Tribunal judiciaire de Du Mans, le 13 juin 2025, n°25/00743

Rendue par le Tribunal judiciaire du Mans le 13 juin 2025, l’ordonnance contrôle la réadmission en hospitalisation complète d’une personne suivie en soins sans consentement. Le représentant de l’État avait décidé la réhospitalisation à compter du 4 juin 2025, en raison d’un non-respect du programme de soins et d’une rupture thérapeutique, l’intéressé n’ayant pas réintégré l’établissement pour l’audience.

La saisine du juge est intervenue après l’avis du ministère public, dans le cadre des délais légaux. L’ordonnance relève que « Les délais fixés à l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique […] ont ensuite été respectés ». À l’audience, la personne n’a pu être entendue, son conseil s’en rapportant à justice. Les pièces médicales mentionnent une maladie psychotique sévère et un risque élevé de rechute en cas de poursuite des soins ambulatoires.

La question tranchée porte d’abord sur la nécessité d’établir des faits nouveaux compromettant l’ordre public pour convertir une prise en charge ambulatoire en hospitalisation complète sous décision du représentant de l’État. Elle concerne ensuite l’intensité du contrôle du juge sur l’appréciation médicale au regard de la proportionnalité et de l’adaptation de la mesure.

L’ordonnance retient, par une lecture combinée des articles L. 3213-1, L. 3211-2-1 et L. 3211-11 du code de la santé publique, que « les modalités de sa prise en charge peuvent ensuite être modifiées […] sans qu’il soit alors nécessaire de constater que celui-ci a commis de nouveaux actes de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter atteinte à l’ordre public ». Elle ajoute que le juge, statuant sur le maintien, « ne peut substituer son avis à l’évaluation, par les médecins, des troubles psychiques du patient ». Appliquant ces principes, elle constate que « Son hospitalisation complète est donc justifiée tout en apparaissant adaptée, nécessaire et proportionnée à son état ».

I. Les critères juridiques de la modification de la prise en charge

A. La combinaison des textes et la levée de l’exigence d’actes nouveaux
La motivation s’appuie sur l’articulation de l’article L. 3213-1, qui fonde l’admission initiale sur une atteinte à la sécurité des personnes ou à l’ordre public, avec l’article L. 3211-11, qui autorise la modulation des modalités de soins. L’article L. 3211-2-1 rappelle, en miroir, l’exigence de soins adaptés au trouble, et non la reproduction des circonstances initiales. L’extrait décisif précise que « les modalités […] peuvent ensuite être modifiées […] sans qu’il soit alors nécessaire » d’établir de nouveaux actes, marquant une distinction nette entre conditions d’ouverture de la mesure et conditions de sa modulation.

Cette lecture dissocie la finalité de protection de l’ordre public, requise à l’origine, de la logique thérapeutique qui guide l’évolution de la prise en charge. Elle consacre un critère fonctionnel centré sur l’efficacité des soins et la prévention de la rechute. Le texte cité renforce ainsi l’idée d’un continuum de soins, où l’hospitalisation complète peut redevenir nécessaire lorsque l’ambulatoire échoue, sans requalification préalable par des faits externes.

B. L’application au non-respect du programme de soins et à la rupture thérapeutique
Le juge relève que la réhospitalisation « a été motivée par le non-respect de son programme de soins », aggravé par une rupture d’un traitement antipsychotique. L’avis motivé du psychiatre souligne un risque élevé de rechute au regard des antécédents et de la gravité du trouble. La motivation médicale, circonstanciée, rattache la conversion à des éléments cliniques actuels, suffisants au regard de l’article L. 3211-11.

La solution refuse d’exiger des manifestations extérieures de dangerosité pour rehausser l’intensité des soins. Elle traduit une approche de prévention primaire, fondée sur l’échec avéré du cadre ambulatoire. Le critère décisif reste l’adéquation thérapeutique, appréciée ex ante pour éviter la rechute, ce qui répond aux objectifs de soins et de sécurité sanitaire.

II. L’intensité du contrôle juridictionnel et l’exigence de proportionnalité

A. L’office du juge et la non-substitution à l’expertise médicale
L’ordonnance affirme que le juge « doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux », mais « ne peut substituer son avis » à l’évaluation clinique. Ce rappel encadre l’office autour d’un contrôle de légalité, de cohérence et de proportionnalité, sans empiéter sur le diagnostic ou la détermination des modalités concrètes de soins.

Cette position renforce la centralité des certificats, qui doivent être précis, actuels et motivés. Elle confère au juge un rôle de garant des formes, des délais et de la proportionnalité, sans expertise concurrente. L’équilibre vise à préserver la liberté individuelle tout en reconnaissant la technicité des décisions thérapeutiques, dès lors qu’elles reposent sur des pièces suffisantes.

B. La proportionnalité de l’hospitalisation complète et les garanties procédurales
Le juge conclut que l’hospitalisation « apparaît adaptée, nécessaire et proportionnée à son état ». Cette triple exigence guide l’appréciation de la mesure la plus intrusive. L’adaptation découle de l’échec de l’ambulatoire, la nécessité de la gravité du trouble et du risque de rechute, la proportionnalité d’une balance raisonnable entre l’atteinte à la liberté et l’objectif de soins.

Les garanties procédurales demeurent déterminantes pour légitimer cette ingérence. L’ordonnance constate le respect des délais légaux et la production d’avis motivés. L’audition n’a pu se tenir, mais la représentation par avocat a permis un contradictoire minimal. La solution assure ainsi une conciliation exigeante entre la protection de la personne, la sécurité sanitaire et les droits fondamentaux, à la condition que les certificats restent suffisamment circonstanciés et actualisés.

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Hassan KOHEN
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