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Le contrôle judiciaire des hospitalisations psychiatriques sans consentement constitue une garantie fondamentale des libertés individuelles. Le juge des libertés et de la détention se trouve au cœur de ce dispositif, chargé de vérifier périodiquement la nécessité du maintien de telles mesures. L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire le 19 juin 2025 illustre cette mission délicate, à la croisée du droit et de la psychiatrie.
En l’espèce, un individu avait été déclaré pénalement irresponsable du chef de meurtre par une ordonnance de la chambre de l’instruction du 17 janvier 2019. Cette décision avait ordonné son admission en soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète. L’intéressé, atteint de schizophrénie paranoïde, avait ensuite fait l’objet de plusieurs transferts en unité pour malades difficiles, le dernier arrêté préfectoral de réadmission en UMD datant du 1er mars 2022.
Le préfet de la Gironde saisissait le juge des libertés et de la détention le 4 juin 2025 aux fins d’autorisation du maintien de l’hospitalisation complète, conformément aux dispositions de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique qui impose un contrôle judiciaire semestriel. Une ordonnance du 24 décembre 2024 avait précédemment autorisé la poursuite de cette mesure.
Le patient comparaissait à l’audience tenue au sein de l’établissement hospitalier. Il indiquait que son hospitalisation se passait bien, qu’il bénéficiait d’activités et que le traitement lui faisait du bien. Il exprimait toutefois le souhait de quitter l’UMD pour retourner en hospitalisation classique dans sa région d’origine. Son avocate soulignait les progrès accomplis et l’évolution positive de son comportement.
La question posée au juge était de déterminer si les conditions légales du maintien de l’hospitalisation complète en unité pour malades difficiles demeuraient réunies, au regard tant de l’état de santé du patient que des exigences de sécurité publique.
Le tribunal judiciaire autorise le maintien de l’hospitalisation complète. Il relève que l’avis médical du 6 juin 2025 constate une « instabilité idéomotrice prononcée et une réticence à partager son vécu psychotique ». Le juge estime qu’une « sortie prématurée serait de nature à présenter des risques de rechute rapide » et que l’état de santé de l’intéressé « doit être regardé comme pouvant compromettre la sûreté des personnes ou porter atteinte, de façon grave, à l’ordre public ».
Cette décision appelle un examen du contrôle judiciaire exercé sur la mesure d’hospitalisation contrainte (I), avant d’analyser l’articulation entre les impératifs thérapeutiques et les exigences sécuritaires (II).
I. Le contrôle judiciaire de la mesure d’hospitalisation sans consentement
La décision révèle l’étendue de l’office du juge des libertés (A), tout en posant la question de l’effectivité de ce contrôle (B).
A. L’étendue de l’office du juge des libertés
Le tribunal judiciaire fonde sa décision sur l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, qui organise le contrôle juridictionnel obligatoire des hospitalisations complètes. Ce texte impose au juge de statuer avant l’expiration d’un délai de six mois à compter de toute précédente décision judiciaire. Le législateur a ainsi entendu soumettre les mesures privatives de liberté à caractère psychiatrique à un réexamen périodique, garantissant le respect de l’article 66 de la Constitution.
Le juge constate que « les certificats médicaux exigés par les textes figurent au dossier, ils ont été établis dans les délais requis et contiennent des indications propres à répondre aux prescriptions légales ». Ce contrôle formel de la régularité procédurale constitue le premier temps de l’examen. L’ordonnance précise que « la régularité de la procédure n’est d’ailleurs pas discutée », ce qui témoigne du respect des exigences documentaires par l’autorité administrative.
L’office du juge ne se limite cependant pas à cette vérification formelle. Il lui appartient d’apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des éléments médicaux produits. La décision s’appuie sur l’avis médical motivé du 6 juin 2025 qui « relève que l’état mental de l’intéressé nécessite toujours des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ». Le magistrat exerce ainsi un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte à la liberté et la nécessité thérapeutique.
