Tribunal judiciaire de Grenoble, le 19 juin 2025, n°25/00501

Par une ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble le 19 juin 2025, le juge des contentieux de la protection s’est prononcé sur l’acquisition d’une clause résolutoire et sur l’octroi de délais de paiement. Le litige oppose un bailleur personne morale à son locataire, au sujet d’un logement conventionné donné à bail au début de l’année 2024, avec un loyer mensuel convenu.

Les faits utiles tiennent à un impayé progressif, poursuivi malgré un commandement. Un commandement de payer a été signifié début octobre 2024, après signalement de la situation aux organismes compétents à la fin de septembre. Le bailleur a mis à jour le décompte des sommes dues à l’audience du 13 mai 2025, mentionnant un arriéré arrêté à 3 880,87 €. Le locataire n’a pas comparu. Le bailleur a sollicité le constat de la résiliation de plein droit, l’expulsion, la condamnation provisionnelle au paiement des arriérés, une indemnité d’occupation et une indemnité de procédure. Il a laissé l’octroi de délais à l’appréciation du juge. Les diligences préalables prévues par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 ont été accomplies, avec notification au représentant de l’État et respect des délais.

La question de droit portait sur les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire dans un bail d’habitation et sur l’office du juge en référé après les modifications de 2023. Il s’agissait d’apprécier, d’une part, la régularité de la procédure préalable imposée aux bailleurs personnes morales, et, d’autre part, la possibilité de suspendre les effets de la clause résolutoire en accordant un échéancier lorsque le locataire a repris le loyer courant et peut apurer sa dette. Le juge a d’abord retenu l’acquisition de la clause, puis a accordé un plan sur trente-six mois en suspendant les effets de la résiliation pendant ce délai. La condamnation au paiement de 3 880,87 € a été prononcée avec intérêts au taux légal à compter de l’ordonnance, et une indemnité d’occupation a été fixée pour le cas de résiliation effective.

I. Le contrôle des conditions de la clause résolutoire et de la procédure préalable

A. La régularité des diligences préventives et la compétence du juge des référés
Le juge vérifie la régularité des formalités préventives, exigées pour les bailleurs personnes morales par l’article 24, II et III, de la loi du 6 juillet 1989. Le signalement aux organismes payeurs, la saisine de la coordination départementale et la notification au représentant de l’État doivent précéder l’assignation dans des délais précis. L’affaire révèle leur respect, l’assignation étant intervenue après un laps de temps suffisant, et la notification ayant été effectuée plus de six semaines avant l’audience. L’office du juge des référés est ensuite circonscrit à l’absence de contestation sérieuse et à l’urgence, en cohérence avec le cadre procédural de la protection des impayés locatifs.

Le juge rappelle les éléments factuels utiles à la liquidation provisoire de la créance locative. L’extrait suivant atteste le fondement de la condamnation monétaire, sans confusion sur l’assiette et la date d’arrêt du décompte: «Il résulte du décompte de créance versé par le bailleur, qu’il est redevable au titre des loyers et des charges, de la somme de 3 880,87 €ur au 6 mai 2025.» La décision retient en outre que les intérêts courent «à compter du présent jugement», solution confirmée au dispositif par l’expression «à compter de la date de la présente ordonnance». Le juge écarte, ce faisant, le point de départ sollicité au commandement, et ancre l’accessoire dans la temporalité de l’ordonnance de référé.

B. Le constat de l’acquisition de la clause et la qualification des manquements
La clause résolutoire figure au bail d’habitation et prend effet après un commandement demeuré infructueux pendant le délai légal. Le juge en constate l’acquisition au regard de la persistance des impayés et de l’absence de purge dans le délai requis. La motivation se concentre sur la matérialité du manquement, sur l’ampleur de la dette et sur l’absence de contestation du locataire non comparant.

Le dispositif consacre cette analyse tout en annonçant le tempérament accordé ensuite. Il énonce expressément: «Constatons que les conditions d’application de la clause résolutoire insérée au bail sont remplies mais en suspendons les effets, dans la mesure des délais octroyés.» La formulation combine la rigueur de la clause avec l’outil protecteur des délais, révélant l’équilibre normatif de l’article 24, qui autorise une modulation judiciaire sous conditions strictes de reprise et de solvabilité.

II. L’aménagement judiciaire des effets par l’octroi de délais et la suspension corrélative

A. La suspension des effets et l’échelonnement dans la limite de trois ans
L’économie de l’article 24 autorise le juge à suspendre les effets de la résiliation et à octroyer des délais, dans la limite de trois années, si le loyer courant est repris et si la situation permet l’apurement. Le juge retient la reprise du loyer courant et l’aptitude au règlement par paliers, ce qu’exprime la motivation suivante: «Au regard du montant de la dette locative, de la reprise du paiement du loyer par le locataire et de la position du bailleur, l’échéancier suivant lui sera accordé.» Le plan de trente-six mensualités de 108 € s’inscrit dans le plafond légal et demeure payable en sus du loyer courant, ce qui garantit la non-altération du contrat pendant la suspension.

La suspension des effets de la clause accompagne l’échelonnement, selon le mécanisme textuel. La décision l’articule clairement en reliant la suspension à l’exécution des échéances. Cette logique maintient le lien contractuel tout en posant des repères temporels simples, et place le locataire face à une obligation soutenable, calibrée par un montant constant et modéré au regard de la dette.

B. Les conséquences de l’inexécution et l’équilibre des intérêts en présence
L’efficacité du dispositif repose sur une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaillance, suivie de la reprise des effets résolutoires et de l’exécution forcée. Le juge prévoit l’accélération après une mise en demeure infructueuse, en des termes dépourvus d’ambiguïté: «Disons qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance, la totalité de la dette redeviendra exigible dans un délai de 8 jours, après mise en demeure restée infructueuse.» La résiliation et l’expulsion en découlent sans nouvelle saisine, mesure cohérente avec la suspension conditionnelle et l’effet automatique de la clause.

L’indemnité d’occupation, égale aux loyers et charges, est fixée pour l’hypothèse d’une résiliation effective, ce qui clôt le régime transitoire entre suspension et reprise des effets. La décision rejette par ailleurs la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, appréciant l’équité des frais irrépétibles au regard de l’issue. Elle rappelle enfin l’autorité exécutoire immédiate: «Rappelons que la présente décision est de plein droit exécutoire.» L’ensemble préserve l’intérêt du bailleur par des garanties claires, tout en évitant une rupture immédiate et définitive du bail dès lors qu’un apurement réaliste est engagé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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