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La convention d’occupation précaire constitue un instrument contractuel dont les contours demeurent source de contentieux. L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Carpentras le 18 juin 2025 illustre les conséquences de la requalification de ce type de convention en bail commercial soumis au statut protecteur des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce.
En l’espèce, une société civile immobilière et un occupant concluaient le 15 septembre 2018 une convention d’occupation précaire portant sur des locaux situés à Orange. L’indemnité mensuelle d’occupation était fixée à cinq cents euros. La convention, initialement prévue pour trois mois, s’est renouvelée par tacite reconduction. À compter de janvier 2023, l’occupant cessait de régler les sommes dues. Malgré plusieurs mises en demeure, la dette s’accumulait pour atteindre dix-huit mille cent cinquante euros au 30 avril 2025.
La société bailleresse faisait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 1er avril 2025. Ce commandement demeurait infructueux. Elle assignait alors l’occupant devant le juge des référés aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion et obtenir le paiement des arriérés.
L’occupant ne comparaissait pas à l’audience du 4 juin 2025. La décision était donc rendue par ordonnance réputée contradictoire.
La question posée au juge était double. Il convenait de déterminer la nature juridique du contrat liant les parties après plusieurs années de tacite reconduction. Il fallait ensuite apprécier si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies.
Le tribunal judiciaire de Carpentras retient que « depuis le 1er septembre 2021, le bail est donc soumis au statut des baux commerciaux visé aux articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce ». Il constate l’acquisition de la clause résolutoire et ordonne l’expulsion, condamnant l’occupant au paiement des sommes réclamées.
Cette décision mérite examen tant au regard de la requalification du contrat (I) que des effets attachés à la clause résolutoire (II).
I. La requalification de la convention d’occupation précaire en bail commercial
La conversion opérée par le juge repose sur le mécanisme légal prévu par le Code de commerce (A). Elle emporte des conséquences significatives quant au régime applicable (B).
A. Le fondement légal de la requalification
L’article L. 145-5 du Code de commerce autorise les parties à déroger au statut des baux commerciaux par la conclusion d’un bail dérogatoire. Cette faculté est strictement encadrée. La durée totale du ou des baux successifs ne peut excéder trois ans.
Le texte précise que « si, à l’expiration de sa durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance, le preneur est laissé en possession du local, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux ». Cette disposition instaure une présomption irréfragable de soumission au statut protecteur.
En l’espèce, la convention initiale datait du 15 septembre 2018 pour une durée de trois mois. Elle s’est renouvelée tacitement à plusieurs reprises. Le tribunal constate que le seuil de trois ans a été franchi le 1er septembre 2021. À cette date, la transformation en bail commercial s’est opérée de plein droit.
La juridiction ne distingue pas expressément entre convention d’occupation précaire et bail dérogatoire. Cette assimilation procède d’une analyse pragmatique. Dès lors que l’occupation se prolonge au-delà des limites légales, le statut protecteur s’impose quelle que soit la qualification initiale retenue par les parties.
B. Les implications de la soumission au statut des baux commerciaux
La requalification emporte application de l’ensemble des dispositions du titre V du livre premier du Code de commerce. Le preneur bénéficie désormais du droit au renouvellement prévu à l’article L. 145-8. Il peut prétendre à une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement.
Cette transformation présente un aspect paradoxal dans la présente affaire. Le bailleur a lui-même invoqué le statut des baux commerciaux pour solliciter l’application de la clause résolutoire selon les formes de l’article L. 145-41. Il acceptait ainsi implicitement la requalification du contrat.
L’occupant aurait pu invoquer ce statut protecteur pour solliciter des délais de paiement. L’article L. 145-41 permet au juge de « suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation » en accordant des délais. L’absence de comparution a privé le défendeur de cette possibilité de défense.
II. L’acquisition de la clause résolutoire et ses effets
Le juge des référés a constaté la réunion des conditions légales (A) et prononcé les mesures sollicitées (B).
A. Les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire
L’article L. 145-41 du Code de commerce soumet l’efficacité de la clause résolutoire à un formalisme strict. Le commandement de payer doit mentionner le délai d’un mois laissé au preneur pour s’acquitter de sa dette. À défaut de cette mention, le commandement est nul.
Le tribunal relève que « le commandement est resté infructueux » et que « passé le délai d’un mois, la clause résolutoire qui était expressément mentionnée, doit être déclarée acquise ». La formulation atteste du respect des exigences légales.
La compétence du juge des référés en cette matière découle de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile. Ce texte l’autorise à « accorder une provision au créancier » lorsque l’existence de l’obligation « n’est pas sérieusement contestable ». L’absence de contestation du défendeur rendait la créance incontestable.
Le montant réclamé correspondait à vingt-huit mois d’impayés entre janvier 2023 et avril 2025. Cette durée considérable de défaillance justifiait pleinement la mise en œuvre de la clause résolutoire.
B. Les conséquences prononcées par le juge
L’ordonnance déclare l’occupant « sans droit ni titre à compter du 1er mai 2025 ». Cette date correspond à l’expiration du délai d’un mois suivant le commandement du 1er avril 2025.
L’expulsion est ordonnée « au besoin avec l’assistance de la force publique ». Cette précision autorise le recours à la contrainte en cas de résistance de l’occupant.
L’indemnité d’occupation retenue mérite attention. Le contrat prévoyait une pénalité égale à « trois fois le montant de l’indemnité d’occupation prévue au contrat ». Le tribunal fixe cette indemnité à cinquante euros par jour, soit mille cinq cents euros mensuels. Ce montant correspond exactement au triple de l’indemnité initiale de cinq cents euros.
Cette majoration constitue une clause pénale au sens de l’article 1231-5 du Code civil. Le juge dispose du pouvoir de la modérer si elle apparaît manifestement excessive. En l’espèce, aucune réduction n’a été opérée. L’absence de comparution du défendeur explique ce silence.
L’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile a été fixée à cinq cents euros alors que deux mille euros étaient sollicités. Cette réduction témoigne de l’appréciation souveraine du juge quant à l’équité de la demande. Le caractère non contradictoire de l’instance a pu influencer cette modération.