Tribunal judiciaire de Évry, le 17 juin 2025, n°24/01911

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La décision rendue le 17 juin 2025 par le juge des contentieux de la protection d’Evry tranche un contentieux né d’un prêt personnel souscrit en 2022. Le financement portait sur 13 500 euros, amortissables en 80 mensualités à taux fixe de 3,92 %. Des impayés sont survenus. Le prêteur a prononcé la déchéance du terme, puis a sollicité la condamnation de l’emprunteur au solde majoré d’une indemnité de 8 %, d’intérêts et de la capitalisation. Le défendeur n’a pas comparu. Il est rappelé que, selon l’article 472 du code de procédure civile, « le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée ». Le juge a relevé d’office, au visa de l’article R. 632-1 du code de la consommation, les moyens tirés de l’information précontractuelle et du devoir d’explication. La question posée tenait, d’abord, aux conditions d’efficacité de la déchéance du terme et, subsidiairement, aux voies de résolution du contrat en cas d’inexécution. Elle portait, ensuite, sur l’étendue de la déchéance du droit aux intérêts en cas de manquements précontractuels, et sur les accessoires réclamés. La juridiction écarte la déchéance du terme, prononce la résolution judiciaire, condamne au seul capital net de 9 814,35 euros, déchoit intégralement le prêteur de ses intérêts, refuse l’indemnité de 8 % et la capitalisation, et neutralise les intérêts légaux pour garantir l’effectivité de la sanction.

I. Du refus de la déchéance du terme à la résolution judiciaire

A. L’exigence d’une mise en demeure préalable, expresse et prouvée

Le juge rappelle la solution fermement établie par la première chambre civile. Il énonce que « la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, [mais] celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ». L’acte de mise en demeure produit n’a pas été reçu, l’avis étant revenu « destinataire inconnu à l’adresse ». Le contrat ne contenait pas de clause permettant une exigibilité anticipée sans mise en demeure. La déchéance du terme est donc « écartée » faute de preuve d’une notification conforme et efficace, ce qui cantonne l’obligation au paiement des échéances échues seulement. La solution s’inscrit dans la continuité d’un contrôle rigoureux des clauses d’exigibilité et de la preuve de la mise en demeure.

B. La résolution judiciaire comme réponse proportionnée à l’inexécution

Le juge mobilise les articles 1224 et 1228 du code civil et constate la gravité du manquement. Il précise que « l’obligation de payer les mensualités du prêt est une obligation essentielle » dont l’inexécution réitérée justifie la résolution du contrat. La résolution de plein droit est exclue en l’absence d’une mise en demeure régulière. La juridiction « prononce la résolution » et rappelle les effets restitutoires propres au prêt : « La résolution du prêt entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté duquel il convient de déduire les sommes déjà versées ». Il « convient de replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ce contrat », de sorte qu’est allouée la somme de 9 814,35 euros au titre du seul capital restant dû. L’approche privilégie une remise en état cohérente avec la nature réelle du contrat de prêt et limite la créance aux montants juridiquement exigibles.

II. La déchéance du droit aux intérêts et l’exclusion des accessoires

A. Les manquements précontractuels et la charge de la preuve pesant sur le prêteur

Le juge relève deux manquements. D’une part, la fiche d’informations précontractuelles n’est pas signée et sa remise n’est pas prouvée. D’autre part, le devoir d’explication n’est pas établi dans son contenu. La décision souligne que « la charge de la preuve de l’exécution des obligations pré-contractuelles d’information […] pèse sur le prêteur ». Elle écarte la valeur probante d’une formule type, en retenant que « la mention pré-imprimée […] ne saurait faire preuve que le prêteur a respecté ses obligations ». Il est également rappelé, conformément à l’arrêt du 18 décembre 2014, que la CJUE « s’oppose à une règle nationale selon laquelle la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites repose sur le consommateur ». En conséquence, « le prêteur sera intégralement déchu du droit aux intérêts conventionnels à compter de la date de la conclusion du contrat ». Le juge rattache cette sanction aux articles L. 312-12 et L. 341-1 du code de la consommation, en assurant un contrôle substantiel et documentaire du respect des exigences d’ordre public économique.

B. Le rejet de l’indemnité de 8 % et la neutralisation des intérêts légaux pour assurer l’effectivité

La juridiction refuse les accessoires incompatibles avec la déchéance. Elle énonce que « cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité prévue à l’article L. 312-39 ». La capitalisation est également rejetée sur le fondement de l’article L. 312-38. Surtout, afin de préserver la portée dissuasive de la sanction, le juge constate que l’intérêt légal majoré pourrait neutraliser l’effet utile de la déchéance. Il décide « de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil et de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier », en référence à l’arrêt du 27 mars 2014 (affaire C‑565/12). Le capital « ne portera pas intérêts au taux légal », afin que la sanction demeure « effective et dissuasive ». Cette interprétation, attentive à l’effectivité du droit de l’Union, affirme une cohérence téléologique entre la déchéance des intérêts et l’exclusion des coûts accessoires.

L’ensemble consacre une double exigence. D’une part, un contrôle préalable strict des conditions d’exigibilité et de résolution, fondé sur la preuve de la mise en demeure et l’économie du prêt. D’autre part, une application pleine et entière des sanctions du code de la consommation, interprétées à la lumière du droit de l’Union, pour garantir une protection effective du consommateur et prévenir tout contournement par les accessoires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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