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Le jugement rectificatif rendu par le Tribunal judiciaire de Colmar le 20 juin 2025 offre l’occasion d’examiner le régime de la rectification des erreurs matérielles affectant les décisions de justice. Cette procédure, bien que technique, constitue un mécanisme essentiel au bon fonctionnement de l’institution judiciaire.
Un homme né en 1954 avait formé une requête en adoption simple d’un homme né en 1973. Le Tribunal judiciaire de Colmar avait fait droit à cette demande par jugement du 21 mai 2025. Toutefois, une erreur s’était glissée dans la rédaction de cette décision : le nom patronymique de l’adoptant avait été incorrectement orthographié dans l’intégralité du jugement.
Le requérant, représenté par deux avocats, a saisi le même tribunal d’une demande en rectification d’erreur matérielle. Le ministère public a été régulièrement avisé de la procédure. Le juge aux affaires familiales, statuant en formation collégiale avec deux autres magistrats, a rendu sa décision sans débats.
La question posée au tribunal était de déterminer si l’erreur affectant le nom de l’adoptant dans le jugement d’adoption constituait une erreur matérielle susceptible de rectification.
Le Tribunal judiciaire de Colmar déclare la requête recevable et bien fondée. Il ordonne la rectification du jugement du 21 mai 2025, prescrit l’annexion de la décision rectificative à la minute du jugement initial et laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Cette décision invite à examiner les conditions de mise en œuvre de la procédure de rectification (I) avant d’en apprécier les effets sur la décision rectifiée (II).
I. Les conditions de la rectification d’erreur matérielle
La rectification d’erreur matérielle obéit à des exigences tenant tant à la nature de l’erreur concernée (A) qu’aux modalités procédurales de la demande (B).
A. La caractérisation de l’erreur matérielle
L’article 462 du Code de procédure civile permet aux juridictions de rectifier les erreurs et omissions matérielles affectant leurs décisions, à condition que cette rectification n’implique aucune appréciation nouvelle. L’erreur matérielle se distingue ainsi de l’erreur de droit ou de l’omission de statuer, qui relèvent de voies de recours distinctes.
En l’espèce, l’erreur portait sur l’orthographe du nom patronymique de l’adoptant. Le tribunal avait mentionné un nom erroné « dans l’intégralité du jugement page 1 à 4 ». Cette erreur présentait les caractéristiques classiques de l’erreur matérielle : elle résultait d’une inadvertance de plume, était aisément décelable par comparaison avec les pièces du dossier et n’affectait pas le raisonnement juridique ayant conduit à prononcer l’adoption.
La jurisprudence admet de longue date que les erreurs affectant l’identité des parties constituent des erreurs matérielles rectifiables. Tel est le cas des erreurs sur les prénoms, les dates de naissance ou, comme ici, sur le nom de famille. Ces erreurs, pour évidentes qu’elles soient, peuvent néanmoins emporter des conséquences pratiques considérables lorsqu’elles affectent des jugements destinés à être transcrits sur les registres de l’état civil.
B. Les modalités procédurales de la demande
La procédure de rectification obéit à des règles particulières quant à la juridiction compétente et aux formes de la saisine. L’article 462 du Code de procédure civile prévoit que la rectification peut être demandée par simple requête à la juridiction qui a rendu la décision.
Le jugement commenté illustre cette règle : le requérant a saisi par requête le Tribunal judiciaire de Colmar, auteur du jugement d’adoption du 21 mai 2025. La composition de la formation ayant statué mérite attention. Le tribunal a siégé en formation collégiale de trois magistrats, alors que le jugement initial avait été rendu par le juge aux affaires familiales statuant comme juge rapporteur. Cette collégialité, bien que non imposée par les textes, renforce la solennité de la décision rectificative.
Le ministère public a été « régulièrement avisé » de la procédure. Cette communication s’imposait dès lors que l’adoption simple relève des matières dans lesquelles le parquet exerce son ministère par voie de réquisitions ou d’avis. Le tribunal a statué « sans débats », conformément à la possibilité offerte par l’article 462 alinéa 2 du Code de procédure civile lorsque la rectification est demandée par requête.
II. Les effets de la décision rectificative
La portée du jugement rectificatif s’apprécie tant au regard de son incidence sur la décision initiale (A) que de ses conséquences en matière de frais de procédure (B).
A. L’intégration à la décision rectifiée
La décision rectificative n’est pas autonome. Elle forme un tout indivisible avec le jugement qu’elle corrige. L’article 462 du Code de procédure civile prévoit d’ailleurs que « la décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement ».
Le tribunal a expressément ordonné que « copie du présent jugement sera annexée à la minute n° IIJ 25/800, et des expéditions du jugement du 21 mai 2025 ». Cette prescription assure la traçabilité de la correction et garantit que toute personne consultant le jugement d’adoption aura connaissance de la rectification opérée. L’annexion physique de la décision rectificative à la minute préserve l’intégrité du dossier juridictionnel.
La formule retenue par le tribunal est remarquable par sa précision. En indiquant « qu’il convient d’y lire » le nom correct « en lieu et place de » la mention erronée « dans l’intégralité du jugement page 1 à 4 », le juge identifie avec exactitude l’étendue de la correction. Cette rigueur rédactionnelle facilite le travail du greffe chargé d’établir les expéditions corrigées et prévient toute difficulté d’interprétation ultérieure.
Le jugement rectificatif produit ses effets rétroactivement. Le jugement d’adoption est réputé avoir été rendu ab initio avec la mention correcte du nom de l’adoptant. Cette rétroactivité présente une importance particulière en matière d’adoption, dès lors que le jugement est destiné à être transcrit sur les registres de l’état civil et à modifier durablement l’identité de l’adopté.
B. Le régime des dépens
Le tribunal a décidé de « laisser les dépens à la charge du Trésor ». Cette solution mérite approbation. L’erreur matérielle étant imputable au service public de la justice, il serait inéquitable d’en faire supporter le coût de correction par le justiciable qui n’en est pas responsable.
Cette mise à la charge du Trésor public des frais de rectification s’inscrit dans une logique de responsabilité du service public de la justice. Lorsque l’erreur provient d’une défaillance de l’institution judiciaire, les conséquences pécuniaires ne sauraient peser sur l’usager victime de cette défaillance. Le tribunal applique ainsi un principe général selon lequel nul ne doit être pénalisé par les fautes de l’administration.
La décision n’évoque pas les frais irrépétibles au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Le requérant, bien qu’assisté de deux avocats, n’a vraisemblablement pas sollicité d’indemnité à ce titre. Cette absence de demande peut s’expliquer par le caractère bénin de l’incident procédural et par le souci de ne pas alourdir une procédure rectificative par nature accessoire.