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Le jugement rendu le 17 juin 2025 par le Tribunal judiciaire d’Évry, pôle de proximité, illustre une situation fréquente du contentieux locatif : l’extinction du litige par l’apurement de la dette en cours d’instance. Un bailleur social avait assigné son locataire aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire et de condamnation au paiement d’arriérés locatifs. La dette initiale s’élevait à 10 674,22 euros selon le commandement de payer délivré le 26 juin 2024, puis à 16 311,14 euros au jour de l’assignation du 24 septembre 2024. Le locataire, cité par acte remis à étude, n’a pas comparu. À l’audience, le bailleur a indiqué que la dette avait été intégralement réglée et s’est désisté de ses demandes principales, ne maintenant que ses prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. Le juge des contentieux de la protection devait déterminer les conditions du désistement d’instance lorsque le défendeur fait défaut, ainsi que la répartition de la charge des dépens et frais irrépétibles dans cette hypothèse. Le tribunal a constaté le désistement du bailleur, condamné le locataire aux entiers dépens mais rejeté la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Cette décision invite à examiner le régime du désistement d’instance en l’absence du défendeur (I), avant d’analyser le traitement des demandes accessoires dans le contexte particulier de l’apurement de la dette (II).
I. Le désistement d’instance unilatéral du demandeur
A. Les conditions de validité du désistement en l’absence du défendeur
Le juge des contentieux de la protection fonde son analyse sur les articles 394 et 395 du code de procédure civile. Le premier texte pose le principe selon lequel « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Le second précise que « le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur » tout en admettant une exception : « l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ».
En l’espèce, le locataire assigné n’avait pas comparu à l’audience. Le tribunal relève « l’absence de défense au fond » pour constater que le désistement du bailleur était parfait sans qu’il soit besoin de recueillir l’acceptation du défendeur. Cette solution traduit la logique du désistement d’instance : le défendeur qui n’a présenté aucune défense n’a pas d’intérêt légitime à s’opposer à l’extinction de l’instance. Il n’a engagé ni frais ni moyens dans la procédure que le désistement viendrait ruiner.
Le jugement s’inscrit dans une jurisprudence constante qui admet le caractère unilatéral du désistement lorsque le défendeur demeure passif. La Cour de cassation veille toutefois à ce que cette dispense d’acceptation soit strictement cantonnée aux hypothèses prévues par l’article 395. Le simple défaut de comparution suffit à caractériser l’absence de défense au fond.
B. Les effets du désistement sur l’instance
Le désistement d’instance met fin au litige sans trancher le fond du droit. Il se distingue du désistement d’action en ce qu’il n’éteint pas le droit substantiel du demandeur. En l’occurrence, le bailleur conservait théoriquement la faculté d’introduire une nouvelle instance si de nouveaux arriérés se constituaient.
Le tribunal constate que « la dette locative, terme de mai 2025 inclus, ayant été apurée ». Cette précision éclaire la cause du désistement : le bailleur n’avait plus d’intérêt à poursuivre l’instance dès lors que sa créance avait été intégralement réglée. Le juge ajoute un élément remarquable en rappelant « que le compte du locataire est créditeur de la somme de 4.715,45 euros ». Cette mention résulte de la déduction d’un surloyer de solidarité de 26 662,56 euros sur l’année 2024.
Cette précision, bien que ne relevant pas strictement du dispositif exécutoire, présente un intérêt probatoire pour le locataire. Elle consacre officiellement le renversement de sa situation financière vis-à-vis du bailleur. Le jugement réputé contradictoire lui sera notifié et constituera un titre établissant sa créance.
II. Le sort des demandes accessoires après désistement
A. L’imputation des dépens au défendeur défaillant
L’article 399 du code de procédure civile dispose que « le désistement emporte soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». Le demandeur qui se désiste devrait donc normalement supporter les dépens. Le tribunal écarte cette règle en relevant que « le désistement est provoqué par l’exécution par la défenderesse de ses obligations ».
Ce raisonnement mérite attention. Le juge considère que le locataire, bien qu’ayant apuré sa dette, doit être regardé « comme succombant à l’instance ». L’obligation de payer les loyers existait avant l’assignation. Le locataire était effectivement débiteur au jour du commandement de payer et de l’assignation. Son paiement tardif, intervenu en cours de procédure, ne saurait effacer cette réalité.
La jurisprudence admet cette dérogation à l’article 399 lorsque le désistement trouve sa cause dans le comportement du défendeur. La Cour de cassation a ainsi jugé que le défendeur qui exécute son obligation après l’introduction de l’instance peut être condamné aux dépens malgré le désistement du demandeur. Le locataire a contraint le bailleur à engager des frais d’huissier pour le commandement de payer et l’assignation. Il apparaît équitable qu’il en supporte la charge.
B. Le rejet de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le bailleur sollicitait une somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles. Le tribunal rejette cette demande en considérant qu’« aucun motif lié à l’équité ne commande qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ».
Cette solution peut surprendre au regard de la condamnation du locataire aux dépens. Si le défendeur succombe, pourquoi ne pas lui faire supporter également une partie des frais non compris dans les dépens ? Le juge dispose en la matière d’un pouvoir souverain d’appréciation. Il peut estimer que la condamnation aux dépens suffit à sanctionner le comportement du locataire.
Plusieurs éléments peuvent expliquer ce refus. Le locataire a finalement apuré sa dette, démontrant sa bonne foi tardive. Le compte locatif est désormais créditeur d’une somme substantielle. Le bailleur social n’a pas subi de préjudice définitif puisque sa créance a été intégralement réglée. Dans ces circonstances, le juge a pu considérer que l’équité commandait de ne pas alourdir la charge financière du locataire au-delà des dépens. Cette appréciation souveraine, non susceptible de contrôle en cassation sauf dénaturation, traduit la recherche d’un équilibre entre les intérêts des parties dans un contentieux locatif où le maintien du lien contractuel demeure possible.