Tribunal judiciaire de Evreux, le 19 juin 2025, n°25/00159

Rendu par le tribunal judiciaire d’Évreux le 19 juin 2025, le jugement tranche un litige locatif centré sur l’acquisition d’une clause résolutoire pour impayés. Un logement à usage d’habitation a été loué en 2023, le loyer étant mensuel et charges comprises; des impayés ont conduit à un commandement de payer. La bailleresse a assigné la locataire afin de faire constater la résiliation, obtenir l’expulsion et recouvrer l’arriéré allégué. La locataire invoquait un retard de transmission affectant ses prestations logement, ainsi qu’une insalubrité alléguée, illustrée par des photographies de dégradations liées à des infiltrations. Après notification réglementaire aux autorités compétentes et saisine préalable des instances de prévention, l’action a été jugée recevable, le tribunal retenant que « L’action est donc recevable ». La question posée portait sur l’articulation entre l’acquisition de la clause résolutoire pour impayés et deux tempéraments invoqués, exception d’inexécution et délais légaux. Le tribunal constate l’acquisition de la clause résolutoire, retenant que « Il ressort de l’historique du compte que ce commandement est demeuré infructueux plus de deux mois ». Il ajoute: « les conditions légales n’étant pas réunies, le tribunal se trouve dans l’impossibilité d’accorder des délais de paiement ». L’exécution provisoire est de droit; une astreinte est écartée au profit d’une indemnité d’occupation pleinement réparatrice.

I. Le régime de la clause résolutoire confirmé

A. Recevabilité contrôlée et exigences préalables

Le juge vérifie d’abord l’accomplissement des formalités préalables, tant la notification préfectorale que la saisine de la commission de prévention, conditionnant la recevabilité. Il en conclut sobrement: « L’action est donc recevable ».

Ce rappel de méthode s’inscrit dans la logique de l’article 24, qui fait de ces diligences un préalable procédural protecteur. Le contentieux des impayés suppose un contrôle rigoureux, destiné à ménager un temps utile d’accompagnement social avant la saisine juridictionnelle.

B. Acquisition de la clause et limites de l’exception d’inexécution

Le cœur du litige réside dans l’opposabilité de la clause résolutoire après un commandement demeuré infructueux. Le juge en constate l’acquisition au regard du délai légal et de l’absence de régularisation effective. L’exception d’inexécution est ensuite cantonnée, dans des termes clairs et fermes: « exception d’inexécution ne peut prospérer en matière de paiement du loyer, sauf pour un locataire à établir la non-décence des lieux ». Les éléments produits, non datés et non localisés, ne démontrent pas la non-décence, distincte de l’insalubrité, de sorte que la suspension unilatérale du paiement ne saurait être admise.

L’office du juge se prolonge par un refus d’astreinte, guidé par la finalité de la sanction pécuniaire: « Il n’apparaît en revanche pas nécessaire d’assortir d’une astreinte l’obligation de quitter les lieux ». Le raisonnement se fonde sur la fonction réparatrice de l’indemnité d’occupation au regard de l’article L.421-2 du code des procédures civiles d’exécution.

II. Portée financière et limites des mécanismes de sauvegarde

A. Assiette de la dette et indemnité d’occupation

Le tribunal arrête la dette au jour indiqué, distinguant arriérés antérieurs à l’acquisition et indemnité d’occupation postérieure, puis fixe une indemnité mensuelle égale au loyer. Il précise que « Cette indemnité mensuelle d’occupation sera fixée au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail ». Sa fonction est clairement énoncée: « afin de réparer le préjudice découlant pour le demandeur de l’occupation indue de son bien et de son impossibilité de le relouer ».

Cette construction indemnitaire privilégie la réparation intégrale du préjudice locatif, en neutralisant l’enrichissement injustifié de l’occupant. Elle évite de dédoubler les instruments de contrainte, la pression financière de l’indemnité rendant superflue une astreinte additionnelle.

B. Délais de paiement et suspension: application cumulative et stricte

Sur les mécanismes d’apurement, le tribunal applique strictement l’article 24, exigeant la reprise intégrale du loyer courant avant l’audience, cumulativement avec une capacité de règlement. Constatant un unique versement modeste depuis le commandement, il refuse délais et suspension, et le formule précisément dans les termes déjà cités.

La solution est cohérente avec la lettre rénovée du texte, qui conditionne la clémence à une reprise effective et non simplement déclarative. Elle peut paraître rigide dans des hypothèses de difficultés administratives, toutefois elle affirme une exigence de bonne foi démontrée par des versements réguliers. En pratique, l’articulation retenue incite à un apurement concret et documenté, seul susceptible d’ouvrir la voie à la suspension de la clause résolutoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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