Tribunal judiciaire de Bobigny, le 19 juin 2025, n°25/05449

Le juge des libertés et de la détention de Bobigny, 19 juin 2025, a statué sur la poursuite d’une hospitalisation complète décidée après une admission sans consentement. La décision s’inscrit dans le cadre du contrôle obligatoire au douzième jour, prévu par le code de la santé publique, et vérifie le maintien des conditions légales. Les faits utiles tiennent à une admission intervenue le 11 juin 2025, sur décision du directeur d’établissement, à la suite d’un signalement en situation de péril imminent et d’une demande d’un tiers. Le dossier médical mentionne que « Le certificat médical des 24 h mentionne qu’il a été admis aux urgences dans un contexte de rupture de traitement, de bizarreries du comportement et de repli au domicile », puis que « celui des 72 h fait état d’une méfiance pathologique, d’une réticence et opposition à l’entretien et d’une ambivalence aux soins ».

La procédure a été menée dans le délai légal. Le directeur a saisi le juge le 16 juin, le parquet a déposé des observations écrites, et l’audience s’est tenue le 19 juin, en présence du patient assisté par son conseil. À l’audience, la décision relève que « A l’audience, il indique que la saleté le dérange ; le traitement lui fait du bien mais lui donne faim ; il est d’accord pour rester hospitalisé ». Le débat contradictoire a donc porté sur l’actualisation du tableau clinique et sur l’opportunité d’une mesure de contrainte. La question de droit posée tenait à la réunion des deux conditions cumulatives de l’article L. 3212-1 et, spécifiquement, à la nécessité d’une « surveillance médicale constante » justifiant une hospitalisation complète plutôt qu’une autre modalité. Le juge a tranché en ce sens, retenant qu’« il convient d’ordonner la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète », après avoir estimé « que son état mental impose des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ».

I. Le contrôle des conditions légales et l’individualisation de la motivation

A. Le cadre normatif et l’office du juge au douzième jour
Le contrôle au douzième jour procède d’une garantie fondamentale de la liberté individuelle, fondée sur l’article L. 3211-12-1, qui subordonne toute poursuite de l’hospitalisation à une décision juridictionnelle. Le juge doit vérifier, à la date où il statue, la persistance des conditions cumulatives de l’article L. 3212-1, relatives à l’impossibilité de consentir et à la nécessité de soins. Cette vérification s’effectue à partir des certificats réglementaires, de l’audience contradictoire et des éléments utiles produits par l’établissement, sans présumer de la seule circonstance initiale de péril imminent.

La décision commente les textes puis les applique in concreto, sans s’arrêter à la modalité initiale d’admission. Le raisonnement procède par étapes claires. D’abord, le juge s’assure que la personne demeure dans l’incapacité de consentir, ce que suggèrent la « méfiance pathologique » et l’« opposition à l’entretien ». Ensuite, il qualifie l’intensité de la prise en charge, en exigeant une « surveillance médicale constante », condition plus exigeante que la simple régularité des soins. L’ensemble s’inscrit dans une lecture fidèle du dispositif légal, où la finalité thérapeutique et la protection de la personne priment sur le critère de dangerosité, désormais absent du texte.

B. L’appui clinique circonstancié et la prise en compte de l’audience
L’ordonnance se fonde, pour l’essentiel, sur des éléments médicaux récents et concordants. Elle reproduit textuellement deux séquences déterminantes du dossier clinique: « Le certificat médical des 24 h mentionne qu’il a été admis aux urgences dans un contexte de rupture de traitement, de bizarreries du comportement et de repli au domicile », puis « celui des 72 h fait état d’une méfiance pathologique, d’une réticence et opposition à l’entretien et d’une ambivalence aux soins ». Ces mentions caractérisent une altération du jugement et une faible adhésion thérapeutique, compatibles avec l’impossibilité de consentir.

Le juge intègre aussi l’apport de l’audience, en relevant que « il est d’accord pour rester hospitalisé », ce qui traduit un apaisement relatif mais ne suffit pas à établir un consentement libre et éclairé. L’acceptation circonstancielle, motivée par le bien-être ressenti et les effets secondaires, demeure fragile lorsqu’elle se conjugue avec une « ambivalence aux soins ». En retenant que « il convient d’ordonner la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète », l’ordonnance tire la conséquence d’un besoin thérapeutique immédiat dans un cadre sécurisé, soutenu par des indices cliniques précis et récents.

II. Proportionnalité de l’atteinte et exigences de motivation

A. La nécessité de la « surveillance médicale constante » et l’examen des alternatives
L’option de l’hospitalisation complète suppose un niveau de risque clinique ou de vulnérabilité justifiant un encadrement continu. La décision affirme, sans équivoque, « que son état mental impose des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ». Cette formule, jointe aux constatations des 24 et 72 heures, emporte l’idée d’un besoin de stabilisation sous observation rapprochée. Elle s’accorde avec la gradation des formes de prise en charge envisagées par le code, où la modalité la plus restrictive ne se justifie qu’en dernier ressort.

La motivation aurait pu préciser les raisons d’écarter une alternative de type programme de soins sous surveillance régulière. Les éléments évoqués, notamment la « réticence » et l’« opposition à l’entretien », penchent néanmoins pour un cadre fermé à ce stade. Le consentement affirmé à l’audience, utile à la proportionnalité, ne contredit pas l’impossibilité de consentir lorsque la compréhension des soins demeure lacunaire et fluctuante. Le contrôle exercé apparaît ainsi substantiel, même si un développement plus explicite sur l’insuffisance des modalités moins contraignantes aurait conforté l’exigence de nécessité.

B. Les garanties procédurales et la portée de la décision dans le contentieux des soins sans consentement
L’audience publique, la présence de l’avocat et les écritures du parquet attestent du respect du contradictoire. La décision intervient dans le délai légal, ce qui prévient toute caducité de la mesure. L’ordonnance reproduit les éléments cliniques pertinents et indique la base textuelle, assurant une lisibilité correcte pour le contrôle d’appel. L’énoncé selon lequel « il convient d’ordonner la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète » conclut une chaîne motivationnelle qui, bien que concise, demeure individualisée par des observations récentes et concrètes.

La portée de cette décision est double. Elle confirme l’office du juge comme gardien d’une proportionnalité dynamique, actualisée à l’audience, dans le respect du délai de douze jours. Elle illustre aussi une ligne jurisprudentielle attentive à la cohérence entre symptômes, adhésion thérapeutique et degré d’intensité des soins, la « surveillance médicale constante » n’étant retenue qu’à bon escient. Pour l’avenir, le suivi rigoureux des effets du traitement et l’évaluation de l’autonomie thérapeutique permettront, le cas échéant, une révision rapide vers une modalité moins restrictive, fidèle à l’exigence de nécessité minimale.

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Hassan KOHEN
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