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Le droit du crédit à la consommation illustre la recherche permanente d’un équilibre entre la protection de l’emprunteur et la sécurité des transactions. Le tribunal judiciaire de Grenoble, dans un jugement rendu le 19 juin 2025, apporte une contribution utile à cette réflexion en statuant sur la défaillance d’un emprunteur.
Une banque a consenti à un particulier, par offre acceptée le 22 octobre 2020, un prêt personnel de 25 000 euros remboursable en 60 mensualités au taux débiteur de 2,27 %. L’emprunteur a cessé de régler les échéances à compter du 15 mars 2023. Le prêteur lui a adressé une mise en demeure prononçant la déchéance du terme le 9 janvier 2025, puis l’a assigné le 29 janvier 2025 en paiement de 15 487,41 euros.
L’emprunteur a comparu personnellement à l’audience du 14 avril 2025, invoquant une inaptitude pour justifier ses difficultés de paiement et sollicitant des délais. Le prêteur ne s’est pas opposé à cette demande. Le juge des contentieux de la protection a mis dans le débat les moyens d’ordre public tirés du code de la consommation.
La question posée au tribunal était de savoir si le prêteur pouvait obtenir le remboursement intégral des sommes dues malgré les difficultés financières de l’emprunteur, et dans quelles conditions ce dernier pouvait bénéficier d’un aménagement de sa dette.
Le tribunal a condamné l’emprunteur à payer 14 829,50 euros avec intérêts au taux contractuel, tout en lui accordant un délai de grâce de 24 mois. Il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts et écarté l’indemnité conventionnelle de 8 %.
Cette décision mérite examen tant au regard du contrôle juridictionnel des obligations du prêteur (I) que de l’aménagement des conséquences de la défaillance de l’emprunteur (II).
I. Le contrôle juridictionnel des obligations du prêteur
Le tribunal procède à une vérification exhaustive de la régularité du contrat (A) avant de constater la défaillance de l’emprunteur et ses conséquences (B).
A. La vérification systématique du respect des formalités légales
Le jugement rappelle le principe selon lequel « l’établissement bancaire qui a accordé un crédit à la consommation doit toutefois justifier de la régularité de l’opération au regard des textes d’ordre public du droit de la consommation en démontrant que les formalités obligatoires ont été respectées ». Cette exigence traduit la dimension protectrice du droit de la consommation.
Le tribunal énumère les documents que le prêteur doit produire spontanément. Figurent parmi eux la fiche d’informations précontractuelles, la justification de la vérification de solvabilité par consultation du fichier des incidents de remboursement, la preuve de la remise du bordereau de rétractation et le double de la notice d’assurance. Cette liste constitue un véritable référentiel pour les praticiens.
Le juge se fonde sur l’article R. 632-1 du code de la consommation pour relever d’office les dispositions protectrices. Ce pouvoir manifeste la volonté du législateur de pallier l’éventuelle passivité du consommateur profane. Le magistrat ne se borne pas à trancher le litige tel que les parties le lui soumettent.
En l’espèce, le tribunal constate que le prêteur « a satisfait à l’ensemble des obligations résultant du Code de la consommation ». Cette formulation lapidaire témoigne de la production par la banque d’un dossier complet, rendant inutile tout développement sur d’éventuelles irrégularités.
B. La caractérisation de la défaillance et la déchéance du terme
Le tribunal vérifie préalablement le respect du délai de forclusion prévu à l’article R. 312-35 du code de la consommation. L’action doit être introduite dans les deux ans de l’événement caractérisant la défaillance. Le premier incident non régularisé remonte au 15 mars 2023, l’assignation au 29 janvier 2025. Le délai est respecté.
La déchéance du terme résulte de la clause résolutoire prévue au contrat. Le jugement énonce que « la SA […] est fondée à obtenir la condamnation de [l’emprunteur] au remboursement des sommes suivantes ». Le mécanisme contractuel joue de plein droit dès lors que les conditions sont réunies.
Le tribunal procède au calcul de la créance conformément à l’article L. 312-39 du code de la consommation. Les échéances échues impayées s’élèvent à 6 605,63 euros, le capital restant dû à 8 223,99 euros. La somme totale de 14 829,50 euros diffère du montant initialement réclamé, le tribunal ayant manifestement corrigé les prétentions du demandeur.
Les intérêts de retard sont fixés au taux contractuel de 2,27 % à compter de l’assignation. Le tribunal applique strictement les dispositions légales qui prévoient que les sommes restant dues produisent intérêts au taux du prêt jusqu’au règlement effectif.
II. L’aménagement des conséquences de la défaillance
Le tribunal écarte certaines prétentions du prêteur (A) tout en accordant à l’emprunteur les délais sollicités (B).
A. Le rejet des demandes excessives du prêteur
Le jugement refuse la capitalisation des intérêts demandée sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil. Le tribunal invoque l’article L. 312-38 du code de la consommation selon lequel « aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-39 à L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur ». La possibilité de capitalisation n’étant pas visée par ces textes, elle est exclue.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante protectrice de l’emprunteur défaillant. Le cantonnement légal des sommes exigibles en cas de défaillance constitue une limite impérative au pouvoir contractuel du prêteur. Le caractère d’ordre public de ces dispositions justifie leur application d’office.
L’indemnité conventionnelle de 8 % prévue par l’article L. 312-39 est également écartée. Le tribunal rappelle qu’elle « s’analyse en une clause pénale » susceptible de réduction judiciaire sur le fondement de l’article 1231-5 du code civil. En l’espèce, le juge choisit de ne pas l’appliquer dès lors que le prêteur ne s’oppose pas aux délais sollicités.
Cette décision témoigne d’une approche pragmatique. Le prêteur qui consent aux délais de paiement ne saurait simultanément réclamer une indemnité sanctionnant la défaillance qu’il accepte d’aménager. La cohérence de son attitude conditionne l’étendue de ses droits.
B. L’octroi de délais de grâce adaptés à la situation du débiteur
Le tribunal se fonde sur l’article 1343-5 du code civil pour accorder un échelonnement du paiement. Cette disposition permet au juge, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier », de reporter ou échelonner le paiement dans la limite de deux années.
Le jugement précise que l’article L. 312-39 du code de la consommation « ne fait pas obstacle à l’application des délais de paiement ». Cette articulation entre droit commun et droit spécial préserve la faculté pour le consommateur défaillant de bénéficier d’un aménagement judiciaire de sa dette.
L’emprunteur invoquait une inaptitude à l’origine de ses difficultés. Il avait remboursé la moitié du prêt initial, démontrant ainsi sa bonne foi passée. Le tribunal retient ces éléments pour lui accorder le délai maximal de 24 mois sans que le prêteur ne s’y oppose.
La portée de cette décision réside dans l’équilibre trouvé entre les intérêts en présence. Le prêteur obtient un titre exécutoire lui garantissant le recouvrement de sa créance. L’emprunteur dispose du temps nécessaire pour réorganiser ses finances. Le juge des contentieux de la protection assume ainsi pleinement sa fonction de régulateur des difficultés d’exécution des contrats de crédit.