Tribunal judiciaire de Bobigny, le 4 septembre 2025, n°25/01753

Le tribunal judiciaire de Bobigny, 4 septembre 2025, statue sur une requête de rectification d’erreur matérielle visant le dispositif d’un jugement du 24 juin 2025. Le litige initial opposait une société à un organisme de sécurité sociale à propos des frais irrépétibles. Le dispositif avait, par méprise, désigné un bénéficiaire erroné pour la somme allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La requête a été enregistrée au greffe le 18 juillet 2025 et examinée sans audience. La décision précise qu’elle est rendue « statu[ant] hors audience, par jugement contradictoire et en premier ressort », le traitement du dossier étant marqué « SANS DÉBAT ». Le juge vise « Vu l’article 462 du Code de procédure civile ; » et identifie une simple erreur de plume affectant l’identité du créancier de l’indemnité. La juridiction constate que « La réalité de l’erreur matérielle n’est dès lors pas discutable, » et décide d’opérer la substitution adéquate dans le seul dispositif. Elle « Dit que le reste du jugement reste inchangé ; », puis « Ordonne la mention du présent jugement rectificatif sur la minute et les expéditions du jugement précité ». La question posée tient à la possibilité de corriger, sur le fondement de l’article 462, une désignation fautive du bénéficiaire d’une condamnation accessoire, sans modifier la substance du jugement.

I. La reconnaissance de l’erreur matérielle au regard de l’article 462

A. Les exigences de l’article 462 et la procédure retenue

L’article 462 du code de procédure civile habilite la juridiction auteur de la décision à corriger les fautes purement matérielles, à tout moment, sans revisiter le fond. Le juge s’y réfère expressément par la formule « Vu l’article 462 du Code de procédure civile ; », ce qui ancre la rectification dans son office strict. La procédure retenue respecte la nature de l’incident. Le jugement est rendu « statu[ant] hors audience, par jugement contradictoire et en premier ressort », avec la mention « SANS DÉBAT ». Cette articulation reflète l’économie de l’article 462, qui permet une correction technique dès lors que les parties sont mises en mesure d’en prendre connaissance. La publicité du prononcé et la contradiction formelle, même hors débats, garantissent l’intégration régulière du rectificatif à la décision initiale.

La matière commande une intervention ciblée, cantonnée à l’apparence du texte et non à son sens. L’erreur matérielle, classiquement, recouvre les lapsus calami, inversions, omissions de chiffres, ou désignations manifestement discordantes avec l’intention juridictionnelle. La décision commentée se situe dans ce cadre. Elle ne rouvre ni l’instance, ni la discussion du droit, et ne procède pas à une réévaluation des prétentions. L’économie générale du jugement est respectée, la rectification n’affectant que l’identification de la personne appelée à recevoir une somme accessoire.

B. La qualification opérée et la délimitation de l’office

Le juge motive sobrement mais utilement. Il relève d’abord que « Il ressort des pièces du dossier que le jugement comporte une erreur matérielle », puis affirme que « La réalité de l’erreur matérielle n’est dès lors pas discutable, ». Cette construction met en évidence la méthode retenue. La juridiction confronte le dispositif à l’ensemble du dossier, afin de déceler une discordance entre l’intention évidente issue des motifs et la formule écrite. L’erreur est ensuite circonscrite à la seule désignation du bénéficiaire de l’indemnité de l’article 700, élément accessoire par nature.

La solution en découle immédiatement. Le juge énonce « En conséquence, il convient de rectifier le jugement ; » avant de procéder à la substitution utile. L’office demeure strictement conservatoire. La mention « Dit que le reste du jugement reste inchangé ; » confirme que l’organe juridictionnel n’entend pas revisiter le fond, ni modifier l’étendue des droits et obligations tels que précédemment arrêtés. Le rappel final « Ordonne la rectification du jugement » s’inscrit ainsi dans une logique de cohérence textuelle, dépourvue de réécriture normative.

II. La valeur de la solution et sa portée sur l’économie du procès

A. La sécurisation du dispositif et la continuité de la décision

La rectification contribue à la sécurité juridique en alignant l’écrit sur l’intention juridictionnelle. Elle évite les effets indus d’une désignation fautive, notamment en matière d’exécution forcée et d’imputations comptables. La mention expresse « Dit que le reste du jugement reste inchangé ; » protège les droits acquis et ferme la voie à toute remise en cause implicite du fond. La décision assure aussi la traçabilité de l’ajustement par la formule « Ordonne la mention du présent jugement rectificatif sur la minute et les expéditions du jugement précité ». Cette insertion documentaire garantit l’unicité de l’instrumentum et la lisibilité du titre exécutoire, éléments essentiels pour les acteurs de l’exécution.

La valeur de la solution tient également à sa sobriété. En corrigeant une « erreur matérielle » sur le terrain adéquat, la juridiction rappelle les bornes procédurales du mécanisme et évite l’écueil d’une révision déguisée. La démarche respecte la finalité de l’article 462 : sécuriser, sans réformer. Elle évite une nouvelle instance, des délais et des coûts supplémentaires, tout en assurant le respect du contradictoire sous une forme adaptée au caractère technique de la correction.

B. Les limites rappelées et l’encadrement de l’office rectificatif

La portée de la décision demeure strictement encadrée. L’intervention ne saurait modifier la chose jugée quant au fond, ni substituer une nouvelle appréciation des prétentions. La substitution opérée n’affecte que l’identité du bénéficiaire d’une condamnation accessoire, laquelle découle nécessairement des motifs et des prétentions admises. À cet égard, la formule « La réalité de l’erreur matérielle n’est dès lors pas discutable, » marque le seuil probatoire exigé : l’évidence documentaire plutôt qu’une discussion interprétative.

La prudence se lit dans l’articulation retenue. La juridiction procède « SANS DÉBAT », mais maintient la qualification de « jugement contradictoire », signe que les garanties procédurales essentielles sont préservées. L’ordonnance de mention « sur la minute et les expéditions » parachève l’intégration du rectificatif, évitant les circulations concurrentes de titres. L’enseignement est net. L’article 462 demeure l’outil idoine pour résorber les dissonances matérielles affectant le dispositif, à condition de ne pas franchir la frontière séparant l’ajustement de plume de la modification des droits substantiels.

La solution retenue par le tribunal judiciaire de Bobigny, 4 septembre 2025, s’inscrit ainsi dans une conception maîtrisée de la rectification. En corrigeant le seul libellé défectueux de l’accessoire, la juridiction préserve l’autorité du premier jugement, assure l’effectivité de son exécution et rappelle utilement la nature instrumentale de l’article 462. Les formules « En conséquence, il convient de rectifier le jugement ; » et « Dit que le reste du jugement reste inchangé ; » concentrent l’équilibre recherché entre fidélité à la décision et économie processuelle. Enfin, la prescription « Ordonne la mention du présent jugement rectificatif sur la minute et les expéditions du jugement précité » consacre la portée pratique du mécanisme, en garantissant l’unité et la fiabilité du titre exécutoire.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture