Tribunal judiciaire de Bobigny, le 23 juin 2025, n°24/00948

Le Tribunal judiciaire de Bobigny, pôle social, a rendu le 23 juin 2025 un jugement statuant en dernier ressort sur la recevabilité d’un recours dirigé contre une décision d’une commission de recours amiable. L’affaire concerne un indu d’indemnités journalières, d’un montant de 1 125,65 euros, né d’un versement opéré entre le 9 avril et le 25 mai 2021 sur la base d’un taux erroné. Après un recours préalable formé en juillet 2021 et rejeté par décision du 2 septembre 2021, l’assurée a saisi la juridiction en avril 2024. La défenderesse a soulevé in limine litis une fin de non‑recevoir tirée de la forclusion. L’assurée a soutenu n’avoir pas reçu la décision, invoquant un départ du domicile en mai 2022. La question posée tenait à l’opposabilité du délai de deux mois et à la preuve de la notification. Le tribunal déclare le recours irrecevable, après avoir rappelé que “ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée” et retenu que, la notification étant établie, “ce délai lui est donc opposable”. Il ajoute que “constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond”. La solution emporte condamnation aux dépens et exécution provisoire.

I. L’affirmation du caractère préfix et opposable du délai de recours contentieux

A. Le cadre normatif rappelé par le juge
Le tribunal s’appuie d’abord sur l’article R. 142‑1‑A‑III du code de la sécurité sociale, dont il cite la clause décisive : “s’il n’en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée”. Il articule ce texte avec l’article 122 du code de procédure civile, en rappelant que “constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le […] délai préfix”. L’économie générale de la motivation ancre donc la solution dans un régime de délai préfix, dont le non‑respect éteint le droit d’agir.

B. L’application aux faits : notification prouvée et saisine tardive
Le juge relève que la décision de la commission, datée du 2 septembre 2021, a été réceptionnée le 7 septembre 2021, l’avis étant signé. Il en déduit que l’information sur les voies et délais, expressément mentionnée, était opposable ; “ce délai lui est donc opposable”. La thèse tenant à un départ du domicile en mai 2022 est jugée indifférente, car postérieure à la date de réception établie. La saisine du pôle social en avril 2024 intervient très au‑delà du délai de deux mois. Le tribunal en tire la conséquence processuelle, sans examen du fond : “Par conséquent, la requête […] sera déclarée irrecevable.” La sanction s’inscrit dans la logique d’une fin de non‑recevoir pure, détachée du bien‑fondé de l’indu.

II. Portée et appréciation critique de la solution retenue

A. Une solution cohérente avec la logique de sécurité juridique
La décision renforce la prévisibilité des contentieux sociaux en garantissant l’effectivité des délais. En reliant l’opposabilité à la double condition de la notification et de la mention des voies de recours, elle applique fidèlement le texte : “Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés […] dans la notification”. La charge de la preuve de la notification est ici satisfaite par l’avis signé, ce qui conforte la présomption de réception. Cette approche favorise la stabilité des créances sociales et prévient les contestations dilatoires, sans excès formaliste. L’ordonnance de l’exécution provisoire, fondée sur le code de la sécurité sociale, prolonge utilement cette exigence d’efficacité.

B. Des limites pratiques : preuve de la notification et droit au recours effectif
La rigueur du délai préfix suppose une vigilance sur la qualité de l’information délivrée et sur la traçabilité de la notification. Lorsque la preuve de réception fait défaut ou que la mention des voies de recours est lacunaire, l’opposabilité est écartée, conformément au texte. La décision rappelle implicitement ce garde‑fou, en se fondant sur un avis signé et une mention régulière. On peut toutefois relever la fragilité des situations où la signature est contestée, ou lorsque des circonstances particulières perturbent la réception. Dans ces hypothèses, l’articulation entre forclusion et droit d’accès au juge impose une vérification concrète. Ici, la motivation écarte l’argument tiré d’un déménagement postérieur et retient une preuve robuste ; l’équilibre entre sécurité juridique et droit au recours apparaît ainsi respecté. La condamnation aux dépens, enfin, s’aligne sur l’issue procédurale et n’emporte aucune appréciation sur le bien‑fondé de l’indu.

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Hassan KOHEN
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