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L’hospitalisation psychiatrique sous contrainte constitue l’une des restrictions les plus significatives qu’une société démocratique puisse imposer à la liberté individuelle. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chartres, par une ordonnance du 20 juin 2025, s’est prononcé sur le maintien d’une telle mesure dans le cadre du contrôle à douze jours prévu par le code de la santé publique.
Un patient, placé sous curatelle, avait été initialement admis en soins psychiatriques sous contrainte le 24 mai 2023, sur décision du directeur d’établissement à la demande d’un tiers, en application de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Le juge des libertés et de la détention avait maintenu cette mesure par décision du 2 juin 2023. Le patient avait ensuite bénéficié d’un programme de soins à compter du 3 novembre 2023, lui permettant de quitter l’hospitalisation complète tout en demeurant sous surveillance médicale ambulatoire. Ce programme prévoyait un suivi mensuel par un médecin psychiatre et des visites hebdomadaires des infirmières du centre médico-psychologique pour la préparation de son pilulier.
Le 11 juin 2025, le patient ne s’est pas présenté au centre médico-psychologique pour réaliser son pilulier. Les appels téléphoniques des infirmières sont restés sans réponse. Lors d’une visite à son domicile, le patient a refusé de prendre son traitement et a quitté les lieux. Face à ce non-respect du programme de soins, le médecin a préconisé sa réintégration en hospitalisation complète, laquelle est intervenue par décision du directeur d’établissement le 12 juin 2025.
Le directeur du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention le 17 juin 2025 aux fins de statuer sur la poursuite de cette mesure dans le cadre du contrôle à douze jours. L’audience s’est tenue le 20 juin 2025 dans une salle spécialement aménagée sur l’emprise de l’établissement. Le patient, assisté de son avocat, a comparu et a été entendu. Le tiers à l’origine de la demande, l’Union départementale des associations familiales agissant en qualité de curateur, n’a pas comparu mais a adressé un courriel le 19 juin 2025. Le ministère public, absent à l’audience, a émis un avis favorable au maintien de l’hospitalisation complète.
Le patient contestait-il la mesure ? L’ordonnance ne le précise pas expressément, mais la comparution assistée d’un avocat et le caractère contradictoire de la procédure laissent supposer une opposition.
La question posée au juge des libertés et de la détention était celle de savoir si le non-respect par un patient d’un programme de soins psychiatriques, caractérisé par le refus de prendre son traitement et l’absence de présentation aux rendez-vous médicaux, justifie le maintien de la réintégration en hospitalisation complète ordonnée par le directeur d’établissement.
Le juge des libertés et de la détention a répondu par l’affirmative. Il a estimé que « le non respect du programme de soins par le patient justifie le maintien de la mesure d’hospitalisation complète » et a ordonné la poursuite de cette mesure.
Cette décision invite à examiner les conditions de la réintégration en hospitalisation complète après un programme de soins (I), avant d’analyser l’office du juge dans le contrôle de cette mesure privative de liberté (II).
I. Les conditions de la réintégration en hospitalisation complète
La réintégration du patient en hospitalisation complète suppose la caractérisation d’un manquement au programme de soins (A), lequel doit être apprécié au regard de la pathologie psychiatrique en cause (B).
A. Le manquement au programme de soins comme fondement de la réintégration
L’article L. 3211-11 du code de la santé publique, visé par l’ordonnance, encadre les programmes de soins dont peuvent bénéficier les patients admis en soins psychiatriques sous contrainte. Ce dispositif permet au patient de quitter l’hospitalisation complète tout en demeurant soumis à des obligations thérapeutiques définies par un protocole médical.
Le juge relève que le patient « est suivi une fois par mois par le médecin psychiatre ainsi que par les infirmières du CMP toutes les semaines pour effectuer son pilulier de médicaments ». Ce suivi ambulatoire s’accompagnait de « visites au domicile par les infirmières celui-ci ne respectant pas la prise régulière de son traitement ». Le programme de soins comportait donc des modalités renforcées de surveillance, témoignant d’une vigilance particulière à l’égard de l’observance thérapeutique du patient.
Le manquement reproché présente un caractère objectif et documenté. Le patient « n’est pas passé le 11 juin au CMP afin de réaliser son pilulier ». Les tentatives de contact se sont révélées infructueuses puisque « l’appel téléphonique des infirmières du CMP est resté sans réponse ». La démarche active des soignants s’est heurtée à un refus explicite lors de leur déplacement au domicile du patient, lequel « a refusé de le prendre est a quitté son domicile ».
La décision du directeur d’établissement de réintégrer le patient en hospitalisation complète apparaît ainsi fondée sur des éléments factuels précis et concordants, établissant la rupture du lien thérapeutique organisé par le programme de soins.
