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Le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, par ordonnance de référé du 17 juin 2025, statue sur des demandes croisées relatives à des travaux sur un domaine démembré. Le litige s’inscrit dans le cadre d’un ensemble immobilier classé, comprenant bâtiments, dépendances, parcs et jardins.
Les propriétaires initiaux avaient consenti une donation-partage et organisé divers démembrements, tandis que des prêts à usage ont été consentis au profit de certains membres de la famille, notamment sur le potager. Le défendeur a ensuite entrepris des travaux, dont la réfection de murs en pisé et de toitures, sur des parcelles en pleine propriété et en nue-propriété.
À la suite de désaccords persistants, les demanderesses ont saisi le juge des référés pour obtenir une provision au titre de remises en état, l’indemnisation d’un préjudice de jouissance, et le report de nouveaux travaux. Le défendeur a soulevé l’irrecevabilité de certaines demandes, contesté toute urgence ou trouble manifestement illicite, et sollicité des provisions en remboursement de travaux supportés selon lui par l’usufruitière.
La question posée portait, d’abord, sur la qualité à agir de la bénéficiaire d’un prêt à usage et, plus largement, sur l’office du juge des référés au regard de l’article 835 du code de procédure civile. Elle impliquait, ensuite, la qualification des opérations autorisées par l’administration comme grosses réparations, la portée d’une clause de l’acte de 2008 relative aux arbres, et la répartition des charges au regard de l’article 605 du code civil.
Le tribunal admet la recevabilité de l’action de la bénéficiaire du prêt pour le potager, mais refuse les provisions sollicitées en raison de contestations sérieuses et d’absence de trouble manifeste. Il rappelle qu’« Une provision ne peut être octroyée que pour autant qu’aucune contestation sérieuse n’existe ni sur le principe de l’obligation qui fonde la demande, ni sur le montant de la somme accordée à titre de provision. » Il relève encore qu’« Il est précisé qu’il n’appartient pas au juge des référés d’interpréter des clauses d’un contrat lorsque celles-ci sont ambigues et dépourvues de clareté. » Les demandes de report des travaux sont écartées, « Les conditions de l’intervention du juge des référés n’apparaissent en conséquence pas réunies. » La demande indemnitaire pour abus est rejetée, le tribunal rappelant que « L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne peut dégénérer en abus qu’en cas de circonstances relevant de la malice, d’une mauvaise foi ou d’une erreur particulièrement grossière. » Enfin, la provision réclamée par le défendeur au titre de travaux antérieurs est refusée pour contestation sérieuse, au regard de l’article 605 du code civil.
I. Office du juge des référés et cadre procédural
A. L’intérêt à agir de la bénéficiaire du prêt à usage
Le tribunal reconnaît à la titulaire du prêt à usage sur le potager un droit propre, attaché à l’usage et aux fruits, suffisant pour agir contre les atteintes alléguées. Cette solution s’inscrit dans l’économie du commodat, où l’emprunteur peut protéger l’utilité convenue, notamment lorsque l’usufruitière agit conjointement et que les intérêts convergent.
La recevabilité est toutefois circonscrite à l’assiette du prêt, ce que retient la juridiction avec mesure. Cette délimitation prudente évite d’élargir indûment la qualité à agir au‑delà du périmètre convenu, et prépare l’examen des mesures sollicitées sous l’angle de l’article 835 du code de procédure civile.
B. Le filtre des contestations sérieuses et l’absence de trouble manifeste
La motivation s’ancre dans le critère directeur du référé-provision. Le juge cite l’article 835 et rappelle que « Une provision ne peut être octroyée que pour autant qu’aucune contestation sérieuse n’existe (…) ». Or, la qualification des opérations, l’articulation des droits issus du démembrement, et la portée d’une clause sur les arbres suscitent des incertitudes réelles.
Le tribunal refuse d’entrer en voie d’interprétation contractuelle, jugeant que « Il est précisé qu’il n’appartient pas au juge des référés d’interpréter des clauses d’un contrat lorsque celles-ci sont ambigues et dépourvues de clareté. » Il en déduit que « Dès lors, l’obligation de réaliser des travaux de remise en état se heurte à plusieurs contestations sérieuses. » La demande de report échoue également, faute d’éléments caractérisant l’urgence, le dommage imminent ou le trouble manifestement illicite, de sorte que « Les conditions de l’intervention du juge des référés n’apparaissent en conséquence pas réunies. »
II. Travaux sur bien démembré et répartition des charges
A. Qualification des opérations et effet des autorisations administratives
L’administration a qualifié les opérations de réfection et de restauration, incluant la réhabilitation de murs en pisé et des interventions sur toitures. Dans cette perspective, le tribunal observe que « En outre, la présence de chaux signalée par les demanderesses sur les plantations ne saurait faire l’objet de débat, son usage ayant été expressément autorisé et précisé dans l’autorisation administrative du 18 juin 2024, laquelle mentionne “l’utilisation d’une chaux strictement naturellement”. » Il retient aussi que des nettoyages sont intervenus après réception des travaux.
Le raisonnement s’emboîte avec le régime du démembrement. La juridiction rappelle que « Selon l’article 605 du code civil, l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien, les grosses réparations demeurant à la charge du propriétaire (…) ». Cette grille conforte l’idée que des travaux qualifiés de grosses réparations peuvent être diligencés par le propriétaire, tout en maintenant ouvertes les discussions sur d’éventuels dommages collatéraux ou coupes d’arbres, qui impliquent une analyse de fond.
B. Conséquences provisoires et limites du référé en matière de charges
S’agissant des remises en état et du préjudice de jouissance, l’office du juge des référés bute sur la preuve d’une atteinte actuelle, imputable et indemnisable sans ambiguïté. Le tribunal souligne que « En l’absence de démonstration d’une atteinte actuelle et réelle à leur droit d’usage ou d’usufruit et dès lors que la demande principale est rejetée, la demande de provision pour trouble de jouissance ne peut qu’être écartée. » Le refus de provision reflète un contrôle rigoureux de l’évidence exigée.
La demande provisionnelle du défendeur au titre des travaux passés connaît le même sort, compte tenu des incertitudes de qualification et d’imputation, accentuées par l’absence de mise en demeure probante. La juridiction retient finalement qu’« Il n’y a donc pas lieu à référé et la demande sera rejetée. » La cohérence est préservée par le rejet de la demande pour abus, la formation rappelant, avec force, que « L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit (…) ».
Ce raisonnement d’ensemble clarifie la frontière entre référé et fond dans les contentieux de travaux sur biens démembrés. Il valorise les autorisations administratives comme indice de grosses réparations, sans préjuger des responsabilités définitives, lesquelles requerront un examen au fond, contradictoire et techniquement étayé.