Tribunal judiciaire de Du Havre, le 16 juin 2025, n°24/00709

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Rendu par le juge des contentieux de la protection du Havre le 16 juin 2025, ce jugement tranche un litige né d’un contrat de regroupement de crédits souscrit en 2021. Les emprunteurs ont cessé d’honorer les échéances, puis ont reçu une mise en demeure en février 2024 et une notification de déchéance du terme en avril 2024. Le prêteur sollicite le paiement du solde avec intérêts conventionnels, à titre principal, et la résolution judiciaire à titre subsidiaire.

La procédure montre une défense défaillante, le juge ayant néanmoins soulevé d’office divers moyens tirés du droit de la consommation. Il s’interroge d’abord sur la forclusion, puis sur la régularité formelle de l’offre et des informations précontractuelles. Le point nodal concerne la preuve de la remise d’un bordereau détachable de rétractation conforme. Le débat oppose, en somme, le pouvoir du juge en matière de protection du consommateur et la charge probatoire pesant sur le prêteur.

La question de droit est double et hiérarchisée. D’une part, l’action en paiement est-elle recevable au regard du délai biennal de l’article R. 312-35 du code de la consommation. D’autre part, le prêteur rapporte-t-il la preuve de la remise d’un bordereau détachable conforme, conditionnant l’absence de sanction. La juridiction répond positivement sur la recevabilité, et prononce la déchéance intégrale des intérêts conventionnels pour irrégularité du bordereau. Elle condamne les emprunteurs au seul capital restant dû, sans intérêts, en écartant les accessoires.

I. Le contrôle de la régularité du crédit et la charge probatoire

A. La recevabilité de l’action au regard du délai biennal

Le juge vérifie d’abord le point de départ et l’interruption potentielle de la forclusion biennale. Il rappelle que « Aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement […] doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ». La décision précise les événements déclencheurs, dont le premier incident non régularisé et la résiliation. Après examen des pièces, elle retient que « L’historique du compte permet au tribunal d’écarter la forclusion de l’action en paiement ». La demande est dès lors recevable, ce qui recentre utilement le litige sur la validité de l’opération de crédit.

Cette première étape situe la discussion sur un terrain probatoire exigeant. La recevabilité n’épuise pas le débat, elle en révèle la clé de voûte: la conformité du contrat et la preuve de la délivrance des informations légalement requises, spécialement quant au droit de rétractation.

B. Le relevé d’office et l’exigence probatoire renforcée du prêteur

Le juge rappelle l’étendue de ses pouvoirs en matière de consommation. Il énonce que « L’article R. 632-1 du code de la consommation permet au juge relever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ». Cette vigilance d’office, inspirée par l’ordre public économique, commande une vérification intégrale des pièces. Elle emporte, en pratique, la charge probatoire des conformités essentielles à la charge du prêteur.

La motivation est nette: « il appartient au préteur qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération ». Le raisonnement se conforme à une jurisprudence constante qui refuse de fonder la régularité sur de simples mentions préimprimées. La suite du jugement décline cette exigence autour du bordereau détachable de rétractation, pierre angulaire de la protection du consommateur.

II. La portée de la déchéance du droit aux intérêts

A. L’irrégularité du bordereau détachable et la sanction intégrale

La juridiction rappelle le cadre normatif du droit de rétractation. Elle affirme que « L’article L. 312-21 du code de la consommation impose au prêteur de joindre un formulaire détachable à l’exemplaire du contrat de crédit de l’emprunteur ». Elle ajoute que « L’article R. 312-9 […] dispose que le formulaire détachable de rétractation […] est établi conformément au modèle type ». La sanction est expressément visée: « La déchéance du droit aux intérêts conventionnels est encourue en cas de défaut ou d’irrégularité du bordereau de rétractation en application de l’article L. 341-4 ».

Le cœur probatoire se condense autour de l’article 1353 du code civil: « il appartient au prêteur de justifier de ce qu’il a satisfait à ses obligations par la remise d’un exemplaire du contrat de crédit doté d’un bordereau de rétractation ». La motivation écarte la clause-type de réception comme preuve exclusive, en relevant que « Nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, ce document ne constitue pas un élément corroborant la preuve de la remise ». La conclusion s’impose: « Le prêteur encourt donc la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels à compter de la date de la conclusion du contrat pour ce motif ». La solution, ferme et mesurée, s’aligne sur un standard prétorien désormais solidement établi.

B. Les conséquences financières: capital seul, accessoires écartés, absence d’intérêts

La décision déploie ensuite, avec précision, les effets chiffrés de la sanction. Elle se fonde sur l’économie des articles L. 341-8 et L. 312-39 du code de la consommation. D’abord, la règle directrice: « Conformément à l’article L. 341-8 […], en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû […], les sommes perçues au titre des intérêts étant restituées ou imputées ». Ensuite, le périmètre de l’exclusion: « Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous les accessoires notamment les primes d’assurances ». Le juge écarte logiquement l’indemnité de résiliation, en énonçant que « Cette limitation légale […] exclut […] le paiement de l’indemnité prévue par l’article L. 312-39 […], sauf à priver la sanction […] de tout effet ».

La finalité dissuasive commande enfin de neutraliser toute capitalisation. La juridiction précise que, « afin d’assurer l’effectivité de la sanction et de préserver son caractère dissuasif, il convient de prévoir que cette condamnation ne portera pas intérêts ». La condamnation se limite ainsi au capital résiduel, sous déduction des versements déjà opérés, ce qui consacre une application stricte et cohérente du régime protecteur du consommateur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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