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Ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bobigny, 19 juin 2025, rendue sur le fondement de l’article L. 3211‑12 du Code de la santé publique. La juridiction avait été saisie pour statuer sur la poursuite d’une hospitalisation complète sans consentement. Entre la saisine et l’audience, l’établissement a levé la mesure, rendant la situation factuelle évolutive.
Les faits utiles tiennent en trois dates. Une admission en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète a été décidée le 10 juin 2025. Le 16 juin 2025, le directeur de l’établissement a saisi le juge pour voir autoriser la poursuite de la mesure. Le 18 juin 2025, il a informé le greffe de la levée de la contrainte, indiquant que « la saisine n’a plus lieu d’être ».
La procédure était donc engagée par la requête du directeur, qui sollicitait la poursuite de l’hospitalisation complète. Aucune décision antérieure n’était mentionnée. L’objet de la saisine se trouvant modifié par la mainlevée, le juge a estimé que l’action ne présentait plus d’intérêt actuel. Il relève que la requête « est devenue sans objet puisque la mesure d’hospitalisation complète a été levée », puis statue en ces termes: « DISONS n’y avoir lieu à statuer ».
La question de droit était classique et précise. Que doit faire le juge des libertés, saisi dans le délai légal de contrôle, lorsque l’hospitalisation complète est levée avant l’audience? Peut‑il, malgré tout, se prononcer sur la régularité passée de la mesure, ou doit‑il constater la disparition de l’objet du contrôle et éteindre l’instance?
I. Le non‑lieu à statuer consécutif à la mainlevée avant l’audience
A. L’office du juge des libertés saisi au titre du contrôle automatique
Le contrôle prévu aux articles L. 3211‑12 et suivants vise la nécessité, l’adaptation et la proportion de l’atteinte actuelle à la liberté. Le juge apprécie l’opportunité de maintenir une contrainte au jour où il statue, non la validité abstraite d’un régime déjà éteint. Sa décision produit des effets concrets sur la continuité de l’hospitalisation, par mainlevée ou autorisation de poursuite. Il ne tranche ni responsabilité ni réparation, qui ressortissent à d’autres voies de droit, éventuellement ultérieures.
Dans ce cadre, l’office du juge est centré sur la mesure en cours, et sur la régularité utile à sa continuation. La logique de protection des libertés impose une décision efficace et immédiate. Lorsqu’il n’existe plus de mesure à maintenir ou à lever, l’intervention juridictionnelle perd son objet. La formule « DISONS n’y avoir lieu à statuer » traduit alors l’extinction de l’instance pour défaut d’intérêt actuel.
B. La caducité de la saisine par disparition de l’objet du litige
La motivation retient que la requête « est devenue sans objet puisque la mesure d’hospitalisation complète a été levée ». La levée met fin à l’atteinte à la liberté et dissout l’enjeu du contrôle. Le juge constate la caducité de la saisine, qui ne peut plus produire d’effets utiles. Il s’agit d’éviter un prononcé de principe, étranger à l’économie d’un contentieux de sauvegarde des libertés individuelles.
La solution s’inscrit dans une conception finaliste de l’office. La juridiction n’a pas à rendre d’avis consultatif sur une contrainte disparue, d’autant qu’elle ne dispose pas de pouvoirs déclaratoires autonomes. En conséquence, la décision énonce, dans son dispositif, « n’y avoir lieu à statuer », ce qui éteint l’instance née de la demande de poursuite. L’économie procédurale est respectée, sans affaiblir les garanties essentielles.
II. La valeur et la portée d’une solution recentrée sur l’efficacité du contrôle
A. Une solution cohérente avec la finalité de protection des libertés
La finalité première du contrôle automatique est la cessation rapide d’atteintes injustifiées, ou leur encadrement strict lorsqu’elles sont nécessaires. En cela, statuer sans objet ne dessert pas la liberté. La mainlevée a opéré l’objectif même que le juge poursuit. Confiner l’office au présent évite des décisions redondantes et stabilise la situation de la personne, déjà revenue au droit commun.
Cette cohérence se lit dans la motivation et le dispositif, articulés autour d’une exigence d’utilité. Le constat que la saisine « est devenue sans objet » procède d’un contrôle réel de la situation, et non d’un désengagement. Le non‑lieu s’explique par l’absence de pouvoir utile à exercer, la mainlevée ayant entièrement produit ses effets. La proportionnalité du contrôle en sort renforcée.
B. Les limites pratiques et les risques d’éviction du contrôle juridictionnel
La solution suscite toutefois une vigilance. Une levée intervenue à la veille de l’audience peut, en pratique, neutraliser le contrôle automatique par une stratégie de retrait opportun. Le passage à des soins sans consentement hors hospitalisation complète, qui n’ouvre pas un contrôle identique, peut aussi déplacer le contentieux. Le risque tient à une évaporation du débat juridictionnel sur la régularité initiale.
Cette limite ne suffit pas à invalider la solution retenue, mais appelle des garde‑fous. Le juge peut toujours, lorsque la mesure subsiste, tirer toutes conséquences d’irrégularités utiles à la protection immédiate. En cas de mainlevée, d’autres voies demeurent possibles pour discuter la régularité passée, selon les procédures et compétences propres. La portée de l’ordonnance est donc circonscrite à l’extinction de l’objet, sans priver le droit positif d’autres instruments de garantie.
Au total, la décision replace l’office du juge des libertés à sa juste mesure. En constatant que la demande « est devenue sans objet » et en disant « n’y avoir lieu à statuer », l’ordonnance préserve l’exigence d’effectivité du contrôle sans déborder sur un terrain déclaratoire. Sa valeur tient à un équilibre, clair et assumé, entre utilité de la décision et protection des libertés. Sa portée, enfin, dépendra des pratiques procédurales et du recours, le cas échéant, à des instruments complémentaires lorsque la stratégie des acteurs paraît affaiblir le contrôle automatique.