Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, le 20 juin 2025, n°25/00430

La loi du 11 juillet 1966 a profondément remanié le droit français de l’adoption en distinguant deux formes : l’adoption plénière, qui crée une rupture totale avec la famille d’origine, et l’adoption simple, qui permet une intégration dans une nouvelle famille tout en préservant les liens antérieurs. Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 20 juin 2025 illustre cette seconde forme d’adoption dans un contexte familial particulier.

Une femme, née le 29 mars 1964, a épousé le 15 juin 2024 un homme dont elle souhaite adopter le fils. Ce dernier, né le 17 mars 1995, est donc le fils de son époux. La requérante a déposé une requête en adoption simple le 20 octobre 2024. Le consentement à l’adoption a été donné par acte authentique reçu par un notaire le 30 août 2024.

Le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a été saisi de cette requête en matière gracieuse. À l’audience du 20 juin 2025, la requérante a confirmé sa demande. Le Ministère Public a émis un avis favorable.

La question posée au tribunal était de savoir si les conditions légales de l’adoption simple étaient réunies pour permettre à une épouse d’adopter le fils majeur de son conjoint.

Le tribunal prononce l’adoption simple sollicitée, après avoir constaté que « les conditions de la loi étant remplies » et que les parties avaient valablement consenti à l’adoption. Il ordonne que l’adopté conserve son nom et que l’adoption produise ses effets à compter du dépôt de la requête.

Cette décision met en lumière le régime de l’adoption simple intrafamiliale (I) tout en révélant les effets juridiques attachés à cette forme d’adoption (II).

I. Le cadre juridique de l’adoption simple du majeur par le conjoint

L’adoption simple obéit à des conditions de fond tenant aux parties (A) et à des exigences formelles relatives au consentement (B).

A. Les conditions relatives aux parties à l’adoption

L’article 343-1 du Code civil permet l’adoption par une personne mariée du enfant de son conjoint. Cette disposition facilite la recomposition familiale en autorisant le beau-parent à créer un lien de filiation avec l’enfant de son époux. Le tribunal relève que la requérante s’est mariée le 15 juin 2024, soit antérieurement au dépôt de la requête en octobre 2024. La condition de mariage préalable est donc satisfaite.

L’article 344 du Code civil exige une différence d’âge d’au moins dix ans entre l’adoptant et l’adopté. En l’espèce, la requérante est née en 1964 et l’adopté en 1995. L’écart de trente et un ans dépasse largement le minimum requis. Cette exigence vise à reproduire une vraisemblance de filiation naturelle.

L’adopté, âgé de trente ans au moment de la décision, est majeur depuis plus de douze ans. L’adoption simple d’un majeur est expressément prévue par le Code civil. Elle ne requiert pas les mêmes conditions d’accueil au foyer que l’adoption d’un mineur. Le législateur reconnaît ainsi la possibilité de formaliser juridiquement des liens affectifs préexistants entre adultes.

B. Le consentement authentique comme condition de validité

L’article 360 du Code civil impose que l’adopté majeur consente personnellement à son adoption. Ce consentement doit être donné par acte authentique conformément à l’article 348-3 du même code. Le tribunal constate que le consentement a été reçu « le 30 août 2024 par devant Maître [W], notaire à RIOM ».

Le recours à l’acte notarié garantit l’authenticité du consentement et permet de s’assurer de son caractère libre et éclairé. Le notaire vérifie l’identité des parties et leur capacité juridique. Cette formalité substantielle protège l’adopté contre toute pression ou manipulation.

Le consentement de l’adoptante résulte du dépôt même de la requête et de sa confirmation à l’audience. Le tribunal note qu’à l’audience du 20 juin 2025, « la requérante a confirmé sa demande ». Cette double manifestation de volonté atteste de la persistance du projet adoptif sur une période de plusieurs mois.

II. Les effets juridiques de l’adoption simple prononcée

L’adoption simple produit des effets sur le nom de l’adopté (A) et sur sa situation familiale (B).

A. Le maintien du nom d’origine de l’adopté

L’article 363 du Code civil prévoit que l’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de ce dernier. Toutefois, le tribunal peut décider que l’adopté conservera son seul nom d’origine si l’adoptant et l’adopté le demandent conjointement.

En l’espèce, le tribunal « dit que l’adopté continuera à s’appeler » par son nom d’origine. Cette décision présuppose une demande en ce sens des parties, même si le jugement ne la mentionne pas explicitement. Le maintien du nom patronymique s’explique aisément par le contexte familial. L’adopté porte déjà le nom de son père biologique, qui est l’époux de l’adoptante. L’adjonction du nom de cette dernière n’aurait guère de sens puisque l’adopté appartient déjà, par sa filiation paternelle, à la famille de son père.

Cette solution préserve l’identité de l’adopté tout en consacrant juridiquement le lien créé avec sa belle-mère. Le nom constitue un élément essentiel de l’état des personnes. Sa modification peut avoir des répercussions sociales et administratives importantes. Le législateur laisse aux parties une certaine liberté dans ce domaine.

B. La création d’un lien de filiation additif

L’adoption simple crée un lien de filiation entre l’adoptant et l’adopté sans rompre les liens avec la famille d’origine. L’article 364 du Code civil dispose que l’adopté reste dans sa famille d’origine et y conserve tous ses droits. Il acquiert simultanément des droits dans la famille de l’adoptant.

Le tribunal ordonne que « l’adoption produira ses effets à compter du jour du dépôt de la requête au secrétariat du greffe ». Cette rétroactivité au 20 octobre 2024 est prévue par l’article 370-1 du Code civil. Elle permet de faire coïncider les effets de l’adoption avec la manifestation de volonté initiale des parties.

L’adopté acquiert la qualité d’enfant de l’adoptante. Il devient juridiquement le beau-fils de celle qui était déjà, en fait, sa belle-mère par le mariage avec son père. Cette formalisation juridique lui confère des droits successoraux dans la famille adoptive. Il hérite de l’adoptante comme un enfant légitime, conformément à l’article 368 du Code civil.

La transcription du jugement sur les registres de l’état civil, ordonnée par le tribunal, assure la publicité de cette nouvelle filiation. Cette transcription tiendra lieu d’acte de naissance et mentionnera le lien adoptif. L’adoption simple du majeur par le conjoint du parent constitue ainsi un instrument juridique adapté aux réalités des familles recomposées contemporaines.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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