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L’ordonnance rendue le 17 juin 2025 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chartres illustre le contrôle juridictionnel systématique des hospitalisations psychiatriques sous contrainte. Cette décision s’inscrit dans le cadre du contrôle à douze jours prévu par le code de la santé publique.
Un homme né en 2001 a été admis le 7 juin 2025 en soins psychiatriques sans consentement au sein d’un centre hospitalier spécialisé. Cette admission a été prononcée en urgence à la demande de son père, sur le fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique. Le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention le 12 juin 2025 aux fins de statuer sur la poursuite de la mesure.
En première instance, le patient comparaissait assisté de son avocat commis d’office. Le tiers demandeur était présent. Le ministère public, absent à l’audience, avait transmis un avis écrit favorable à la poursuite de l’hospitalisation. L’audience s’est tenue dans une salle spécialement aménagée sur l’emprise de l’établissement hospitalier.
Le patient contestait-il implicitement la régularité ou le bien-fondé de son hospitalisation sous contrainte, ou à tout le moins sollicitait-il sa mainlevée par l’intermédiaire de son conseil ?
Le juge des libertés et de la détention ordonne la poursuite de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète. Il retient que les certificats médicaux établissent l’existence de troubles rendant impossible le consentement du patient et créant un risque grave d’atteinte à son intégrité. La décision rappelle que l’office du juge se limite à vérifier que les certificats médicaux répondent aux exigences légales, sans se substituer au médecin dans l’appréciation de l’état mental du patient.
Cette ordonnance invite à examiner tant le cadre procédural du contrôle juridictionnel de l’hospitalisation sous contrainte (I) que les critères de fond justifiant le maintien de la mesure (II).
I. Le cadre procédural du contrôle juridictionnel de l’hospitalisation sous contrainte
Le contrôle de plein droit exercé par le juge des libertés et de la détention constitue une garantie fondamentale des droits du patient hospitalisé (A). Les conditions de tenue de l’audience révèlent un aménagement procédural adapté à la spécificité du contentieux psychiatrique (B).
A. L’intervention obligatoire du juge des libertés et de la détention
Le législateur a institué un contrôle juridictionnel systématique des hospitalisations psychiatriques sous contrainte. L’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique impose au juge des libertés et de la détention de statuer dans un délai de douze jours suivant l’admission. Ce contrôle de plein droit traduit la volonté du législateur de soumettre toute privation de liberté à l’examen d’un magistrat du siège.
En l’espèce, le directeur de l’établissement a saisi le juge le 12 juin 2025, soit cinq jours après l’admission intervenue le 7 juin. L’audience s’est tenue le 17 juin, respectant ainsi le délai légal de douze jours. Cette célérité procédurale répond aux exigences constitutionnelles issues de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010.
Le contrôle juridictionnel de l’hospitalisation psychiatrique constitue une application directe de l’article 66 de la Constitution. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, doit intervenir dans le plus court délai possible. La Cour européenne des droits de l’homme exige également qu’un tribunal statue à bref délai sur la légalité de la détention au sens de l’article 5 paragraphe 4 de la Convention.
L’ordonnance mentionne la désignation d’un avocat commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle provisoire. Cette assistance obligatoire garantit l’effectivité des droits de la défense. Le patient se trouve en effet dans une situation de vulnérabilité particulière, hospitalisé contre son gré pour des troubles psychiatriques affectant potentiellement son discernement.
B. Les modalités d’organisation de l’audience
L’audience s’est tenue dans « la salle d’audience spécialement aménagée sur l’emprise du Centre Hospitalier ». L’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique autorise cette délocalisation des débats au sein de l’établissement de santé. Cette disposition facilite la comparution du patient tout en préservant le caractère contradictoire de la procédure.
La publicité des débats est expressément mentionnée par l’ordonnance. Ce principe fondamental du procès équitable connaît cependant des tempéraments en matière psychiatrique. Le juge peut ordonner le huis clos si la publicité est de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée du patient. En l’espèce, aucune dérogation n’a été sollicitée ni prononcée.
