Tribunal judiciaire de Creteil, le 16 juin 2025, n°24/01289

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Rendue par le tribunal judiciaire de Créteil le 16 juin 2025, l’ordonnance de référé tranche une demande d’expertise in futurum fondée sur l’article 145 du code de procédure civile. Le litige naît d’infiltrations affectant les parties communes d’un immeuble en copropriété, situées sous la salle d’eau d’un lot privatif. Divers constats et interventions techniques depuis 2018 font état d’une possible défaillance d’étanchéité. Le syndicat a assigné en référé pour voir désigner un expert. La propriétaire a opposé que la fuite pourrait provenir d’une canalisation commune. L’assureur du lot a formé une intervention volontaire, proposant des précisions de mission et contestant toute prise en charge pour des sinistres antérieurs à la prise d’effet du contrat.

La juridiction retient l’intervention volontaire sur le fondement de l’article 325 du code de procédure civile. Elle précise ensuite le cadre de l’article 145. Elle énonce d’abord: « Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Elle ajoute: « Il est acquis que l’article 145 du code de procédure civile est un texte autonome auquel les conditions habituelles du référé ne sont pas applicables. Il n’est ainsi pas soumis à la condition d’urgence ou à la condition d’absence de contestation sérieuse. » La question posée tient donc à l’existence d’un motif légitime caractérisé, à l’utilité de la mesure, et à la délimitation de la mission, sans préjuger du fond.

Sur la base de constats successifs et d’une nouvelle fuite en 2024, le juge estime le motif légitime établi et ordonne l’expertise. La mission est précisée pour distinguer les sinistres et chiffrer les dommages de façon séparée. Le juge indique qu’il n’appartient pas à l’expert de trancher une responsabilité d’assureur, cette appréciation relevant du fond. La juridiction statue enfin sur les dépens et rappelle les effets de la mesure sur la prescription, avant de fixer une provision et d’organiser le contrôle des opérations d’expertise.

I. Le sens de la décision: critères et office du juge des référés

A. L’autonomie du recours in futurum et l’exigence du motif légitime
L’ordonnance confirme avec netteté la logique probatoire de l’article 145. Elle souligne que le texte « n’est ainsi pas soumis à la condition d’urgence ou à la condition d’absence de contestation sérieuse ». La mesure recherchée vise à conserver ou établir des preuves, non à préjuger du litige. Le juge rappelle les critères d’admission: « Ce texte suppose l’existence d’un motif légitime c’est à dire un fait crédible et plausible […] dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée […]. Elle doit être pertinente et utile. » Ce rappel, classique, encadre strictement la demande en exigeant un faisceau d’éléments concrets, distinct d’une hypothèse abstraite.

Au regard des pièces techniques successives, la juridiction constate des indices précis d’un défaut d’étanchéité persistant et d’un nouveau dégât d’eau récent. Elle en déduit l’utilité d’une expertise, apte à clarifier l’origine, l’étendue et la chronologie des désordres. Elle écarte, à ce stade, tout débat contradictoire complet sur l’imputabilité, réservé au fond. Elle précise encore la limite subjective de la mesure: « La faculté prévue à l’article 145 […] ne saurait […] être exercée à l’encontre d’un défendeur qui, manifestement […] ne serait pas susceptible d’être mis en cause dans une action principale. » Le principe de proportion et de cohérence procédurale est ainsi rappelé.

B. La neutralité probatoire et la délimitation de la mission d’expertise
Le juge des référés consacre la neutralité de la mesure d’instruction: « Enfin, l’application de cet article n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé. » L’expertise est ainsi cadrée pour renseigner la preuve, sans anticiper la solution au fond. La mission distingue les sinistres, précise les constatations techniques et le chiffrage, et ouvre la possibilité de recueillir l’avis d’un technicien d’une autre spécialité.

La juridiction refuse d’instrumentaliser la mission à des fins de trancher une question de garantie antérieure à la prise d’effet d’un contrat. Elle réserve, avec constance, le contentieux de responsabilité et de garantie à la formation du fond. Ce partage d’office garantit à la fois l’efficacité probatoire et la loyauté du procès futur. Il s’articule avec l’exigence d’utilité: lorsque les éléments de preuve sont suffisants, la mesure doit être refusée, rappelle la décision, afin de prévenir tout détournement dilatoire.

II. La valeur et la portée: dépens, temporalité et effets procéduraux

A. Le régime des dépens en référé et la charge provisoire
La juridiction statue sur les dépens au regard des textes régissant les référés. Elle affirme: « L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile précise que la juridiction des référés statue sur les dépens. » Elle ajoute: « Il n’y a donc pas lieu de réserver les dépens : en effet, la juridiction des référés est autonome et la présente ordonnance vide la saisine du juge. » La charge provisoire est mise sur le demandeur à la mesure, cohérente avec l’intérêt principal qu’il en retire pour préparer une éventuelle instance au fond.

Ce choix rejoint la fixation d’une provision sur frais d’expertise, et l’organisation des consignations et délais. Il s’inscrit dans une économie procédurale lisible, évitant une incertitude prolongée sur les coûts d’une mesure ordonnée dans l’intérêt probatoire du demandeur. La cohérence du dispositif renforce l’effectivité de l’instruction et la prévisibilité des charges.

B. Les effets sur la prescription et la sécurisation du calendrier probatoire
L’ordonnance rappelle les conséquences de la mesure sur le cours de la prescription. Elle cite: « La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ». Ce rappel structure la temporalité du contentieux et protège l’utilité pratique de l’instruction ordonnée.

La décision organise en détail les opérations d’expertise: convocation contradictoire, calendrier prévisionnel, document de synthèse, et information sur les frais et mises en cause. Ces modalités garantissent la contradiction et la transparence, tout en prévoyant, en cas d’urgence, l’exécution de travaux conservatoires sous contrôle expertal. L’ensemble confère à la mesure une portée opératoire, adaptée à un contentieux de désordres évolutifs, tout en maintenant la stricte neutralité probatoire exigée par l’article 145.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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