Tribunal judiciaire de Dijon, le 20 juin 2025, n°25/00087

La clause résolutoire constitue, en matière de baux d’habitation, un mécanisme essentiel du droit locatif français. Elle permet au bailleur de mettre fin au contrat en cas de manquement du locataire à ses obligations, sous réserve du respect d’un formalisme strict. L’ordonnance de référé rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon le 20 juin 2025 illustre l’application rigoureuse de ce dispositif dans le contentieux des impayés de loyers.

En l’espèce, un bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 a été conclu le 1er juin 2021 pour un logement situé à Beaune, moyennant un loyer mensuel de 330 euros charges comprises. Face à l’accumulation d’une dette locative, la bailleresse a fait délivrer un commandement de payer le 14 novembre 2024 visant une somme de 649 euros. Une copie a été transmise à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives le lendemain. Le locataire n’ayant pas régularisé sa situation dans le délai de deux mois, la bailleresse l’a assigné en référé par acte du 3 février 2025 aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire et d’expulsion.

Devant le juge des contentieux de la protection, la bailleresse sollicitait le constat de la résiliation du bail, l’expulsion du locataire et sa condamnation au paiement de la somme de 1 269 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 21 janvier 2025, outre une indemnité d’occupation mensuelle de 330 euros et des frais irrépétibles. Le locataire, régulièrement assigné par acte remis à l’étude, n’a comparu ni en personne ni par représentant.

La question posée au juge des référés était de déterminer si les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire prévue au contrat de bail étaient réunies et si, en conséquence, le locataire défaillant devait être condamné à libérer les lieux et à régler sa dette locative.

Le juge des contentieux de la protection a constaté l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 15 janvier 2025, condamné le locataire au paiement de la dette locative à titre provisionnel, fixé une indemnité d’occupation et ordonné son expulsion à défaut de libération volontaire dans un délai de huit jours.

Cette décision met en lumière le formalisme procédural auquel est soumise l’action en résiliation du bail d’habitation (I), avant d’illustrer les conséquences attachées au constat de l’acquisition de la clause résolutoire (II).

I. Le respect du formalisme procédural comme condition de recevabilité de l’action

Le juge des contentieux de la protection vérifie en premier lieu le respect des conditions préalables à la saisine (A), avant de s’assurer de la régularité du commandement de payer (B).

A. Les conditions préalables de saisine de la juridiction

L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par les lois successives de protection des locataires, impose un formalisme rigoureux dont le non-respect est sanctionné par l’irrecevabilité de la demande. Le texte prévoit que « l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence d’un huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au moins deux mois avant l’audience ».

En l’espèce, le juge relève que « la requérante justifie avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives et avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département dans les délais impartis ». Cette double formalité constitue un préalable obligatoire dont la fonction est d’assurer une prise en charge sociale du locataire défaillant avant toute mesure d’expulsion. La transmission de l’assignation au préfet permet le déclenchement des dispositifs de prévention des expulsions et l’accompagnement du locataire vers le relogement.

L’ordonnance rappelle également que la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives doit être effectuée préalablement à la délivrance de l’assignation pour les bailleurs personnes morales. Cette obligation ne s’applique pas aux bailleurs personnes physiques comme en l’espèce, mais la transmission d’une copie du commandement à cette commission demeure requise. Le législateur a ainsi instauré un système d’alerte destiné à permettre l’intervention des services sociaux en amont du contentieux judiciaire.

B. La régularité du commandement de payer

L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que la clause résolutoire « ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ». Ce commandement constitue l’acte déclencheur du délai au terme duquel la résiliation pourra être constatée.

Le juge vérifie en l’espèce que « la clause résolutoire prévue aux contrats est reproduite dans le commandement de payer délivré le 14 novembre 2024 ». Cette reproduction est une mention substantielle dont l’absence priverait l’acte de son effet. Le commandement doit en effet rappeler au locataire les conséquences de son défaut de paiement et lui permettre de régulariser sa situation dans le délai légal.

L’ordonnance constate que le commandement « est demeuré infructueux pendant plus de deux mois », le locataire n’ayant procédé à aucun règlement. Le juge en déduit qu’il y a lieu de « constater l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 15 janvier 2025 ». Cette date correspond précisément à l’expiration du délai de deux mois suivant la délivrance du commandement. Le mécanisme de la clause résolutoire opère ainsi de plein droit, le juge n’ayant qu’un pouvoir de constatation et non d’appréciation de l’opportunité de la résiliation.

II. Les effets du constat de l’acquisition de la clause résolutoire

La résiliation du bail emporte des conséquences sur le statut d’occupation du locataire (A) et sur l’étendue de ses obligations pécuniaires (B).

A. La transformation du locataire en occupant sans droit ni titre

Le constat de l’acquisition de la clause résolutoire entraîne la cessation du titre locatif. Comme le relève l’ordonnance, « l’acquisition de la clause résolutoire étant acquise à compter du 15 janvier, Monsieur [J] [R] est devenu occupant sans droit ni titre depuis cette date ». Cette qualification juridique modifie profondément la situation de l’intéressé qui ne peut plus se prévaloir des protections attachées au statut de locataire.

Le juge ordonne en conséquence « à Monsieur [J] [R] de libérer les lieux et de restituer les clefs dans le délai de huit jours à compter de la présente ordonnance ». Ce délai particulièrement bref s’explique par le caractère réputé contradictoire de la décision, le défendeur n’ayant pas comparu pour solliciter des délais. L’ordonnance précise qu’à défaut de libération volontaire, la bailleresse pourra faire procéder à l’expulsion « au besoin avec le concours d’un serrurier et de la force publique ».

La procédure d’expulsion devra néanmoins respecter les prescriptions de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, notamment la délivrance préalable d’un commandement de quitter les lieux. L’ordonnance mentionne expressément cette formalité en indiquant que l’expulsion ne pourra intervenir qu’après signification de ce commandement. La transmission de la décision au préfet de la Côte-d’Or vise à permettre l’exercice du contrôle administratif sur les conditions de l’expulsion.

B. Les condamnations pécuniaires provisionnelles

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, ne peut accorder que des provisions lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable. En l’espèce, « absent à l’audience, Monsieur [J] [R] n’apporte aucun élément pouvant contester le montant et le principe de la dette ». Le défaut de comparution du locataire prive ainsi le juge de tout élément de nature à caractériser une contestation sérieuse.

La condamnation au paiement de la somme de 1 269 euros est prononcée « à titre provisionnel », ce qui permet au locataire de contester ultérieurement cette créance devant le juge du fond. Cette somme porte intérêts au taux légal « à compter de la date du commandement de payer », conformément à l’article 1231-6 du code civil qui dispose que les dommages et intérêts dus pour retard dans le paiement d’une obligation pécuniaire courent à compter de la mise en demeure.

L’indemnité d’occupation mensuelle est fixée au montant des loyers et charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation, soit 330 euros avec indexation. Cette solution classique en jurisprudence vise à éviter que le locataire défaillant ne tire avantage de sa propre faute en acquittant une somme inférieure à celle dont il était redevable avant la résiliation. L’indemnité d’occupation constitue la contrepartie de l’occupation des lieux et court jusqu’à la libération effective, permettant à la bailleresse d’être indemnisée pendant toute la durée du maintien dans les lieux.

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Hassan KOHEN
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