- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Rendu par le tribunal judiciaire de Grasse le 17 juin 2025, le jugement commente une requête en omission de statuer déposée après une décision au fond relative à des désordres de construction. La décision initiale avait statué sur plusieurs chefs, condamné in solidum différents intervenants et opéré un partage de responsabilités pour le surcoût de construction et un préjudice moral. Une partie a ensuite sollicité que soit “complété” le dispositif pour imposer une garantie, au‑delà du seul préjudice matériel, au profit des locateurs d’ouvrage et de leurs assureurs. Plusieurs défendeurs s’en sont rapportés, d’autres ont conclu au rejet, l’un soutenant qu’aucune garantie générale ne pouvait résulter d’un simple complément.
La procédure révèle une condamnation initiale en réparation du préjudice matériel, avec garantie d’un assureur sur ce seul chef, et, séparément, une condamnation pour surcoût de construction et préjudice moral répartie entre plusieurs responsables par pourcentages. La requête en omission de statuer a visé à obtenir que la garantie couvre aussi ces condamnations spécifiques, en proportion du partage. La question posée au juge était de savoir si une telle demande relevait des articles 462 et 463 du code de procédure civile, ou si elle tendait, en réalité, à une réformation déguisée du dispositif.
Le tribunal répond qu’il n’y a pas omission de statuer et rejette la requête, assortissant ce rejet d’une amende civile et d’une allocation au titre des frais irrépétibles. Il souligne, à propos du fondement procédural invoqué, que “Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu”. Il rappelle encore que “La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs”. Appliquant ces textes, il énonce que “Par conséquent, cette demande ne constitue pas une omission de statuer”.
I. Le cadre et l’office du juge rectificateur
A. La délimitation stricte de l’article 462 et la notion d’omission matérielle
L’article 462 vise la correction des erreurs ou omissions matérielles, sans empiéter sur la chose jugée. L’extrait “Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu” situe l’office du juge rectificateur dans un périmètre exact. Il s’agit d’ajuster la forme et la lettre, lorsque le dossier le révèle ou, à défaut, “ce que la raison commande”, sans revisiter le fond ni modifier le sens de la décision.
Dans cette perspective, la requête soumise ne recherchait pas seulement une précision rédactionnelle. Elle tendait à étendre le champ d’une garantie prononcée au titre d’un seul chef, pour l’appliquer à d’autres condamnations. Une telle prétention dépasse le cadre matériel de l’article 462, puisqu’elle affecte l’économie du dispositif et l’étendue des obligations issues de la condamnation.
B. L’article 463 et l’exigence d’un véritable chef omis
Le texte de l’article 463 autorise un complément lorsqu’un “chef de demande” n’a pas reçu de réponse. L’extrait “La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs” impose de vérifier l’existence d’une prétention demeurée sans réponse, non d’une divergence d’interprétation. Le complément ne doit pas réécrire la décision, mais seulement combler un silence avéré.
En l’espèce, le jugement initial avait distingué les chefs indemnitaires et précisé la garantie relative au préjudice matériel. La répartition des responsabilités pour les autres chefs était expressément fixée. Le juge constate que la demande revenait à “modifier la répartition des responsabilités clairement énoncée par le Tribunal dans son dispositif”, et conclut logiquement que “cette demande ne constitue pas une omission de statuer”. L’office de l’article 463 est donc refusé, faute de chef omis.
II. Portée et appréciation de la solution
A. Une interprétation conforme à la sécurité juridique du dispositif
La solution adopte une lecture classique et prudente des articles 462 et 463, garante de la stabilité des dispositifs. Elle évite qu’une voie incidente serve de substitut à un appel ou à une tierce opposition. La distinction entre précision et réformation est nette. Le juge refuse tout “re‑jugement” sous couvert de complément, ce qui protège la chose jugée partielle relative aux chefs explicitement tranchés et aux pourcentages de responsabilité arrêtés.
Ce positionnement s’accorde avec l’objectif de clarté des dispositifs en matière de construction, où les têtes de préjudice et les garanties croisées doivent rester strictement circonscrites. Il invite les plaideurs à formuler des prétentions autonomes, distinctes pour chaque chef, au stade du fond. À défaut, la rectification ne peut pallier un désaccord d’exécution qui relève de la portée des condamnations.
B. La sanction de l’abus procédural et ses enseignements pratiques
La décision retient un abus dans l’usage de la requête, caractérisé par une instrumentalisation de la procédure pour obtenir une extension substantielle. Le juge motive la sanction en relevant que la requérante a agi “dans la mesure où elle a agi de manière abusive sous couvert d’une requête en omission de statuer, en dénaturant complètement les termes de la décision pour les voir modifier dans son intérêt, alors même qu’il a été clairement répondu à l’ensemble des demandes dans le jugement querellé.” Cette motivation, précise et circonstanciée, légitime l’amende civile et prévient les détournements.
L’allocation complémentaire au titre des frais irrépétibles renforce cette mise en garde et internalise le coût de l’abus. La phrase “Les dépens de la présente procédure seront également mis à sa charge” parachève l’économie dissuasive de la décision. Pour la pratique, l’enseignement est clair. Les difficultés d’exécution relatives à l’étendue d’une garantie doivent être résolues par les voies adéquates, notamment l’appel ou l’interprétation, lorsque celle‑ci n’altère pas le dispositif, et non par une requête qui, sous l’apparence d’un complément, bouleverse l’équilibre de la chose jugée.