN
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