B. L’appréciation du manquement au regard de la pathologie
L’ordonnance rappelle que le patient est « atteint d’un trouble psychiatrique de type schizophrénie paranoïde et ce depuis de longue date ». Cette précision n’est pas anodine. Elle permet de contextualiser le manquement au programme de soins dans le cadre d’une pathologie chronique caractérisée par une altération du jugement et une difficulté à percevoir la nécessité des soins.
Le juge note que le patient « a été hospitalisé à plusieurs reprises en soins psychiatriques sous contrainte généralement suite à des décompensations psychotiques assez importantes ». L’histoire clinique du patient révèle ainsi un schéma récurrent où l’interruption du traitement précède la dégradation de l’état de santé. Le programme de soins prévoyait d’ailleurs des visites à domicile précisément parce que le patient ne respectait pas « la prise régulière de son traitement ».
Le refus de traitement et la fuite du domicile lors de la visite des infirmières peuvent être interprétés comme les prémices d’une nouvelle décompensation. Le certificat médical proposant la réintégration, daté du 12 juin 2025, a été établi au regard de ces éléments cliniques qui dépassent le simple non-respect formel d’un rendez-vous.
La motivation de l’ordonnance demeure toutefois succincte sur ce point. Le juge se borne à constater que « le non respect du programme de soins par le patient justifie le maintien de la mesure » sans détailler les risques concrets que ferait courir au patient ou aux tiers la poursuite de la rupture thérapeutique. Cette économie de moyens soulève la question de l’intensité du contrôle juridictionnel exercé.
II. L’office du juge dans le contrôle de l’hospitalisation contrainte
Le contrôle juridictionnel des mesures d’hospitalisation sous contrainte obéit à des exigences procédurales strictes (A), mais l’étendue du contrôle exercé sur le fond de la mesure mérite discussion (B).
A. Le respect des garanties procédurales
L’ordonnance témoigne d’un respect scrupuleux des garanties procédurales entourant le contrôle des hospitalisations sous contrainte. Le directeur d’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention le 17 juin 2025, soit cinq jours après la réintégration du patient en hospitalisation complète intervenue le 12 juin. Le contrôle à douze jours prévu par l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique a ainsi été respecté.
L’audience s’est tenue « publiquement dans la salle d’audience spécialement aménagée sur l’emprise du Centre Hospitalier », conformément à l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique. Cette disposition, issue de la loi du 5 juillet 2011 modifiée, vise à concilier les exigences de publicité des débats avec les contraintes liées à l’état de santé des patients.
Le patient a bénéficié de l’assistance d’un avocat commis d’office, auquel l’ordonnance accorde le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire. Il « a été entendu à l’audience, conformément aux dispositions de l’article R. 3211-31 du code de la santé publique ». Cette audition du patient constitue une garantie essentielle du caractère contradictoire de la procédure.
Le curateur du patient, l’Union départementale des associations familiales, a été informé de l’audience par courriel et a transmis ses observations par le même canal. Le ministère public a émis un avis écrit favorable au maintien de la mesure. L’ensemble des parties ayant été mises en mesure de s’exprimer, le débat contradictoire a pu se tenir dans des conditions satisfaisantes.
B. La portée du contrôle juridictionnel sur le fond
Si les garanties procédurales apparaissent respectées, l’ordonnance laisse transparaître un contrôle juridictionnel de faible intensité sur le fond de la mesure. Le juge reprend pour l’essentiel les termes du certificat médical proposant l’hospitalisation complète sans manifester de regard critique sur les éléments qui lui sont soumis.
La motivation tient en quelques lignes : après avoir rappelé les antécédents du patient et les circonstances du non-respect du programme de soins, le juge conclut que « le non respect du programme de soins par le patient justifie le maintien de la mesure d’hospitalisation complète ». Cette formulation lapidaire ne permet pas de saisir l’analyse juridique qui fonde la décision.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 novembre 2010, a pourtant rappelé que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». La juridictionnalisation du contrôle des hospitalisations sous contrainte, achevée par la loi du 5 juillet 2011, implique un examen effectif et non une simple chambre d’enregistrement des décisions administratives et médicales.
L’ordonnance ne discute pas de l’existence d’alternatives à l’hospitalisation complète. Elle ne s’interroge pas sur la possibilité de rétablir un programme de soins assorti de garanties renforcées. Elle ne mentionne pas les observations du patient lors de son audition, alors même que celui-ci a comparu assisté de son conseil.
La portée de cette décision demeure celle d’une décision d’espèce, rendue dans le cadre d’un contrôle systématique à douze jours. Elle confirme que le non-respect d’un programme de soins constitue un motif suffisant de maintien en hospitalisation complète, sans que le juge ne soit tenu de caractériser un danger imminent ou un trouble grave à l’ordre public. La simple rupture du lien thérapeutique, chez un patient souffrant d’une pathologie chronique nécessitant un traitement continu, justifie la privation de liberté. Cette approche, si elle peut se comprendre d’un point de vue médical et préventif, interroge sur l’équilibre entre protection de la santé et respect de la liberté individuelle.