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Par une ordonnance rendue le 19 juin 2025, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu s’est prononcé sur le désistement d’instance et d’action formé par des copropriétaires et un syndicat des copropriétaires dans le cadre d’un litige relatif à des travaux de construction.
Un syndicat des copropriétaires et plusieurs copropriétaires avaient assigné, les 23, 24, 29 et 30 septembre 2020, de nombreuses entreprises du bâtiment ainsi que leurs assureurs respectifs, à la suite de désordres affectant une résidence. Le maître d’ouvrage, une société civile de construction-vente, avait également fait assigner en intervention forcée d’autres intervenants à l’acte de construire. Une expertise judiciaire avait été ordonnée en référé le 1er décembre 2020. Après dépôt du rapport d’expertise analysant les responsabilités, les demandeurs principaux ont déposé des conclusions de désistement partiel à l’égard des parties dont la responsabilité n’avait pas été retenue par l’expert. Les défendeurs concernés ont accepté ce désistement, certains sollicitant en outre une indemnité au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de la mise en état devait déterminer si le désistement était parfait et, dans l’affirmative, statuer sur les demandes accessoires relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Le magistrat déclare parfait le désistement d’instance et d’action, condamne solidairement les demandeurs à verser la somme de 300 euros à chacune des parties ayant formulé une demande au titre de l’article 700, et dit que les demandeurs conserveront la charge des dépens qu’ils ont engagés.
Cette décision invite à examiner successivement les conditions de perfection du désistement en matière civile (I), avant d’analyser le régime des conséquences indemnitaires attachées à ce désistement (II).
I. La perfection du désistement subordonnée à l’acceptation du défendeur
A. Le principe de l’acceptation comme condition de validité
Le désistement d’instance constitue un acte unilatéral par lequel le demandeur renonce à poursuivre la procédure engagée. L’article 394 du code de procédure civile dispose que « le désistement d’instance n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Cette exigence protège le défendeur qui pourrait avoir intérêt à obtenir une décision au fond, notamment pour faire juger le mal-fondé de la prétention adverse et prévenir toute nouvelle instance.
En l’espèce, le juge de la mise en état relève que « les défendeurs concernés ont accepté le désistement à leur égard ». L’ordonnance énumère précisément les parties ayant manifesté cette acceptation. Le magistrat constate ainsi la réunion des conditions légales permettant de déclarer le désistement parfait. Cette vérification méthodique s’imposait d’autant plus que le litige impliquait une multiplicité de défendeurs, rendant nécessaire un examen individualisé de l’acceptation de chacun.
B. La légitimité du désistement fondée sur les conclusions expertales
Le juge de la mise en état ne se contente pas de constater mécaniquement l’acceptation. Il relève que « le rapport de l’expertise ordonnée en référé le 1er décembre 2020 a analysé les responsabilités en cause » et que « les demandeurs sont dès lors légitimes à se désister de leur instance à l’égard des parties dont la responsabilité n’est pas mise en cause par l’expert ».
Cette motivation révèle une appréciation pragmatique du comportement procédural des demandeurs. Le magistrat reconnaît implicitement que le désistement, loin de traduire une légèreté fautive, procède d’une réévaluation raisonnable des chances de succès à la lumière des conclusions techniques. Cette approche s’inscrit dans une conception du procès civil comme instrument de résolution efficiente des litiges, où le désistement partiel constitue un outil de rationalisation de l’instance.
II. L’aménagement équilibré des conséquences pécuniaires du désistement
A. L’allocation modérée des frais irrépétibles
Le juge de la mise en état accorde à chacune des parties sollicitant une indemnité la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette disposition permet au juge de condamner la partie tenue aux dépens à payer une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le magistrat justifie cette allocation par une double considération. Il retient d’abord les « frais irrépétibles qui ont été engagés pour assurer la représentation en justice tant dans la procédure d’expertise que dans la constitution au fond ». Il invoque ensuite les « délais de procédure s’imposant aux demandeurs pour garantir l’ensemble de leurs droits ». Cette seconde mention tempère la première : les défendeurs ont certes exposé des frais, mais les demandeurs ont agi dans un souci légitime de préservation de leurs intérêts dans un contentieux de construction impliquant de nombreux intervenants.
B. La répartition des dépens conforme au principe de l’article 399
L’ordonnance décide que les demandeurs « conserveront la charge des dépens qu’ils ont engagés à l’égard des parties vis-à-vis desquelles ils se désistent ». Cette solution découle directement de l’article 399 du code de procédure civile, selon lequel le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de son auteur à payer les frais de l’instance éteinte.
Le juge distingue soigneusement les deux groupes de demandeurs : le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires individuels d’une part, la société civile de construction-vente d’autre part. Cette distinction permet une imputation précise des dépens selon l’origine de chaque assignation. La condamnation solidaire des premiers demandeurs traduit la communauté d’intérêts qui les unissait dans l’action initiale. Cette ordonnance illustre ainsi l’application rigoureuse des règles procédurales gouvernant l’extinction de l’instance par désistement, tout en ménageant un équilibre entre la liberté procédurale du demandeur et la protection légitime des défendeurs contraints de se défendre avant que l’inutilité de leur mise en cause ne soit établie.