Tribunal judiciaire de Colmar, le 20 juin 2025, n°25/00191

L’adoption simple constitue l’une des formes d’adoption prévues par le droit français permettant de créer un lien de filiation entre l’adoptant et l’adopté tout en maintenant les liens avec la famille d’origine. Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nanterre le 20 juin 2025 illustre le régime juridique applicable à cette institution lorsque l’adopté est majeur.

En l’espèce, un homme né en 1976, technicien en informatique, a formé une requête en adoption simple d’un jeune homme majeur né en 2004. Les deux intéressés résident à la même adresse. La procédure s’est déroulée en matière gracieuse devant la deuxième chambre civile du Tribunal judiciaire de Nanterre. Le ministère public a été régulièrement avisé de la procédure. Le tribunal a statué en chambre du conseil, sans débat contradictoire, conformément aux règles applicables en matière gracieuse.

La question posée au tribunal était de déterminer si les conditions légales de l’adoption simple d’un majeur étaient réunies et si cette adoption présentait un intérêt pour l’adopté justifiant son prononcé.

Le tribunal a fait droit à la demande en prononçant l’adoption simple. Il a décidé que l’adopté conserverait son prénom mais porterait désormais le nom patronymique de l’adoptant. Les formalités de publicité ont été confiées au procureur de la République et les dépens laissés à la charge du Trésor public.

L’adoption simple d’un majeur obéit à des conditions spécifiques dont la réunion conditionne le prononcé judiciaire (I). Les effets de cette adoption, notamment en matière de nom, révèlent la nature particulière du lien de filiation ainsi créé (II).

I. Les conditions du prononcé de l’adoption simple d’un majeur

L’examen des conditions de fond relatives aux parties (A) précède nécessairement la vérification du respect des exigences procédurales propres à la matière gracieuse (B).

A. Les conditions tenant aux parties à l’adoption

Le droit français de l’adoption simple impose des conditions tenant tant à l’adoptant qu’à l’adopté. L’article 343 du code civil, applicable à l’adoption simple par renvoi de l’article 361, exige que l’adoptant soit âgé de plus de vingt-six ans. En l’espèce, le requérant né en 1976 satisfait manifestement à cette exigence. L’article 344 du même code impose en outre une différence d’âge minimale de quinze ans entre l’adoptant et l’adopté, sauf adoption de l’enfant du conjoint. La configuration de l’espèce, avec un adoptant né en 1976 et un adopté né en 2004, établit une différence d’âge de vingt-huit ans, largement supérieure au minimum légal.

S’agissant de l’adopté majeur, l’article 360 alinéa 2 du code civil dispose que « l’adoption simple est permise quel que soit l’âge de l’adopté ». Le jeune homme né en 2004 avait atteint la majorité au moment de la requête formée en 2025. L’article 348 du code civil prévoit que le consentement de l’adopté majeur est requis. La communauté de domicile entre les deux intéressés suggère l’existence de liens affectifs préexistants justifiant la création d’un lien de filiation adoptive.

Le tribunal devait également apprécier si l’adoption était conforme à l’intérêt de l’adopté conformément à l’article 353 du code civil. Cette appréciation souveraine des juges du fond porte sur l’existence de liens affectifs réels et sur les motivations de la demande. Le prononcé de l’adoption établit que le tribunal a considéré ces conditions remplies.

B. Le cadre procédural de la matière gracieuse

La procédure d’adoption relève de la matière gracieuse au sens des articles 25 et suivants du code de procédure civile. Le tribunal a statué « sans débat » en chambre du conseil, ce qui constitue le mode normal de jugement en cette matière. L’absence de litige entre parties adverses justifie cette organisation procédurale particulière. Le ministère public, qui exerce une mission de protection de l’ordre public familial, a été « régulièrement avisé » conformément aux dispositions de l’article 798 du code de procédure civile.

La compétence territoriale du Tribunal judiciaire de Nanterre s’explique par le domicile du requérant situé dans son ressort. L’article 1166 du code de procédure civile attribue compétence au tribunal du domicile de l’adoptant. Le jugement rendu en premier ressort demeure susceptible d’appel dans les conditions du droit commun.

La mise à disposition au greffe constitue la modalité de prononcé retenue, les parties ayant été préalablement avisées. Cette technique permet d’assurer la publicité de la décision tout en respectant le caractère non contentieux de la procédure.

II. Les effets de l’adoption simple prononcée

L’attribution du nom de l’adoptant à l’adopté révèle les choix opérés par le tribunal (A). La portée de la décision s’inscrit dans le cadre général des effets de l’adoption simple (B).

A. La détermination du nom de l’adopté

Le tribunal a décidé que « l’adopté conservera son prénom et portera désormais le nom patronymique » de l’adoptant. L’article 363 du code civil organise les modalités de détermination du nom de l’adopté simple. Ce texte prévoit en principe l’adjonction du nom de l’adoptant au nom d’origine, mais permet au tribunal, avec le consentement de l’adopté, de décider que ce dernier portera uniquement le nom de l’adoptant.

La substitution complète du nom de l’adoptant au nom d’origine, retenue en l’espèce, traduit la volonté des parties de marquer pleinement l’intégration de l’adopté dans sa nouvelle famille. Cette solution suppose le consentement exprès de l’adopté majeur. Le tribunal dispose d’un pouvoir d’appréciation pour accueillir ou rejeter cette demande selon les circonstances de l’espèce. La conservation du prénom d’origine assure néanmoins une continuité dans l’identité de l’adopté.

Les mesures de publicité ordonnées, notamment la mention en marge des actes d’état civil, garantissent l’opposabilité du jugement aux tiers. La diligence du procureur de la République pour l’exécution de ces formalités s’inscrit dans sa mission générale de surveillance de l’état civil.

B. La portée de l’adoption simple au regard du maintien des liens avec la famille d’origine

L’adoption simple se distingue fondamentalement de l’adoption plénière par le maintien des liens de filiation avec la famille d’origine. L’article 364 du code civil dispose que l’adopté simple « reste dans sa famille d’origine et y conserve tous ses droits ». Cette caractéristique explique que la mère biologique de l’adopté ait été destinataire de la notification du jugement, comme l’ordonne le dispositif.

L’adopté acquiert ainsi une double filiation produisant des effets juridiques distincts. Dans sa famille adoptive, il bénéficie des droits successoraux prévus par l’article 368 du code civil, bien que ceux-ci soient moins étendus que dans l’adoption plénière. Dans sa famille d’origine, il conserve sa vocation successorale intégrale. Cette dualité peut cependant engendrer des situations complexes, notamment en matière d’obligations alimentaires où l’adoptant devient débiteur principal.

Le prononcé de l’adoption simple d’un majeur répond souvent à la volonté de consacrer juridiquement des liens affectifs tissés au fil du temps. La pratique judiciaire révèle que ces adoptions interviennent fréquemment dans des configurations familiales recomposées. Le tribunal de Nanterre, en faisant droit à cette demande, s’inscrit dans une jurisprudence constante favorable à la reconnaissance de ces liens dès lors que les conditions légales sont réunies et que l’intérêt de l’adopté est caractérisé.

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Hassan KOHEN
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