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Rendu par le Tribunal judiciaire du Mans le 17 juin 2025, ce jugement statue sur l’action en paiement d’un établissement de crédit contre un emprunteur professionnel agricole, après déchéance du terme. L’affaire naît de quatre financements consentis en 2021, suivis d’impayés, d’une mise en demeure, puis de la déchéance du terme. Le prêteur réclame les sommes dues, les intérêts au taux contractuel, ainsi qu’une indemnité forfaitaire de recouvrement prévue par les conditions générales. L’emprunteur sollicite la réduction de ces indemnités sur le fondement de l’article 1231-5, des délais de grâce sur le fondement de l’article 1343-5, et des dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde. La juridiction précise d’abord le cadre de la déchéance du terme, puis contrôle les accessoires des créances. Elle tranche ensuite les moyens de défense tirés du délai de grâce et de l’obligation de mise en garde. La question centrale est double: la portée du contrôle judiciaire des accessoires de la dette, et l’étendue de la protection due à un emprunteur non averti.
I. Le bien-fondé des demandes en paiement et l’encadrement des accessoires
A. Déchéance du terme: exigibilité et intérêts de retard
Le tribunal rappelle, dans des termes classiques, que « la déchéance du terme […] ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ». Les juges constatent l’envoi d’une mise en demeure, puis la notification de la déchéance, et valident l’exigibilité de chacune des créances sur pièces contractuelles et décomptes datés. La solution est attendue, le formalisme ayant été respecté de bout en bout.
S’agissant des intérêts de retard, le tribunal écarte leur application faute de preuve suffisante. Il souligne que le prêteur mentionne des montants sous l’intitulé « intérêts de retard », sans précision sur l’assiette ni la période. D’où la formule nette: « Il ne sera donc pas fait droit à la demande au titre des intérêts de retard. » La démarche est conforme au principe de la preuve de la dette d’intérêts, dont l’exigibilité requiert des éléments chiffrés vérifiables. Le contrôle de cohérence du décompte protège ici l’emprunteur contre une majoration non démontrée, sans altérer l’exigibilité du capital ni des intérêts conventionnels.
B. Indemnité forfaitaire de recouvrement: qualification et réduction
Le juge qualifie sans détour la stipulation d’indemnité comme clause pénale. Les conditions générales prévoyaient qu’« une indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant de toutes les sommes exigibles […] avec un montant minimum de 2.000 € » serait due en cas de recours à un mandataire ou de poursuites. Le tribunal rappelle le droit commun: « Cette clause s’analyse en une clause pénale, qui peut être réduite si elle est manifestement excessive, en application de l’article 1231-5 du Code civil. »
La motivation s’appuie sur une mesure du préjudice: le prêteur subit « un préjudice financier lié à l’exigibilité anticipée du prêt », tenant à la perte d’intérêts. Toutefois, « au regard de la situation des parties, du montant du capital restant dû et du préjudice modéré », les montants sont ajustés. Les indemnités sont ramenées, selon les prêts, soit à un quantum proche de 7 % des sommes dues, soit au plancher contractuel lorsque la base est élevée. La méthode, casuistique et proportionnée, inscrit la réduction dans une logique de réparation et non de sanction, ce qui correspond à la finalité de l’article 1231-5. L’indexation du point de chute sur l’assiette due renforce la cohérence globale, même si l’atteinte récurrente au minimum stipulé illustre la primauté du contrôle judiciaire sur la clause plancher.
La clarification opérée sur l’exigibilité et la mesure des accessoires éclaire le cadre de la dette. Reste à apprécier la portée des moyens de défense de l’emprunteur sur les modalités d’exécution et la responsabilité du prêteur.
II. Les moyens de défense de l’emprunteur: délais de grâce et mise en garde
A. Le refus des délais de grâce: rigueur de l’article 1343-5
Le texte applicable offre au juge un pouvoir d’appréciation encadré par la situation du débiteur et les besoins du créancier. Le tribunal relève des démarches de vente de l’exploitation, ainsi que des difficultés de santé avérées de l’exploitant effectif. Il constate toutefois l’absence de concrétisation malgré un temps long déjà écoulé depuis les premières annonces. La motivation retient une appréciation pragmatique des perspectives: « Faute d’éléments suffisamment établis permettant de retenir un retour à meilleure fortune dans le délai sollicité, la demande de report de l’exigibilité des sommes dues sera rejetée. »
La solution s’inscrit dans la logique de l’article 1343-5, qui suppose une perspective crédible de rétablissement à court terme. En l’absence de calendrier probant, l’outil de grâce perd sa raison d’être. Le contrôle de proportion et d’opportunité, ici, s’exerce sans déséquilibrer les intérêts en présence, d’autant que les créances sont liquidées et immédiatement exigibles depuis la déchéance.
B. L’absence de manquement au devoir de mise en garde: champ et preuve
La juridiction rappelle avec précision le périmètre normatif: « l’obligation de mise en garde […] ne porte que sur l’inadaptation de [l’emprunt] aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, et non sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée. » Après avoir écarté la qualification d’emprunteur averti faute d’éléments probants, le tribunal examine la réalité d’un risque d’endettement excessif au jour de l’octroi.
Les juges relèvent la présence de documents comptables, de projections économiques et d’une étude professionnelle, consultés avant l’émission des prêts. Ils en déduisent que le prêteur « justifie s’être suffisamment renseigné » et qu’il « ne lui incombait pas d’opérer plus de vérifications sur l’opportunité ou la faisabilité du projet ». Faute pour l’emprunteur de démontrer un risque de surendettement décelable à l’origine, le manquement n’est pas caractérisé. La solution est conforme au droit positif qui réserve la mise en garde aux situations d’inadaptation objectivement décelables, et refuse de transformer la banque en arbitre de l’opportunité économique des projets financés.
Au total, le jugement articule une orthodoxie solide: validité des demandes en capital et intérêts conventionnels, exclusion des intérêts de retard non justifiés, réduction mesurée des clauses pénales manifestement excessives, et rejet de défenses qui ne satisfont ni à l’exigence probatoire du surendettement originaire, ni au critère prospectif du délai de grâce. L’économie de la décision, équilibrée, renforce la prévisibilité contractuelle tout en rappelant l’effectivité du contrôle judiciaire des accessoires.