Tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu, le 19 juin 2025, n°25/00392

Rendu par le Tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu le 19 juin 2025 (n° RG 25/00392), ce jugement rectificatif statue, sur le fondement de l’article 462 du code de procédure civile, « sans audience conformément à l’alinéa 3 de l’article 462 du Code de procédure civile ». La décision intervient après un premier jugement du 20 février 2025 ayant fixé l’indemnisation d’une victime d’un dommage corporel, et fait suite à une requête en rectification présentée par l’assureur. La partie adverse ne s’y oppose pas, tout en sollicitant des corrections supplémentaires. Deux intervenants institutionnels n’ont pas constitué avocat.

Le litige porte sur l’étendue des erreurs purement matérielles susceptibles de rectification, s’agissant, d’une part, des périodes de déficit fonctionnel temporaire et des comptes afférents à l’aide à la parentalité, et, d’autre part, du calcul de la perte de gains professionnels futurs. Reste posée la rectification de l’adresse de la victime, que le tribunal refuse. La juridiction vise l’article 462 et rappelle que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées », « selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ». Elle « ORDONNE la rectification du jugement en date du 20 février 2025 comme suit ; » et « DIT que pour le reste, la décision est inchangée. » La solution distingue les erreurs de plume et de calcul, rectifiables, d’un élément procédural volontairement arrêté (l’adresse), non rectifiable.

I – Le cadre et l’office du juge de la rectification

A – L’article 462 CPC, instrument de correction factuelle contrôlée
Le tribunal mobilise l’outil de l’article 462 dans sa fonction classique de correction, sans déroger à l’autorité de la chose jugée sur le fond. Le rappel selon lequel ces erreurs « peuvent toujours être réparées » marque l’absence d’obstacle tiré du caractère définitif du jugement initial. La référence à ce que « le dossier révèle » ou « la raison commande » encadre l’office du juge, qui se borne à rétablir l’exactitude objective, sans rouvrir l’appréciation. L’instance est traitée « sans audience », ce qui confirme la nature procédurale allégée de la rectification lorsque le contradictoire a été assuré par écrit.

Le contrôle exercé s’exprime dans la formule « Attendu qu’il y a lieu de faire droit aux demandes d’erreurs matérielles », qui concentre la motivation sur la matérialité des anomalies. La juridiction s’assure du caractère purement mécanique des corrections, adossées à des pièces incontestées, et refuse ce qui excéderait ce périmètre. La méthode reste prudente, fidèle à l’économie de l’article 462, afin de préserver la stabilité du dispositif initial hors erreurs avérées.

B – L’application aux postes de préjudice : dates, calculs et dispositif
S’agissant des périodes de déficit fonctionnel temporaire, le tribunal « Il convient de substituer les motifs suivants » pour aligner les dates sur celles fixées par l’expert. Le chiffrage de l’aide à la parentalité est rectifié en conséquence, la juridiction affirmant que « Le coût pour l’aide à la parentalité du 2 avril 2018 au 31 décembre 2019 est de 18 448 euros. » Il s’agit d’une correction de transcription et de comptabilisation, sans réappréciation médicale ni normative.

Le calcul de la perte de gains professionnels futurs est également corrigé. Après reprise de la base annuelle, du taux de perte de chance et de la pension d’invalidité, la juridiction substitue le montant final en indiquant que « La somme de 288 788,40 euros au titre de la perte de chance de gains professionnels futurs sera retenue. » Le total indemnitaire s’en trouve mécaniquement ajusté, le nouveau dispositif mentionnant « TOTAL : 1 467 396,92 euros ». Le tribunal rappelle enfin que la décision rectificative « sera mentionnée sur la minute et les expéditions du jugement », et que la condamnation pécuniaire « sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ». La clôture par la formule « DIT que pour le reste, la décision est inchangée. » réaffirme la stricte portée matérielle de l’intervention.

II – Appréciation et portée de la solution retenue

A – La ligne de partage entre erreur matérielle et révision du fond
Le refus de corriger l’adresse, déterminée par les dernières conclusions, illustre la frontière opératoire de l’article 462. Une indication procédurale tirée d’une pièce choisie par une partie ne résulte pas d’une inadvertance du juge, mais d’une prise en compte consciente d’un état du dossier ; elle n’est donc pas rectifiable. Ce tri cohérent évite que la rectification ne serve de voie de rétractation partielle de la décision, au risque d’empiéter sur l’appel ou l’opposition.

La correction des périodes médicales et des calculs se justifie, car elle dérive de la restitution fidèle des constatations expertales et d’opérations arithmétiques. Elle ne modifie ni l’appréciation des preuves ni le syllogisme juridique. En réunissant ces conditions, la décision respecte l’économie de l’article 462 et l’exigence de sécurité juridique. La voie est utilement cantonnée aux erreurs de plume, de report et de compte, ce que la motivation explicite confirme.

B – Conséquences pratiques sur l’indemnisation et la sécurité juridique
L’impact financier de la rectification est notable, avec une hausse substantielle du total alloué, explicitée par « TOTAL : 1 467 396,92 euros ». L’alignement des postes sur l’expertise et les barèmes retenus redonne cohérence interne à l’évaluation, améliore la lisibilité du quantum et réduit le risque d’exécution contestée. Le rappel des intérêts « à compter de la présente décision » clarifie le régime temporel associé à la somme rectifiée.

La solution renforce la confiance dans l’outil de l’article 462, dès lors qu’il permet de corriger rapidement des anomalies manifestes, sans détourner la procédure de son objet. La mention ordonnée « sur la minute et les expéditions du jugement » garantit la traçabilité des corrections et facilite l’exécution. En limitant la rectification à ce qui « le dossier révèle » ou « la raison commande », le tribunal ménage l’équilibre entre exactitude matérielle et autorité des décisions, tout en offrant une réponse pragmatique aux aléas de la rédaction et du calcul.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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