Tribunal judiciaire de Grasse, le 16 juin 2025, n°25/00278

L’hospitalisation psychiatrique sans consentement constitue une mesure privative de liberté encadrée par le Code de la santé publique. Elle soulève des questions relatives à la protection des droits fondamentaux de la personne et aux garanties procédurales qui entourent sa mise en œuvre. L’ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de Grasse le 16 juin 2025 illustre le contrôle juridictionnel exercé sur ces mesures.

Une personne née le 7 février 1968, placée sous curatelle, a fait l’objet d’une hospitalisation sans consentement au Centre hospitalier de Grasse. Le directeur de cet établissement a saisi le juge des libertés et de la détention afin d’obtenir l’autorisation de poursuivre cette mesure. Un certificat médical établi le 9 juin 2025 par un psychiatre de l’établissement a confirmé la nécessité de maintenir les soins sous forme d’hospitalisation complète.

La personne hospitalisée, assistée d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, a comparu à l’audience publique tenue le 16 juin 2025 dans l’annexe du tribunal située au sein de l’établissement hospitalier. Ni le directeur de l’établissement ni le curateur n’ont comparu. Le Procureur de la République, partie jointe, a émis un avis favorable au maintien de l’hospitalisation complète.

Le juge devait déterminer si les conditions légales autorisant la poursuite de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement étaient réunies.

Le tribunal a ordonné la poursuite des soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l’hospitalisation complète, après avoir admis la personne à l’aide juridictionnelle provisoire. Il a fondé sa décision sur le certificat médical attestant que « son état mental impose la poursuite des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ».

Cette décision invite à examiner les conditions du contrôle juridictionnel de l’hospitalisation sans consentement (I), avant d’analyser la portée de la motivation retenue par le juge (II).

I. Le contrôle juridictionnel de l’hospitalisation sans consentement

Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle systématique sur les mesures d’hospitalisation psychiatrique (A), dans un cadre procédural garantissant les droits de la personne hospitalisée (B).

A. L’intervention obligatoire du juge des libertés et de la détention

Les articles L.3211-12 et suivants du Code de la santé publique imposent un contrôle juridictionnel des mesures d’hospitalisation sans consentement. Ce contrôle doit intervenir dans un délai de douze jours à compter de l’admission. La saisine du juge par le directeur de l’établissement, transmise le 13 juin 2025, s’inscrit dans ce cadre légal.

Le législateur a entendu soumettre toute privation de liberté à un examen judiciaire. La décision commentée applique ce principe en vérifiant que les conditions légales sont satisfaites. Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation sur le bien-fondé de la mesure. Il peut maintenir, lever ou modifier les modalités de prise en charge.

L’audience s’est tenue au sein même de l’établissement hospitalier, conformément aux dispositions réglementaires qui autorisent cette délocalisation. Cette organisation facilite la comparution de la personne hospitalisée tout en préservant le caractère public des débats.

B. Les garanties procédurales accordées à la personne hospitalisée

La personne concernée a bénéficié de l’assistance d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. Cette garantie répond à l’exigence d’un procès équitable. Le juge a d’ailleurs prononcé l’admission à l’aide juridictionnelle provisoire dans le dispositif de sa décision.

L’audience publique permet un contrôle démocratique sur ces mesures restrictives de liberté. Le Procureur de la République, partie jointe, a formulé un avis écrit mis à disposition des parties. Cette collégialité dans l’examen renforce la légitimité de la décision.

Le curateur, bien que convoqué, n’a pas comparu. Son absence n’a pas fait obstacle à la poursuite de la procédure. Le juge a statué par décision réputée contradictoire, permettant ainsi l’exercice ultérieur des voies de recours.

L’ensemble de ces garanties traduit le souci du législateur de concilier la protection de la santé de la personne avec le respect de ses droits fondamentaux. Le cadre procédural apparaît ainsi conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles.

II. La motivation de la décision de maintien

La décision repose essentiellement sur un certificat médical (A), ce qui soulève la question de l’intensité du contrôle exercé par le juge (B).

A. Le fondement médical de la mesure

Le tribunal s’appuie sur le « certificat médical à 72 heures » établi le 9 juin 2025 par un psychiatre de l’établissement. Ce document atteste que l’état mental de la personne « impose la poursuite des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ».

Le Code de la santé publique exige la production de certificats médicaux à intervalles réguliers. Ces documents constituent le socle de l’appréciation judiciaire. Le juge vérifie leur existence et leur conformité aux exigences légales. En l’espèce, le certificat émane d’un médecin distinct de celui qui a établi le certificat initial, conformément aux dispositions applicables.

La motivation reprend les termes du certificat médical sans développer davantage l’analyse clinique. Le juge se borne à constater que les conditions médicales sont réunies pour justifier la poursuite de la mesure. Cette approche témoigne de la confiance accordée à l’expertise psychiatrique dans ce contentieux spécifique.

B. L’étendue du contrôle juridictionnel

La motivation de l’ordonnance demeure succincte. Elle se limite à reprendre les conclusions du certificat médical sans les discuter ni les confronter aux observations de la personne hospitalisée ou de son conseil. Cette brièveté interroge sur l’intensité réelle du contrôle exercé.

Le juge des libertés et de la détention n’est pas un expert médical. Son rôle consiste à vérifier la régularité de la procédure et l’existence d’éléments justifiant la mesure. Il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des médecins. La décision commentée s’inscrit dans cette logique de contrôle formel plutôt que substantiel.

Cette pratique peut néanmoins susciter des réserves. La Cour européenne des droits de l’homme exige que le juge dispose d’éléments suffisants pour apprécier la nécessité de la privation de liberté. Une motivation plus développée, exposant les manifestations concrètes des troubles et les alternatives envisagées, renforcerait la qualité du contrôle.

La portée de cette décision demeure limitée à l’espèce. Elle illustre la pratique courante des juridictions en matière de contrôle des hospitalisations sans consentement. L’équilibre entre protection de la santé et respect de la liberté individuelle reste un enjeu permanent de ce contentieux.

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Hassan KOHEN
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