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Par une ordonnance de référé en date du 20 juin 2025, le Tribunal judiciaire de Dijon a statué sur une demande de constat de résiliation de bail et d’expulsion formée par un bailleur social à l’encontre de son locataire défaillant.
Un établissement public à caractère industriel et commercial avait consenti, par acte sous seing privé du 7 octobre 2022, la location d’un appartement de type 3 situé à Chenôve moyennant un loyer mensuel de 447,53 euros charges comprises. Le locataire ayant accumulé des impayés, un commandement de payer visant la clause résolutoire lui a été délivré le 13 novembre 2024 pour une somme de 1 938,71 euros. Ce commandement a été notifié le lendemain à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives. Une assignation en référé a été délivrée le 30 janvier 2025 et notifiée au représentant de l’État dans le département le 31 janvier suivant.
À l’audience du 18 avril 2025, le bailleur a présenté un décompte actualisé faisant état d’une dette locative de 3 474,47 euros. Le locataire, comparant en personne, n’a pas contesté le montant de la créance mais a sollicité l’octroi de délais de paiement assortis d’un effet suspensif de la clause résolutoire, proposant de régler 60 euros mensuels en sus du loyer courant. L’enquête sociale a révélé que l’intéressé, ancien auto-entrepreneur dont le véhicule professionnel avait été confisqué à la suite d’une condamnation pénale, percevait le revenu de solidarité active pour un montant de 559,42 euros et que ses aides personnalisées au logement étaient suspendues.
Le juge des contentieux de la protection devait déterminer si les conditions d’application de la clause résolutoire étaient réunies et si le locataire pouvait bénéficier des délais de paiement prévus par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
Le magistrat a constaté l’acquisition de la clause résolutoire à compter du 14 janvier 2025, condamné le locataire au paiement de la dette locative et rejeté sa demande de délais au motif qu’il ne justifiait pas de sa « capacité à régler lesdits loyers et charges mensuels » ni de garanties suffisantes pour honorer un échéancier.
Cette décision illustre les conditions strictes d’octroi des délais de paiement dans le contentieux locatif (I) tout en révélant les limites de la protection du locataire en situation de grande précarité (II).
I. Le constat rigoureux de l’acquisition de la clause résolutoire
Le juge a procédé à une vérification minutieuse des conditions formelles de recevabilité (A) avant de constater la réunion des conditions de fond de la résiliation (B).
A. La conformité aux exigences procédurales de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989
L’ordonnance rappelle les conditions de recevabilité imposées par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifiée. Le bailleur personne morale doit saisir la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives au moins deux mois avant de délivrer l’assignation. L’assignation doit également être notifiée au représentant de l’État dans le département au moins deux mois avant l’audience.
Le juge a constaté que « la requérante justifie avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives et avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département dans les délais impartis ». Cette vérification systématique s’inscrit dans la logique préventive voulue par le législateur depuis la loi ALUR du 24 mars 2014. La saisine de la CCAPEX permet d’alerter les services sociaux et de tenter une médiation avant que le contentieux ne s’engage véritablement.
Le respect scrupuleux de ces formalités conditionne la recevabilité de l’action du bailleur. À défaut, le juge doit déclarer la demande irrecevable, ce qui constitue une protection procédurale importante pour le locataire.
B. La réunion des conditions substantielles de la résiliation
Le magistrat a ensuite examiné les conditions de fond tenant à l’existence d’une clause résolutoire, à la délivrance d’un commandement de payer et à l’absence de régularisation dans le délai légal.
La décision relève que « le bail signé entre les parties contient une clause résolutoire qui prévoit qu’en cas de non-paiement des loyers ou charges échus, celui-ci pourra être résilié de plein droit à l’initiative du bailleur deux mois après un commandement de payer resté sans effet ». Le commandement délivré le 13 novembre 2024 pour un montant de 1 938,71 euros est demeuré infructueux à l’expiration du délai de deux mois.
Le juge constate que « le locataire ne justifie pas avoir régularisé les causes du commandement dans le délai de deux mois » et en déduit que « les conditions d’application de la clause résolutoire sont réunies à compter du 14 janvier 2025 ». Cette date correspond précisément à l’expiration du délai de deux mois suivant la délivrance du commandement, conformément aux exigences textuelles.
La rigueur de ce raisonnement traduit le caractère automatique de l’acquisition de la clause résolutoire. Une fois les conditions réunies, le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation sur ce point et doit constater la résiliation intervenue de plein droit.
II. Le rejet de la demande de délais révélateur des limites de la protection du locataire précaire
L’appréciation restrictive des conditions d’octroi des délais (A) soulève la question de l’articulation entre la rigueur du droit locatif et la protection des personnes vulnérables (B).
A. Une interprétation stricte des critères légaux d’octroi des délais
L’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 permet au juge d’accorder des délais de paiement dans la limite de trois années au « locataire en situation de régler sa dette locative ». Pendant ces délais, les effets de la clause résolutoire sont suspendus. Si le locataire s’acquitte de sa dette selon les modalités fixées, la clause est réputée ne pas avoir joué.
Le juge a estimé que le locataire « ne répond pas aux critères fixés par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, à savoir la reprise du paiement des loyers et charges et sa capacité à régler lesdits loyers et charges mensuels ». Cette formulation appelle plusieurs observations.
Le texte légal évoque le locataire « en situation de régler sa dette locative », ce qui implique une appréciation de sa capacité financière. En l’espèce, le locataire percevait uniquement le RSA pour 559,42 euros mensuels alors que le loyer s’élevait à 447,53 euros. Le solde disponible de 111,89 euros rendait manifestement impossible le paiement du loyer courant augmenté d’une mensualité de remboursement, fût-elle limitée à 60 euros comme proposé.
Le magistrat a également relevé « l’absence de justificatif sur la situation de Monsieur [D] et l’absence de garantie d’honorer un échéancier ». Cette motivation souligne l’importance de la charge probatoire pesant sur le locataire sollicitant des délais.
B. La question de la conciliation entre efficacité du recouvrement et protection sociale
Cette décision met en lumière la tension inhérente au droit du logement entre la protection du créancier bailleur et celle du locataire en difficulté. Le mécanisme des délais de paiement avec effet suspensif constitue un équilibre législatif destiné à éviter les expulsions lorsque le locataire présente des perspectives de redressement.
La situation du locataire illustre cependant les limites de ce dispositif. Condamné pénalement pour vente de produits contrefaits et privé de son outil de travail, l’intéressé se trouvait dans l’incapacité structurelle de faire face à ses obligations locatives. L’enquête sociale mentionnait la suspension des aides au logement et l’impossibilité de régler le loyer du mois précédent en raison du paiement d’honoraires d’avocat.
Le juge a toutefois tenu compte de cette précarité dans l’application de l’article 700 du code de procédure civile. L’ordonnance précise que « compte tenu de la situation économique de Monsieur [D] il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ». Cette décision d’équité tempère partiellement la rigueur des condamnations prononcées.
La portée de cette ordonnance demeure limitée à l’espèce. Elle confirme néanmoins que les délais de paiement de l’article 24 ne constituent pas un droit automatique mais supposent la démonstration d’une capacité réelle de remboursement. Le locataire dépourvu de ressources suffisantes ne peut prétendre au bénéfice de ce mécanisme protecteur, ce qui l’expose à une expulsion dont les conséquences sociales relèveront d’autres dispositifs que le droit du bail.