Le ministère public était absent à l’audience mais avait transmis un avis écrit le 16 juin 2025. Cette modalité de participation, prévue par les textes, permet au parquet de faire valoir sa position sans nécessairement comparaître. L’avis concluait à la poursuite de l’hospitalisation. Le procureur de la République exerce en ce domaine une mission de protection des personnes vulnérables et de contrôle de la régularité des procédures.
La présence du tiers demandeur à l’audience mérite d’être relevée. Le père du patient, à l’origine de la demande d’admission, a pu être entendu par le juge. Cette audition éclaire le magistrat sur le contexte familial et les circonstances ayant conduit à l’hospitalisation.
II. Les critères de fond justifiant le maintien de l’hospitalisation complète
L’appréciation des conditions légales de l’hospitalisation d’urgence à la demande d’un tiers repose sur l’examen des certificats médicaux (A). La délimitation de l’office du juge face à l’expertise psychiatrique constitue un enjeu central de ce contentieux (B).
A. La vérification des conditions légales de l’admission en urgence
L’article L. 3212-3 du code de la santé publique définit les conditions de l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers en cas d’urgence. Ce texte exige un « risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade » et autorise, à titre exceptionnel, une admission sur la base d’un seul certificat médical.
Le juge vérifie que les certificats médicaux successifs répondent aux exigences légales. L’ordonnance relève que le certificat de 72 heures expose que le patient a été admis « pour bilans et prise en charge de troubles du comportement sur fond de tableau psychotique ». Le médecin décrit des manifestations cliniques précises : « maniérisme gestuel, parakinésies, épisodes de soliloquie, réponses à côté alternant avec des moments de mutisme, réticence et barrages ».
L’avis médical motivé conclut à l’existence d’un « syndrome délirant paranoïde avec adhésion totale associé à un syndrome de désorganisation tant intellectuelle que comportementale ». Ces éléments caractérisent des troubles psychiatriques sévères rendant le consentement aux soins impossible.
Le juge retient que les certificats établissent des « troubles rendant impossible son consentement aux soins, imposant des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante en hospitalisation complète, et créant un risque grave d’atteinte à son intégrité ». Cette formulation reprend les critères légaux de l’admission à la demande d’un tiers en urgence.
B. La délimitation de l’office du juge face à l’expertise médicale
L’ordonnance énonce une règle essentielle concernant l’étendue du contrôle juridictionnel. Le juge affirme que son office « se limite – pour l’appréciation du contenu des certificats médicaux – à s’assurer qu’il répond aux exigences légales ». Cette formulation délimite strictement le pouvoir d’appréciation du magistrat.
Le juge précise qu’il ne lui « appartient pas de confronter le contenu du certificat à sa propre appréciation du trouble psychiatrique, et donc de se substituer au médecin dans l’examen de l’état mental d’un patient et de son consentement aux soins ». Cette autolimitation traduit le respect de la compétence médicale dans l’évaluation clinique.
Cette conception restrictive de l’office du juge soulève des interrogations. Le contrôle juridictionnel ne saurait se réduire à une vérification purement formelle des certificats. Le juge doit pouvoir apprécier la cohérence et le caractère circonstancié des constatations médicales. L’ordonnance elle-même relève que les certificats sont « suffisamment circonstanciés ».
La proportionnalité de la mesure fait l’objet d’un contrôle explicite. L’ordonnance énonce que « la mesure de soins sous la forme d’une hospitalisation à temps plein en service spécialisé apparaît ainsi toujours nécessaire, adaptée et proportionnée à l’état de santé » du patient. Ce triple test de nécessité, d’adaptation et de proportionnalité traduit l’influence des exigences européennes.
L’absence d’éléments probants contestant les certificats médicaux conduit au maintien de la mesure. La charge de la preuve pèse ainsi implicitement sur le patient ou son conseil. Cette répartition de la charge probatoire peut sembler sévère au regard de la présomption de liberté. Le juge note cependant l’absence de « tout élément probant de nature à remettre en cause la teneur des certificats et avis médicaux transmis ».