Tribunal judiciaire de Bordeaux -, le 9 septembre 2025, n°25/00098

Par un jugement du 9 septembre 2025, le Tribunal judiciaire de Bordeaux (chambre de la famille) a statué en premier ressort, par décision réputée contradictoire, sur une demande en divorce. L’union, célébrée en 2014 à l’étranger sans contrat mentionné, présentait un élément d’extranéité, tandis que le défendeur n’a pas comparu.

La demanderesse sollicitait le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal et diverses mesures accessoires, dont une prise en charge de frais de procédure. Le juge a d’abord retenu sa compétence internationale et déterminé la loi applicable, puis a prononcé la dissolution et fixé ses effets d’état et patrimoniaux, rejetant les autres prétentions.

La question de droit tenait, d’une part, à l’articulation des instruments européens régissant la compétence et la loi applicable en matière matrimoniale et alimentaire, et, d’autre part, aux conditions et effets, en droit français, du divorce pour altération définitive du lien conjugal. La solution retient la compétence des juridictions françaises, l’application du droit français et le prononcé du divorce sur le fondement de l’article 237 du code civil.

I. Le cadre conflictuel et le fondement du prononcé

A. Compétence internationale et loi applicable

Le juge assoit d’abord sa compétence en matière de dissolution du mariage, en visant l’instrument européen pertinent: «Vu la compétence des juridictions françaises pour connaître du divorce en application du règlement BRUXELLES II Ter». Cette référence consacre la compétence fondée sur les critères d’habitude de résidence ou de nationalité prévus par le règlement (UE) 2019/1111. La juridiction se borne à constater la réunion des conditions, dans une espèce où le mariage a été célébré à l’étranger.

La détermination de la loi applicable s’inscrit dans le cadre de la coopération renforcée: «Vu la loi française applicable au divorce en vertu du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010, dit “Règlement ROME III”». À défaut de choix de loi par les époux, l’application de la loi de la résidence habituelle commune ou, à défaut, d’un autre facteur de proximité, conduit ici au droit français. La même logique gouverne les obligations alimentaires, la juridiction énonçant successivement: «Vu la compétence des juridictions françaises pour statuer en matière d’obligations alimentaires en application du règlement (CE) n°4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008» puis «Vu la loi française qui régit les obligations alimentaires en application du protocole de [Localité 9] du 23 novembre 2007». L’ensemble dessine une cohérence conflictualiste, sans que le dispositif n’alloue toutefois de somme au titre d’une créance alimentaire.

B. Le grief retenu: l’altération définitive du lien conjugal

Le prononcé repose expressément sur le droit interne: «Prononce, sur le fondement de l’article 237 du Code Civil, le divorce de :». Le choix de ce fondement implique la constatation d’une cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, d’une durée suffisante au jour de la demande, appréciée au regard de l’article 238. La défaillance du défendeur ne dispense pas la juridiction de vérifier la réalité de l’altération, mais elle infléchit la dynamique procédurale en l’absence de contestation utile.

La solution s’inscrit dans l’économie du droit positif depuis la réforme du divorce, qui fait prévaloir l’objectivation du lien conjugal sur la logique fautive. Le juge se limite à caractériser la rupture irrémédiable, sans entrer dans un débat sur les causes subjectives du désaccord. La sobriété du dispositif traduit une volonté de clore le litige sur le seul terrain de l’aptitude du lien à subsister, conformément à la finalité de ce cas de divorce.

II. Les effets du divorce arrêtés par le juge

A. Effets d’état et conséquences patrimoniales immédiates

La décision règle d’abord la publicité de l’état civil: «Dit que la mention du divorce sera portée en marge de l’acte de mariage ainsi que des actes de naissance des époux, sur chacun des registres, au vu, soit du dispositif de la présente décision, soit d’un extrait établi conformément aux dispositions de l’article 1082 du Code de Procédure Civile.» Cette mention assure l’opposabilité erga omnes, dans le respect du code de procédure civile.

La dissolution du régime découle mécaniquement de la rupture: «Rappelle que le divorce entraîne la dissolution du régime matrimonial et que les intérêts patrimoniaux des époux devront faire l’objet d’une liquidation partage, si nécessaire.» Le juge fixe ensuite l’effet dans le temps, conformément au droit interne: «Dit que le jugement de divorce prendra effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens à la date de la délivrance de l’assignation.» Cette solution, conforme au code civil, sécurise le point de départ des rapports pécuniaires et évite les incertitudes sur les acquisitions postérieures.

La révocation des avantages matrimoniaux est également affirmée: «Dit que le divorce emportera révocation des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union.» Le principe de caducité des libéralités, hors stipulations contraires, est ainsi rappelé, tandis que la liquidation ultérieure aura à trier les stipulations maintenues et celles atteintes par la révocation.

B. Mesures accessoires, dépens et portée pratique

Le juge tranche la question du nom d’usage avec netteté: «Dit qu’aucun des époux ne conservera l’usage de son nom matrimonial après le divorce.» À défaut d’intérêt légitime spécialement établi, l’usage du nom de l’autre n’est pas maintenu, ce qui illustre une ligne de rigueur en l’absence d’éléments circonstanciés.

S’agissant des frais irrépétibles, la juridiction refuse d’allouer une somme: «Rejette la demande présentée sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.» Elle «Rejette toute autre demande.» La charge des dépens, laissée en droit commun, ressort du dispositif, sans altérer la logique principale de la décision. Sur le plan procédural, la notification dans le délai impératif est rappelée avec une sanction claire: «faute de quoi le défendeur pourra se prévaloir du caractère non avenu de la présente décision». Cette exigence, classique en cas d’absence de comparution, garantit l’information effective et prévient la caducité.

La portée de l’arrêt est double. D’une part, il illustre l’articulation maîtrisée des instruments européens (compétence, loi applicable, obligations alimentaires) avec le droit substantiel français du divorce, dans un contexte d’extranéité. D’autre part, il confirme une mise en cohérence des effets accessoires avec les textes internes, en fixant l’effet dans le temps, en rappelant la dissolution du régime, en prononçant la révocation des avantages et en refusant, faute d’intérêt démontré, l’usage du nom. L’ensemble compose une solution sobre et opératoire, fidèle à l’économie du divorce pour altération définitive du lien conjugal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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