Tribunal judiciaire de Dijon, le 20 juin 2025, n°25/00071

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon a rendu, par ordonnance de référé du 20 juin 2025, une décision relative à l’acquisition d’une clause résolutoire pour impayés de loyers dans un bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989. Les preneurs occupaient depuis 2010 un logement familial, avec un loyer et des provisions contractuels, et une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit en cas de persistance des impayés après commandement. Un commandement de payer a été signifié le 18 novembre 2024. La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été saisie, et l’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le délai légal. Les défendeurs n’ont ni comparu ni été représentés à l’audience du 18 avril 2025, tandis que le bailleur a actualisé la dette locative au mois de mars 2025.

La procédure a été engagée en référé aux fins de constater la résiliation de plein droit, d’ordonner l’expulsion, de condamner les preneurs au paiement d’une provision correspondant à l’arriéré et d’allouer une indemnité d’occupation, outre les dépens et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La question de droit portait sur l’office du juge des référés saisi d’impayés locatifs en présence d’une clause résolutoire, au regard des formalités préalables prévues par l’article 24 de la loi de 1989 et du critère de l’obligation non sérieusement contestable. Le juge a déclaré la demande recevable, retenu l’acquisition de la clause résolutoire à l’issue du délai légal, ordonné l’expulsion, accordé une provision égale à la dette actualisée, fixé une indemnité d’occupation au montant du loyer et des charges et rappelé l’exécution provisoire de droit. Il énonce notamment que « Selon l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 […] toute clause […] ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux » et que « il pourra être procédé à leur expulsion avec le concours de la force publique et d’un serrurier, sans préjudice toutefois des dispositions de l’article L 412-1 du Code de procédures civiles d’exécution ». Il retient encore que « les conditions d’application de la clause résolutoire sont réunies à compter du 19 janvier 2025 » et rappelle que « la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire ».

I. Le contrôle préalable du juge des référés en matière locative

A. Les formalités de prévention des expulsions et la recevabilité

Le juge vérifie d’abord l’accomplissement des diligences protectrices imposées aux bailleurs personnes morales. L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 exige la saisine de la commission compétente et la notification de l’assignation au représentant de l’État au moins deux mois avant l’audience. La décision constate que ces conditions sont satisfaites. Elle relève en particulier que « En l’espèce, la requérante justifie avoir saisi la commission […] et avoir notifié l’assignation au représentant de l’État […] dans les délais impartis ». L’action est dès lors recevable, le débat pouvant se concentrer sur l’efficacité de la clause résolutoire et l’étendue des mesures sollicitées.

Cette vérification formaliste s’inscrit dans l’équilibre voulu par le législateur entre prévention des expulsions et protection du droit de propriété. Le respect de ces étapes conditionne l’office du juge des référés, qui ne peut prononcer de mesures qu’après s’être assuré de l’effectivité du parcours de prévention, spécialement lorsque les impayés persistent et ne sont pas discutés.

B. L’obligation non sérieusement contestable comme seuil d’intervention

Le cadre du référé impose la recherche d’une obligation non sérieusement contestable ou, à défaut, d’un trouble manifestement illicite justifiant des mesures de remise en état. La décision rappelle la lettre des articles 834 et 835 du code de procédure civile, selon laquelle « Dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». En l’absence de comparution des preneurs et de toute pièce de nature à remettre en cause la dette ou l’exigibilité, le juge retient le caractère certain de l’obligation de paiement.

Cette appréciation s’accorde avec la nature même de la clause résolutoire en matière locative, dont l’effet est subordonné à la délivrance d’un commandement resté infructueux pendant deux mois. Lorsque ces conditions factuelles sont établies et qu’aucune contestation sérieuse n’est articulée, l’intervention du juge des référés trouve sa pleine justification.

II. La mise en œuvre de la clause résolutoire et l’ordonnance des mesures

A. L’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion des lieux

Le cœur du litige tient à l’effet de la clause résolutoire au regard de l’article 24 de la loi de 1989. Le texte est expressément cité par le juge, qui rappelle que « toute clause […] ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ». Le commandement ayant été délivré le 18 novembre 2024 et demeuré sans effet, la décision retient que « les conditions d’application de la clause résolutoire sont réunies à compter du 19 janvier 2025 ». Les occupants se trouvent donc, depuis cette date, sans droit ni titre.

Dans cette logique, l’expulsion est ordonnée après un bref délai de départ volontaire, le juge précisant qu’« il pourra être procédé à leur expulsion avec le concours de la force publique et d’un serrurier, sans préjudice toutefois des dispositions de l’article L 412-1 du Code de procédures civiles d’exécution ». La réserve relative au régime du délai de grâce et, plus largement, à la trêve hivernale traduit l’articulation usuelle entre l’efficacité de la résiliation de plein droit et les protections d’ordre public attachées à l’occupation du logement principal.

B. La provision, l’indemnité d’occupation et l’exécution provisoire

L’arriéré locatif actualisé au mois de mars 2025 justifie l’octroi d’une provision égale au montant de la dette. Le référé se prête à cette condamnation, dès lors que l’obligation est tenue pour non contestable. L’occupation postérieure à la résiliation appelle, en outre, une indemnité d’occupation fixée au niveau du loyer et des charges qui auraient été dus, avec indexation, jusqu’à la libération effective. Le juge retient cette solution de manière classique afin d’indemniser la privation de jouissance du bailleur.

La décision rappelle enfin son caractère exécutoire de plein droit, conformément au droit commun du référé, en énonçant que « la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire ». Cette mention consolide l’effectivité des mesures ordonnées, sous réserve des délais légaux propres à l’exécution forcée. On relève toutefois une discordance interne sur la date retenue pour le point de départ de l’indemnité d’occupation, le dispositif faisant référence à une « date de résiliation du bail » antérieure au terme du délai légal consécutif au commandement. Une telle divergence s’apparente à une erreur matérielle appelant, le cas échéant, une rectification afin d’harmoniser le dispositif avec les motifs.

Au total, l’ordonnance articule de manière cohérente l’exigence probatoire attachée à la clause résolutoire et les pouvoirs du juge des référés. Les citations relatives au délai de deux mois et à l’exécution provisoire fondent une solution pragmatique, recentrée sur l’absence de contestation sérieuse et la protection des garanties procédurales préalables à l’expulsion.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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