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Par un jugement rendu le 19 juin 2025, le tribunal judiciaire de Grenoble s’est prononcé sur l’application du régime protecteur du code de la consommation à un comité social et économique. Cette décision illustre l’extension du champ d’application des dispositions relatives à la tacite reconduction des contrats de services.
Un comité social et économique avait souscrit en décembre 2020 un abonnement auprès d’une société prestataire de services, destiné à offrir aux salariés des réductions commerciales. Le contrat prévoyait une durée minimale de deux ans, renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation avec un préavis de quatre mois. Par courrier du 30 août 2022, réceptionné le 8 septembre suivant, le comité a manifesté sa volonté de ne pas reconduire le contrat. Le prestataire a opposé le non-respect du délai de préavis et a maintenu sa facturation pour les années 2023 et 2024. Une ordonnance d’injonction de payer a été rendue le 10 juillet 2023 pour un montant de 3 321,60 euros. Le comité a formé opposition.
La question posée au tribunal était de déterminer si un comité social et économique peut bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation relatives à la tacite reconduction, notamment l’obligation d’information préalable incombant au professionnel.
Le tribunal a jugé que le comité, exerçant sa mission légale de gestion des activités sociales et culturelles au bénéfice des salariés, revêt la qualité de non-professionnel au sens de l’article liminaire du code de la consommation. En l’absence d’information conforme à l’article L. 215-1 dudit code, le comité pouvait résilier le contrat à tout moment à compter de la date de reconduction, sans respecter le préavis contractuel.
Cette décision invite à examiner la qualification du comité social et économique comme non-professionnel au sens du droit de la consommation (I), avant d’analyser les conséquences de cette qualification sur le régime de la tacite reconduction (II).
I. La reconnaissance de la qualité de non-professionnel au profit du comité social et économique
Le tribunal procède à une application rigoureuse des critères légaux de définition du non-professionnel (A), en les articulant avec la mission légale dévolue au comité social et économique (B).
A. L’interprétation des critères légaux de la qualité de non-professionnel
L’article liminaire du code de la consommation définit le non-professionnel comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». Cette définition, issue de la loi du 17 mars 2014, a permis d’étendre le bénéfice de certaines dispositions protectrices à des personnes morales. Le tribunal rappelle cette définition et procède à son application au cas d’espèce.
La qualification suppose un examen finaliste de l’activité exercée. Le juge doit rechercher si la personne morale agit ou non à des fins professionnelles. En l’espèce, le tribunal relève que le contrat « portait sur la fourniture de cartes ouvrant droit à des réductions pour les salariés » et que celui-ci « était donc conclu dans le cadre de la mission légale » du comité.
Cette approche téléologique correspond à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 2 avril 2009, avait déjà admis qu’un comité d’entreprise pouvait bénéficier de la protection consumériste. Le tribunal s’inscrit dans cette lignée jurisprudentielle en retenant que l’absence de finalité professionnelle constitue le critère déterminant.
B. L’articulation avec la mission légale du comité social et économique
Le tribunal fonde sa solution sur l’ancien article L. 2323-83 du code du travail, aux termes duquel « le comité d’entreprise assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés ou de leur famille ». Il en déduit que le comité, « en exerçant cette mission légale », « agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
Cette motivation présente l’intérêt de lier la qualification consumériste à la nature même de la mission du comité. Ce dernier ne poursuit aucun but lucratif personnel lorsqu’il contracte pour le bénéfice des salariés. Il se trouve dans une situation de déséquilibre informationnel comparable à celle d’un consommateur face à un professionnel rompu aux pratiques commerciales.
Le tribunal écarte l’argument tiré de l’existence d’une option de service d’assistance juridique dans les conditions générales, jugeant cette circonstance indifférente. Cette précision confirme que l’appréciation de la qualité de non-professionnel s’effectue au regard de l’objet principal du contrat et de sa finalité, non de ses stipulations accessoires.
II. Les effets du régime protecteur sur la validité de la résiliation
L’application du régime de l’article L. 215-1 du code de la consommation entraîne la sanction du défaut d’information du professionnel (A), tout en révélant les limites de la protection accordée au non-professionnel (B).
A. La sanction du manquement à l’obligation d’information préalable
L’article L. 215-1 du code de la consommation impose au professionnel d’informer le consommateur ou le non-professionnel, « au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat ». L’article L. 215-3 étend cette obligation aux contrats conclus avec des non-professionnels.
Le tribunal constate que « la société ACE France n’a pas informé le CSE APPLIED MATERIALS par courrier de la possibilité de ne pas reconduire le contrat ». Il en tire la conséquence légale : le comité « pouvait à tout moment mettre un terme au contrat à compter du 31 décembre 2022 » et « il n’était pas nécessaire qu’il respecte un préavis de quatre mois comme mentionné contractuellement ».
Cette sanction, prévue par l’alinéa 2 de l’article L. 215-1, paralyse la clause de tacite reconduction. Le contrat devient résiliable à tout moment et sans frais. Le professionnel supporte ainsi les conséquences de son propre manquement. La solution présente un caractère automatique : dès lors que l’information n’a pas été délivrée, le non-professionnel recouvre sa liberté contractuelle.
En l’espèce, le tribunal relève que le comité avait manifesté sa volonté de résiliation dès le 30 août 2022, puis réitéré celle-ci par courriers des 21 septembre et 18 novembre 2022. Le contrat est déclaré « valablement résilié à l’expiration de la durée contractuelle de deux ans, soit au 31 décembre 2022 ».
B. Le rejet de la demande indemnitaire du non-professionnel
Le comité sollicitait 2 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. Le tribunal rejette cette demande au motif qu’il « ne caractérise pas un préjudice distinct de celui lié à la tenue d’une procédure judiciaire ». Cette solution illustre les limites de la protection consumériste.
La résistance abusive suppose, selon la jurisprudence constante rappelée par le tribunal, « une faute ayant dégénéré en abus du droit d’agir en justice compte tenu par exemple d’une intention malicieuse, d’une mauvaise foi ou d’une erreur grossière ». Le simple fait d’avoir tort ne suffit pas à caractériser un abus.
Le tribunal accorde néanmoins une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Cette somme compense partiellement les frais exposés par le comité pour assurer sa défense. La condamnation du professionnel aux dépens complète cette réparation procédurale.
Cette décision confirme l’effectivité de la protection accordée aux comités sociaux et économiques dans leurs relations contractuelles avec les professionnels. Elle rappelle aux prestataires de services l’importance de respecter leurs obligations d’information, sous peine de voir leurs clauses de tacite reconduction privées d’effet.