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L’adoption plénière constitue la forme la plus complète d’adoption en droit français, créant un lien de filiation exclusif entre l’adopté et les adoptants. Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Grenoble le 13 juin 2025 en offre une illustration caractéristique.
En l’espèce, une personne née en 2003 en Polynésie française fait l’objet d’une requête en adoption plénière présentée par un couple marié. L’époux est né en 1962, l’épouse en 1965, tous deux dans le département de l’Isère. L’adoptée porte déjà le nom des requérants avant le prononcé de l’adoption.
La procédure se déroule devant la chambre des requêtes du Tribunal judiciaire de Grenoble, statuant en matière gracieuse. Les débats ont lieu en chambre du conseil. Le ministère public est partie à la procédure.
Les requérants sollicitent le prononcé de l’adoption plénière de l’intéressée, avec les conséquences de droit attachées à cette mesure.
La question posée au tribunal est celle de savoir si les conditions légales de l’adoption plénière sont réunies, permettant de créer un lien de filiation substitutif et irrévocable entre l’adoptée majeure et les adoptants.
Le tribunal prononce l’adoption plénière, dit que l’adoptée portera le nom des adoptants, rappelle le caractère irrévocable de la mesure et ordonne la transcription du jugement en marge de l’acte de naissance de l’adoptée.
Cette décision invite à examiner les conditions de l’adoption plénière d’une personne majeure (I), avant d’analyser les effets attachés au prononcé de cette mesure (II).
I. Les conditions de l’adoption plénière d’une personne majeure
L’adoption plénière d’un majeur suppose la réunion de conditions tenant aux adoptants (A) et de conditions spécifiques liées à l’âge de l’adopté (B).
A. Les conditions relatives aux adoptants
Le tribunal vise expressément les « articles 343 et suivants du Code Civil ». Ces dispositions fixent le cadre juridique de l’adoption. L’article 343 du Code civil pose le principe selon lequel l’adoption peut être demandée par deux époux. Les requérants, mariés, remplissent cette première exigence.
L’article 343-1 impose que les adoptants soient âgés de plus de vingt-huit ans. L’époux, né en 1962, et l’épouse, née en 1965, satisfont largement à cette condition d’âge au jour du jugement. L’article 344 exige en outre une différence d’âge d’au moins quinze ans entre les adoptants et l’adopté. L’adoptée étant née en 2003, cette différence est respectée, l’écart dépassant quarante ans avec l’époux et trente-huit ans avec l’épouse.
Le tribunal ne mentionne pas de durée de mariage, ce qui suggère que les époux sont mariés depuis plus de deux ans ou que chacun est âgé de plus de vingt-huit ans, conformément à l’article 343.
B. Les conditions spécifiques à l’adoption d’un majeur
L’adoption plénière d’une personne majeure demeure par principe impossible. L’article 345 du Code civil dispose que cette forme d’adoption n’est permise qu’en faveur des enfants de moins de quinze ans accueillis au foyer des adoptants depuis au moins six mois. L’adoptée, née en 2003, avait environ vingt-deux ans lors du prononcé du jugement en 2025.
L’exception prévue à l’article 345-1 autorise néanmoins l’adoption plénière « si l’enfant a été accueilli avant d’avoir atteint cet âge par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions légales pour adopter ». Le même texte permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint ou a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint.
La circonstance que l’adoptée porte déjà le patronyme des requérants indique vraisemblablement un accueil ancien au sein du foyer familial. Cette situation correspond à l’hypothèse d’un enfant recueilli avant l’âge de quinze ans par des personnes qui n’étaient pas alors en mesure d’adopter, ce qui justifie le recours tardif à l’adoption plénière.
L’article 347 énumère les personnes pouvant être adoptées. Le consentement de l’adopté majeur est requis par l’article 345 alinéa 3, celui-ci devant être donné devant notaire ou devant le greffier du tribunal.
II. Les effets du prononcé de l’adoption plénière
Le jugement d’adoption plénière produit des effets sur l’état civil de l’adopté (A) et revêt un caractère définitif que le tribunal prend soin de rappeler (B).
A. La modification de l’état civil
Le tribunal « dit que l’adoptée portera désormais le nom patronymique » des adoptants. Cette mention peut sembler redondante dès lors que l’intéressée portait déjà ce nom. Elle s’explique par la nécessité de fonder juridiquement le port du nom sur le lien de filiation adoptive désormais établi.
L’article 357 du Code civil prévoit que l’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant. En cas d’adoption par deux époux, l’enfant prend le nom de l’un des adoptants ou leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux. Le dispositif du jugement retient le seul nom de l’époux.
Le tribunal « ordonne la transcription du présent jugement en marge de l’acte de naissance de l’adoptée ». Cette transcription constitue une formalité substantielle. L’article 354 du Code civil dispose que le jugement prononçant l’adoption est transcrit sur les registres de l’état civil et que cette transcription tient lieu d’acte de naissance à l’adopté.
Le jugement précise que « tout autre acte de naissance sera à la requête de Monsieur le Procureur de la République revêtu de la mention ADOPTION et tenu pour nul ». Cette formulation reprend les termes de l’article 354 alinéa 3. L’acte de naissance originaire ne sera plus délivré, ce qui garantit la confidentialité de l’origine de l’adopté.
B. L’irrévocabilité de l’adoption
Le tribunal « rappelle que cette adoption est irrévocable ». Cette mention figure expressément dans le dispositif, soulignant la gravité de la mesure prononcée. L’article 359 du Code civil énonce ce principe en des termes identiques.
L’irrévocabilité distingue l’adoption plénière de l’adoption simple, laquelle peut être révoquée pour motifs graves conformément à l’article 370 du Code civil. En matière plénière, le lien de filiation ainsi créé ne peut plus être remis en cause, quelle que soit l’évolution des relations entre l’adopté et les adoptants.
Cette caractéristique justifie le contrôle judiciaire approfondi exercé préalablement au prononcé de l’adoption. Le tribunal statuant en matière gracieuse n’enregistre pas simplement une volonté privée mais apprécie si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’adopté. L’article 353 impose de vérifier que les conditions légales sont remplies et que l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.
La voie de recours ouverte contre cette décision est l’appel dans un délai de quinze jours à compter de la notification. Le certificat de non-appel établi postérieurement atteste qu’aucun recours n’a été formé, rendant le jugement définitif. L’adoption produit désormais tous ses effets de manière irréversible, substituant intégralement la nouvelle filiation à l’ancienne.