Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, le 20 juin 2025, n°25/00553

L’hospitalisation psychiatrique sans consentement constitue une atteinte majeure à la liberté individuelle. Elle suppose un contrôle juridictionnel rigoureux, confié au juge des libertés et de la détention. L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 20 juin 2025 illustre les difficultés inhérentes à ce contrôle lorsque la mesure fait suite à une décision d’irresponsabilité pénale.

Un individu avait été déclaré pénalement irresponsable par jugement du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand le 23 décembre 2024. Le même jour, une ordonnance avait prononcé son admission en soins psychiatriques dans un établissement habilité. L’intéressé fut hospitalisé à compter du 8 janvier 2025.

Par requête reçue le 5 juin 2025, le préfet du Puy-de-Dôme saisit le juge des libertés et de la détention aux fins de voir ordonner la poursuite de cette hospitalisation complète. Le ministère public, régulièrement avisé, formula des observations écrites. L’intéressé comparut assisté de son conseil, lequel s’en remit à droit.

Le préfet soutenait que les conditions légales demeuraient réunies pour maintenir l’hospitalisation. Le patient, quant à lui, indiquait se sentir prêt à sortir tout en reconnaissant que le cadre médical lui apportait une certaine sécurité.

La question posée au juge était de déterminer si les conditions légales justifiant le maintien d’une hospitalisation complète sur décision du représentant de l’État, dans le cadre d’une mesure de soins pour irresponsabilité pénale, demeuraient satisfaites.

Le juge des libertés et de la détention ordonna la poursuite de l’hospitalisation complète. Il releva que si l’état du patient s’était stabilisé, des fragilités persistaient. La mesure apparaissait nécessaire pour garantir un cadre sécure et éviter toute nouvelle décompensation psychique et comportementale.

Cette décision invite à examiner les conditions du maintien de l’hospitalisation psychiatrique dans le cadre de l’irresponsabilité pénale (I), avant d’analyser l’office du juge des libertés et de la détention dans ce contrôle (II).

I. Les conditions du maintien de l’hospitalisation psychiatrique pour irresponsabilité pénale

Le régime juridique applicable aux soins psychiatriques sans consentement ordonnés à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale obéit à des exigences spécifiques (A). L’appréciation médicale de l’état du patient constitue le fondement essentiel de la décision de maintien (B).

A. Le cadre légal des soins psychiatriques sur décision judiciaire

L’article L. 3213-1 du code de la santé publique permet au représentant de l’État de prononcer l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public. Ce régime de droit commun se combine avec les dispositions de l’article 706-135 du code de procédure pénale lorsque la mesure fait suite à une décision d’irresponsabilité.

L’ordonnance rappelle que l’intéressé fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale selon jugement du 23 décembre 2024. Cette qualification emporte des conséquences procédurales particulières. L’article L. 3213-3 du code de la santé publique impose qu’un psychiatre de l’établissement examine le patient dans le mois suivant l’admission. Le certificat médical doit préciser si la forme de prise en charge demeure adaptée.

Le juge relève expressément que le patient a été admis depuis le 8 janvier 2025 en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète sur décision judiciaire. Cette mention souligne la nature hybride du régime applicable. La décision initiale procède du juge pénal, mais le contrôle périodique relève du juge des libertés et de la détention civil.

B. L’évaluation médicale comme fondement de la décision

Le maintien de l’hospitalisation repose sur l’appréciation médicale de l’état du patient. L’ordonnance cite deux certificats médicaux établis respectivement les 4 et 19 juin 2025. Le premier constate que le patient est actuellement stabilisé au niveau de ses troubles psychiques et que les modalités d’hospitalisation permettent de poser un cadre sécure. Il relève la persistance de quelques fragilités nécessitant de sécuriser l’environnement social.

Le second certificat confirme cette analyse. Le praticien note que le patient est adapté dans l’échange, avec une thymie syntone et une bonne adhésion aux soins. Les sorties en milieu extérieur se passent bien. Ces éléments attestent une évolution favorable.

Le juge retient néanmoins que si l’état du patient s’est stabilisé, il reste encore des fragilités. Il rappelle que l’expertise psychiatrique fondant la décision d’irresponsabilité avait relevé que sans prise en charge adaptée, il existait un très fort risque de récidive. Cette référence à l’expertise initiale témoigne de la permanence du critère de dangerosité dans l’appréciation du maintien.

II. L’office du juge des libertés et de la détention dans le contrôle de l’hospitalisation

Le contrôle juridictionnel de l’hospitalisation psychiatrique suppose une conciliation délicate entre protection de la liberté individuelle et impératifs de sécurité (A). La prise en compte de la parole du patient enrichit l’appréciation judiciaire sans la déterminer (B).

A. La conciliation entre liberté individuelle et nécessité des soins

Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle de pleine juridiction sur la mesure d’hospitalisation. Il ne se borne pas à vérifier la régularité formelle de la procédure. Il apprécie au fond si les conditions légales demeurent réunies.

L’ordonnance déclare la procédure régulière et la requête régulière en la forme. Cette formulation distingue clairement le contrôle formel du contrôle substantiel. Sur le fond, le juge retient que la mesure d’hospitalisation apparait encore nécessaire pour garantir un cadre sécure.

La notion de nécessité revêt ici une double dimension. Elle s’apprécie au regard de l’état de santé du patient. Elle s’évalue également en considération du risque que celui-ci représente pour autrui. Le juge rappelle le très fort risque de récidive mentionné dans l’expertise initiale. Cette référence illustre la tension inhérente au contrôle. La liberté individuelle commande de limiter la durée de la privation de liberté au strict nécessaire. La protection de la société peut justifier le maintien d’une mesure contraignante.

B. La place de la parole du patient dans l’appréciation judiciaire

L’ordonnance reproduit les déclarations du patient lors de l’audience. Celui-ci indique se sentir bien et suivre les consignes des médecins. Il précise n’avoir pas de logement dans l’immédiat et se sentir prêt à sortir. Il ajoute que c’est fort possible que le cadre médical lui apporte une sécurité.

Cette audition traduit l’exigence du contradictoire dans le contentieux de l’hospitalisation psychiatrique. Le patient n’est pas un objet de soins mais un sujet de droits. Sa parole doit être entendue et prise en considération.

Le juge relève que le patient admet lui-même la nécessité du cadre sécure. Cette adhésion partielle ne suffit pas à transformer la mesure en hospitalisation libre. L’absence de consentement plein et entier justifie le maintien du régime contraignant. Toutefois, la reconnaissance par l’intéressé du bénéfice qu’il retire de l’hospitalisation atténue le caractère coercitif de la mesure. Elle témoigne également d’une évolution favorable de son état clinique susceptible de justifier un assouplissement ultérieur des modalités de prise en charge.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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