Tribunal judiciaire de Du Havre, le 16 juin 2025, n°24/00895

Par un jugement du 16 juin 2025, le Tribunal judiciaire du Havre, juge des contentieux de la protection, tranche un litige locatif. La décision porte sur l’indécence alléguée d’un logement face à des pannes répétées de chauffage collectif et d’eau chaude.

Le locataire, occupant un appartement en chauffage central, invoquait des insuffisances de température et des coupures d’eau chaude entre 2020 et 2024. Il sollicitait l’indemnisation de son trouble de jouissance, la réparation d’un préjudice moral, et le remboursement de charges de chauffage. Le bailleur contestait l’indécence, arguait de l’absence de seuil légal de température dans l’espèce, et critiquait les attestations et constats produits.

L’instance a été introduite par assignation du 27 juin 2024; l’affaire, rappelée à plusieurs audiences, a été plaidée le 10 mars 2025. Le jugement contradictoire est rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe.

La question de droit réside dans la qualification de non-décence et du manquement d’entretien, au regard de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret de 2002. Restait aussi en débat la méthode de preuve et l’évaluation du préjudice de jouissance, moral et matériel.

Le juge constate d’abord que « En l’espèce il n’est pas sérieusement soutenable que l’habitation donnée à bail […] n’aurait pas été sujette à des dysfonctionnements quant au chauffage et à la production d’eau chaude ». Il retient les aveux écrits du bailleur évoquant « un chauffage collectif défaillant » puis « de grosse fuites ont été détectées sur le réseau entraînant des coupures générales de chauffage et d’eau chaude ». Sur cette base, il déclare le manquement établi et alloue des indemnités par périodes, accorde un préjudice moral, et rejette le remboursement global des charges.

I. La caractérisation du manquement de décence et d’entretien

A. Le cadre légal mobilisé et sa finalité probatoire
L’office du juge s’ancre dans l’article 6 de la loi de 1989 et le décret n° 2002‑120, précisant les caractéristiques de la décence du logement loué. La décision rappelle notamment qu’est décent un logement « dont les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ».

Le juge réaffirme ensuite l’article 9 du code de procédure civile sur la charge de la preuve, adaptée à la matière locative et aux documents produits. La preuve ne repose pas sur un seuil chiffré de température, mais sur l’altération avérée du service d’habiter par des défaillances d’équipements essentiels.

B. La force probante des aveux et des éléments concordants
La motivation s’appuie sur des aveux circonstanciés du bailleur, consignés dans plusieurs courriers adressés au locataire. Sont ainsi relevés « un chauffage collectif défaillant » et l’aveu que « de grosse fuites ont été détectées sur le réseau entraînant des coupures générales de chauffage et d’eau chaude ».

Le juge en déduit que « Ces différentes correspondances du bailleur, suffisent, sans même qu’il soit besoin d’examiner les attestations, coupures de presse et PV d’huissier pour établir l’existence dans son principe d’un manquement ». Cette approche écarte les débats accessoires sur la méthode de mesure, et valorise l’autorité probatoire d’écrits reconnus, dans un contentieux d’exécution contractuelle.

II. L’évaluation du préjudice et son ordonnancement

A. La réparation du trouble de jouissance par périodes
La réparation est calibrée par périodes, selon l’intensité des troubles et la solidité des preuves, avec un contrôle serré des pièces étayantes. Le juge souligne pour l’hiver 2020‑2021 qu’« Il apparait que le chauffage a dysfonctionné pendant une période relativement longue durant l’hiver 2020/2021 » et indemnise substantiellement.

À l’inverse, lorsque les éléments sont lacunaires, l’indemnité est réduite, ainsi qu’en attestent « Il conviendra de lui allouer pour cette période la somme de 100 euros » et « son préjudice pour cette période sera limité à la somme de 200 euros ». Le juge adopte une logique d’appréciation concrète, non tarifée, sensible à la durée effective des coupures et au caractère continu des désagréments.

Les pannes d’eau chaude, admises par le bailleur, donnent lieu à une indemnité complémentaire strictement plafonnée, « dans la limite de 50 euros ».

B. Le rejet du remboursement des charges et les accessoires
La demande de remboursement global des charges de chauffage est écartée, car cumulative et redondante avec l’indemnisation par périodes. Le jugement retient que « Elle sera en conséquence débouté de ce chef de demande », relevant l’absence de privation totale et continue sur l’ensemble de la période.

Le préjudice moral est admis en lien avec la dégradation prolongée des conditions d’habitation; « Il convient en conséquence de fixer le montant de son préjudice moral à la somme de 1 000 euros ». S’agissant des frais irrépétibles, le juge énonce qu’« Il serait inéquitable de laisser à la charge […] les frais irrépétibles exposés et non compris dans le dépens » et accorde une somme modérée. La décision rappelle enfin que « l’exécution provisoire est de droit », ce qui assure l’effectivité rapide des compensations retenues.

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