Tribunal judiciaire de Du Havre, le 16 juin 2025, n°25/00112

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Par un jugement du 16 juin 2025 rendu par le juge des contentieux de la protection du Havre, un litige locatif a conduit le juge à constater l’acquisition d’une clause résolutoire insérée dans un bail d’habitation conclu en 2019. La bailleresse avait délivré un commandement de payer le 15 décembre 2023 visant un arriéré substantiel, demeuré sans apurement dans le délai légal. Assigné le 22 janvier 2025, le locataire a soutenu avoir repris le paiement du loyer courant depuis novembre 2024 et a invoqué la recevabilité d’une procédure de surendettement intervenue le 25 février 2025.

La procédure a mis en présence une demande de constat de la résiliation de plein droit, d’expulsion, d’indemnité d’occupation et de condamnation au paiement de l’arriéré, face à une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause. Le juge a d’abord vérifié la recevabilité de l’action au regard de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, la notification au représentant de l’État et la saisine de la caisse d’allocations familiales ayant été établies. Le cœur du litige portait ensuite sur l’application dans le temps de la réforme du 27 juillet 2023 réduisant à six semaines le délai du commandement, ainsi que sur les conditions d’octroi et de suspension des délais judiciaires.

La question de droit tenait, en premier lieu, à la portée temporelle de la loi nouvelle sur un bail antérieur et, en second lieu, aux conditions cumulatives de la suspension des effets de la clause résolutoire, spécialement la reprise du paiement intégral du loyer courant et la capacité d’apurement. Le juge a retenu la non-rétroactivité de la réforme, a constaté l’acquisition de la clause au 16 février 2024, a refusé la suspension au titre de l’article 24, tout en rappelant la possibilité de délais sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil, sans effet suspensif. Il a fixé l’indemnité d’occupation au montant du loyer et condamné au paiement de l’arriéré actualisé.

I. Le sens de la décision

A. Le délai du commandement et la non-rétroactivité de la loi du 27 juillet 2023

Le juge énonce que la loi de 2023 « ne comprend aucune disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif ». Il en déduit logiquement qu’« il n’y a pas lieu de faire application aux contrats conclus antérieurement au 29 juillet 2023 de l’article 10 de cette loi, en ce qu’il fixe à six semaines – et non plus deux mois – le délai minimal ». Cette articulation entre loi nouvelle et contrats antérieurs préserve la sécurité juridique et la force obligatoire des stipulations.

La motivation rattache l’analyse à la teneur du commandement délivré le 15 décembre 2023. Les juges vérifient d’abord la reproduction des dispositions légales et de la clause, puis constatent que « la somme de 4 127,73 euros n’a pas été réglée […] dans le délai de deux mois » et qu’« aucun plan d’apurement n’a été conclu ». L’acquisition de la clause au 16 février 2024 s’impose, dès lors que les conditions prévues par le contrat, tel qu’encadré par la loi applicable au jour de sa conclusion, sont réunies.

B. La suspension de la clause résolutoire et l’office du juge au regard des articles 24 et 1343-5

Le jugement rappelle avec précision les conditions de la suspension spécifique de l’article 24. « Le juge peut, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais […] ». De même, « les effets de la clause […] peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés », suspension qui « prend fin dès le premier impayé » ou en cas de non-respect du plan.

L’espèce ne satisfait pas ces exigences cumulatives. Le juge relève que « les revenus du foyer […] ne lui permettent pas d’assumer régulièrement le paiement du loyer actuel ni, à plus forte raison, d’envisager un plan d’apurement ». Il constate encore que le locataire « n’a pas repris le paiement intégral du […] loyer avant l’audience ». Faute de ces conditions, « ces délais […] fondés sur les dispositions de l’article 1343-5 […] ne pourront donc pas excéder deux ans ni avoir pour effet de suspendre la résiliation ». La distinction des deux régimes est nettement tracée, l’un emportant suspension sous conditions strictes, l’autre demeurant un échelonnement sans effet suspensif.

II. La valeur et la portée

A. Une solution conforme au droit transitoire et à la logique du texte spécial

La motivation consacre la prééminence de l’article 2 du code civil en l’absence de clause transitoire. La référence expresse à ce principe, puis le refus d’étendre la réduction à six semaines aux baux antérieurs, marquent une fidélité au droit commun transitoire. La solution évite une application rétroactive de la sanction automatique que constitue la résolution de plein droit, dont le régime touche à la stabilité contractuelle.

Le rappel méthodique des conditions propres à l’article 24 témoigne d’une interprétation stricte du mécanisme de suspension. L’exigence cumulative de la reprise du loyer courant et de la solvabilité immédiate protège l’économie du bail, selon la lettre du texte, qui précise que « ces délais et les modalités de paiement […] ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location ». Le juge maintient, ce faisant, l’exigence de sérieux du plan et la finalité curative du dispositif.

B. Des enseignements pratiques sur la preuve, l’indemnité d’occupation et l’articulation avec le surendettement

Au titre de la dette, la charge probatoire est correctement rappelée par l’article 1353 du code civil, avant que le décompte soit retenu. L’allocation d’une indemnité d’occupation, « fixée au montant du loyer et des charges en cours », procède du maintien dans les lieux après résiliation et se substitue au loyer « à partir du 16 février 2024 », jusqu’à remise des clés. La mesure demeure cohérente avec la nature indemnitaire de l’occupation sans titre.

L’articulation avec le surendettement est envisagée avec mesure. Le juge rappelle l’impossibilité de suspendre la clause en l’absence de reprise intégrale du loyer courant et de capacité d’apurement, tout en mentionnant que des délais pourraient « être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement ». L’exécution provisoire n’est pas écartée, eu égard au montant et à l’ancienneté de la dette, ce qui renforce l’effectivité de la solution retenue et circonscrit les aléas procéduraux.

L’ensemble dessine une grille de lecture claire pour les baux conclus avant la réforme de 2023. La non-rétroactivité commande le maintien du délai de deux mois, tandis que la suspension de la clause résolutoire reste réservée aux hypothèses de reprise intégrale et de solvabilité avérée. Cette cohérence d’ensemble éclaire la pratique et ordonne les stratégies contentieuses à venir.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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