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Par ordonnance de référé rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu le 19 juin 2025, une demande d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile a été rejetée. La décision tranche la recevabilité d’une mesure d’instruction in futurum au regard d’éléments hétérogènes et discutés.
Le demandeur avait confié le traitement de la charpente et du plancher ainsi que le nettoyage et le traitement de la façade de son logement, avec réceptions sans réserve les 2 et 5 décembre 2024. Le prix avait été intégralement réglé, puis des soupçons sont nés sur la réalité des interventions, en l’absence de traces visibles sur site.
Assignations furent délivrées en avril 2025, et l’audience tenue le 3 juin 2025. Le demandeur produisait un constat du 4 février 2025 relevant des pastilles d’injection, l’absence de coulures, l’absence de traces de produit, et l’absence de modifications apparentes sur la façade. La défenderesse versait un constat du 24 avril 2025 comprenant des vidéos d’application de produits sur la façade et dans les combles, reconnues comme prises au domicile du demandeur.
Le demandeur sollicitait une expertise afin d’établir la réalité et la qualité des travaux prétendument exécutés. La défenderesse s’y opposait, soutenant la suffisance des éléments produits et réclamant l’indemnisation de ses frais.
La question posée était celle des conditions d’ouverture d’une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 lorsque le dossier comporte des réceptions sans réserve, un constat non technique et des vidéos non infirmées. La juridiction retient que « il lui appartient donc en application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile de démontrer l’existence de faits rendant plausibles ses allégations et dès lors la possibilité d’un litige futur ; ». Elle ajoute que « Les constatations du commissaire de justice, qui n’est pas un professionnel du bâtiment et ne donne aucun avis technique, ne servent qu’à décrire la situation ; » et en déduit que « l’expertise, qui ne peut avoir pour objet de pallier la carence en matière de preuve, ne sera pas ordonnée ; ». Le demandeur est condamné à une indemnité au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
I. Le cadre du motif légitime sous l’article 145 du code de procédure civile
A. L’exigence d’indices plausibles préalables à toute mesure
La juridiction ancre son contrôle dans la lettre de l’article 145, en exigeant des faits rendant plausibles les allégations. Elle énonce ainsi que « il lui appartient donc en application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile de démontrer l’existence de faits rendant plausibles ses allégations et dès lors la possibilité d’un litige futur ; ». La plausibilité ne requiert pas une preuve complète, mais impose des indices sérieux et contemporains, distincts d’une simple suspicion subjective.
La motivation retient plusieurs éléments convergents en défaveur du demandeur. Les procès-verbaux de réception sans réserve renforcent l’apparence de conformité des travaux au jour de la réception. Les vidéos démontrent des opérations d’application de produit au sein de l’habitation identifiée, et leur authenticité n’est pas discutée. L’accord sur la présence de pastilles d’injection accrédite la réalité d’une intervention initiale, même si son efficacité demeure discutée.
B. La portée probatoire limitée du constat non technique
La décision marque une frontière nette entre constatation matérielle et appréciation technique. Elle relève que « Les constatations du commissaire de justice, qui n’est pas un professionnel du bâtiment et ne donne aucun avis technique, ne servent qu’à décrire la situation ; ». Cette réserve ne disqualifie pas le constat, mais le cantonne à la description objective, sans valeur experte.
Ce cadrage est décisif pour l’office du juge des référés. À défaut d’un avis technique minimal corroborant l’inexécution alléguée, le constat ne suffit pas à franchir le seuil du motif légitime. L’absence de coulures ou d’auréoles ne prouve pas, à elle seule, l’inexistence d’une injection, compte tenu des techniques actuelles de traitement. La preuve d’indices techniques pertinents incombait au demandeur, ce que la juridiction relève avec constance.
II. Portée et appréciation de la solution retenue
A. Une solution conforme à la finalité probatoire de l’article 145
La décision rappelle la nature auxiliaire et préventive de l’article 145, qui n’est pas destiné à suppléer une déficience probatoire initiale. Elle affirme que « l’expertise, qui ne peut avoir pour objet de pallier la carence en matière de preuve, ne sera pas ordonnée ; ». La mesure d’instruction vise à conserver ou établir une preuve menacée ou incertaine, non à remédier à l’absence d’éléments minimaux rendant crédible le grief.
Ce raisonnement s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante, vigilante contre les mesures exploratoires. La réception sans réserve, sans être un obstacle absolu, rehausse le seuil d’exigence des indices. L’office du juge des référés commande un tri précoce entre litiges sérieux et procès conjecturaux, à l’appui d’éléments concrets et techniquement qualifiés.
B. Conséquences pratiques pour la preuve en litiges de travaux
La portée pratique est nette pour les justiciables en matière de travaux. À défaut de traces visibles, un avis technique bref, ciblé et circonstancié devient souvent indispensable pour caractériser le motif légitime. Un simple constat descriptif demeurera insuffisant s’il ne traduit pas, par des données techniques, l’invraisemblance de l’exécution alléguée.
La solution incite à une préparation probatoire rigoureuse en amont de l’instance. Elle valorise les indices techniques contemporains, et met en garde contre les demandes d’expertise « exploratoires ». Un tel cadrage préserve l’économie de la procédure et la proportionnalité des mesures, sans priver d’accès à la preuve ceux qui réunissent des éléments sérieux et vérifiables. L’enseignement est clair et opérationnel pour la pratique contentieuse.