B. Les limites du contrôle juridictionnel
L’ordonnance révèle néanmoins une forme de dépendance du juge à l’égard des évaluations psychiatriques. La motivation repose pour l’essentiel sur les conclusions médicales, le magistrat n’ayant pas les moyens d’apprécier par lui-même l’état clinique du patient. Cette situation interroge sur la portée réelle du contrôle juridictionnel.
Le patient exprimait pourtant des éléments favorables lors de son audition. Il indiquait que « son hospitalisation se passe bien » et que « le traitement lui fait du bien ». Son conseil soulignait que « selon le dernier certificat médical », son « comportement est plus apaisé et évolue ». Ces éléments ne suffisent pas à infléchir la position du juge, qui retient les risques évoqués par le certificat médical plutôt que les progrès constatés.
La décision illustre la difficulté pour le magistrat de contredire une expertise psychiatrique défavorable à la levée de la mesure. Le juge se trouve placé dans une position où sa marge d’appréciation demeure contrainte par le savoir médical. Cette situation pose la question de l’effectivité du droit au juge garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, même si la Cour de Strasbourg admet le caractère spécifique du contentieux psychiatrique.
L’articulation entre le contrôle juridictionnel et les impératifs de sécurité publique mérite un examen approfondi.
II. L’articulation entre impératifs thérapeutiques et exigences sécuritaires
La décision combine le critère médical et le critère de dangerosité (A), posant la question des perspectives d’évolution du statut du patient (B).
A. La double exigence légale : soins et sécurité publique
L’ordonnance rappelle les fondements textuels de la mesure d’hospitalisation d’office. L’article L. 3213-1 du code de la santé publique exige que « les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ». Cette double condition cumulative structure l’appréciation du juge.
Sur le versant thérapeutique, la décision retient que « la prise en charge dans un cadre contenant et sécurisé s’impose encore, afin de garantir l’observance des soins, et le cas échéant la réadaptation du traitement ». Le juge souligne « l’impossibilité pour l’intéressé de consentir aux soins de façon pérenne alors qu’ils sont indispensables pour stabiliser son état ». L’absence de consentement éclairé et durable aux soins justifie ainsi leur administration sous contrainte.
Sur le versant sécuritaire, le tribunal relève que « au regard des circonstances qui ont donné lieu à la mesure d’hospitalisation et des troubles dont il souffre », l’état de santé du patient « doit être regardé comme pouvant compromettre la sûreté des personnes ou porter atteinte, de façon grave, à l’ordre public ». La référence aux faits d’origine, un homicide commis en 2017, pèse manifestement dans cette appréciation, plus de huit années après les faits.
B. Les perspectives d’évolution de la mesure
La décision n’aborde pas la demande du patient de quitter l’unité pour malades difficiles pour une hospitalisation classique dans sa région d’origine. Cette absence de réponse interroge. L’article R. 3222-1 du code de la santé publique précise que les UMD accueillent des patients dont « l’état de santé requiert la mise en œuvre de protocoles de soins intensifs et de mesures de sécurité particulières ». Une évolution positive du comportement pourrait justifier un assouplissement du régime de prise en charge.
Le juge relève pourtant que l’avis médical mentionne une « instabilité idéomotrice prononcée et une réticence à partager son vécu psychotique ». Ces éléments semblent contredire les progrès invoqués par la défense. La motivation retient qu’« une sortie prématurée serait de nature à présenter des risques de rechute rapide », sans distinguer entre une sortie de l’UMD vers une unité classique et une sortie de l’hospitalisation elle-même.
Cette confusion entre les deux niveaux de demande affaiblit la portée de la décision. Le patient ne sollicitait pas la mainlevée de son hospitalisation mais un transfert vers une structure moins contraignante. La réponse judiciaire aurait gagné en précision en distinguant ces deux questions. L’office du juge des libertés pourrait s’étendre à l’appréciation de la proportionnalité du régime de détention et non seulement de son principe. Cette évolution renforcerait l’effectivité du contrôle juridictionnel sur les hospitalisations psychiatriques sans consentement.