Tribunal judiciaire de Cambrai, le 19 juin 2025, n°25/00195

Rendu par le tribunal judiciaire de Cambrai, juge des contentieux de la protection, le 19 juin 2025, le jugement commente la mise en œuvre d’une clause résolutoire dans un bail d’habitation, la persistance des obligations d’un cotitulaire parti des lieux et l’étendue de l’engagement de la caution. L’instance a pour objet l’acquisition de la clause, l’expulsion, la condamnation solidaire au paiement et l’octroi éventuel de délais.

Un bail d’habitation a été conclu en 2021, assorti d’une clause de solidarité entre cotitulaires et d’un cautionnement solidaire. Des impayés sont apparus, deux commandements visant la clause ont été délivrés, puis signifiés, l’un d’eux l’ayant été à la caution. L’un des cotitulaires soutenait être délié pour avoir quitté le logement, sans formaliser un congé. La dette a été actualisée à la date des débats, aucun règlement régulier n’ayant repris.

La bailleresse sollicitait la résiliation de plein droit, l’expulsion, les sommes dues, une indemnité d’occupation et une somme au titre des frais irrépétibles. Les défendeurs demandaient des délais, l’un des cotitulaires contestant être tenu depuis son départ et la caution sollicitant un échelonnement. La juridiction rappelle les diligences préalables accomplies et tranche successivement la recevabilité, la solidarité, la validité du cautionnement, l’acquisition de la clause et les délais.

La question centrale portait sur la persistance des obligations d’un cotitulaire non déliées faute de congé régulier, la validité du cautionnement au regard des exigences textuelles, et l’articulation entre les délais spécifiques au bail d’habitation et le pouvoir général de délais. La juridiction déclare l’action recevable, constate l’acquisition de la clause au terme légal, ordonne l’expulsion, condamne solidairement les locataires et la caution au paiement et à l’indemnité d’occupation, refuse les délais au titre du texte spécial, mais accorde des délais sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil. Elle énonce notamment que « L’action est donc recevable » et que « Il convient, dès lors, de constater que les conditions d’application de la clause résolutoire sont réunies ».

I. Le sens et les fondements de la décision

A. Recevabilité et diligences préalables à l’assignation

La juridiction vérifie les conditions préalables prévues par la loi de 1989, notamment la saisine de la commission de coordination et la notification préfectorale, toutes deux réalisées dans les délais. Le contrôle porte sur la temporalité des démarches et l’information des autorités, qui participent à la prévention des expulsions.

Elle retient en conséquence « L’action est donc recevable ». Cette affirmation confirme que les exigences procédurales protectrices ne paralysent pas l’action du bailleur lorsqu’elles ont été respectées, ce qui encadre utilement la suite du raisonnement au fond.

B. Cotitularité, congé irrégulier et validité du cautionnement

La juridiction constate que l’un des cotitulaires a quitté les lieux sans délivrer congé dans les formes de l’article 15 de la loi de 1989 et du bail, lequel prévoyait une solidarité. La seule cessation d’occupation, même attestée, demeure inopérante à l’égard du bailleur si le formalisme du congé n’a pas été observé.

Elle juge dès lors que l’obligation du cotitulaire persiste, la solidarité demeurant pleinement efficace. Sur la garantie, elle relève la reproduction manuscrite des mentions requises, la signature et la remise d’un exemplaire du bail, puis le respect des notifications. La motivation souligne que « Le commandement de payer du 16 octobre 2024 a été signifié à la caution par acte du 30 octobre 2024 », ce qui achève d’asseoir la validité et l’opposabilité du cautionnement.

II. La valeur et la portée de la solution retenue

A. Clause résolutoire, date d’acquisition et mesures d’expulsion

La juridiction rappelle la règle d’acquisition de plein droit après deux mois d’inexécution suivant commandement infructueux. Le défaut de paiement persistant au-delà du délai légal, elle constate l’acquisition au 17 décembre 2024, date charnière fixée en stricte application du texte spécial.

Le cœur du raisonnement tient en ce que « Il convient, dès lors, de constater que les conditions d’application de la clause résolutoire sont réunies ». La conséquence logique consiste à ordonner l’expulsion, à fixer l’indemnité d’occupation au loyer contractuel charges comprises et à faire courir les intérêts selon l’échelonnement déterminé, l’ensemble participant à la réparation du préjudice de jouissance.

B. Délais de paiement: articulation entre texte spécial et pouvoir général

L’octroi de délais au titre de l’article 24-V suppose la reprise du paiement intégral du loyer courant avant l’audience et la capacité de régler la dette. La juridiction relève l’absence de reprise suffisante et la faiblesse des justificatifs produits, en conséquence « Par conséquent, les conditions de l’article 24-V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 pour obtenir des délais de paiement ne sont pas remplies ».

Elle exerce toutefois le pouvoir de rééchelonnement de l’article 1343-5, au regard des situations financières et d’une procédure de surendettement recevable. Cette combinaison respecte la hiérarchie des textes, ménage l’intérêt du créancier et maintient la pression normative sur le débiteur. La décision précise enfin que « Le jugement est de plein droit assorti de l’exécution provisoire », ce qui sécurise l’effectivité des mesures sans différer l’exécution par d’éventuels recours.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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